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L'accès aux médicaments et le droit des brevets

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par Magloire AKOGBETO
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master droit et management des structures sanitaires et sociales  2005
  

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1.2.1.1.3. Les solutions adoptées quant à la protection du médicament par brevet

Comme nous venons de le voir, deux positions se dégagent de la question de la brevetabilité du médicament.

D'une part, on peut soit penser qu'il est fondamental de protéger la recherche pharmaceutique et dans ce cas, il paraît nécessaire, de reconnaître la brevetabilité du médicament.

D'autre part, si on pense au contraire qu'il est essentiel de préserver les intérêts de la santé publique, il peut paraître souhaitable d'éviter la création de monopoles sur les produits pharmaceutiques utiles à la santé publique. Dans ce dernier cas où la brevetabilité du médicament ne semble pas envisageable, il est cependant possible de prévoir que le procédé de préparation du médicament soit ou non brevetable. Mais cette possibilité a été écartée par plusieurs Etats20 qui ont estimé que cette protection tronquée était encore excessive et risquait de nuire aux intérêts de la santé publique ; ils ont ainsi prévu que, dans le domaine du médicament ni le produit, ni le procédé ne seraient brevetables21.

Par conséquent certains pays refusent toute protection au médicament ; d'autres lui accordent une protection limitée en décidant que le médicament n'est pas brevetable, alors que le procédé est admis à la brevetabilité ; et d'autres enfin admettent la brevetabilité du médicament et son procédé d'invention.

Avec la Convention de Munich au plan européen et récemment l'Accord sur les ADIPIC dans le cadre de l'OMC, on tend aujourd'hui vers une harmonisation des législations nationales. Cette harmonisation a conduit presque tous les Etats du monde entier à reconnaître la brevetabilité du médicament mais avec des restrictions au profit de la santé publique qui diffèrent d'un Etat à un autre. Cette solution finalement adoptée ayant pour objectif de concilier les deux intérêts en présence à savoir : protéger la recherche pharmaceutique et préserver la santé publique ne reste pas sans poser des problèmes réels d'accès aux médicaments. Voyons à présent ce qui se passe en France, seul pays à avoir instauré dans le passé un titre spécial de protection du médicament.

20 On peut citer comme exemple : le Japon, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas etc.

21M. DE HAAS, Brevet et médicament en droit français et en droit européen, LITEC, Paris, 1981, p. 62.

1.2.1.2. La situation en France

Il faut ainsi rappeler que, pendant plus d'un siècle, en France et dans de nombreux pays européens, le médicament n'a pas pu faire l'objet d'une protection par brevets22. Une loi de 184423, adoptée en suivant l'avis des pharmaciens et contre celui des chimistes, excluait les préparations thérapeutiques des objets susceptibles d'être brevetés. La principale raison avancée était la crainte de voir le médicament breveté monopolisé par un fabricant tout en recevant une sorte de label officiel.

Entre la fin du XIXè siècle et les années 50, des débats récurrents ont ainsi opposé les industriels fournisseurs de " préparations " et les professionnels de la santé, en particulier les pharmaciens d'officine. Les uns mettaient en avant la juste rétribution de l'inventeur, la pureté chimique croissante et la reproductibilité de leurs produits. Les autres invoquaient la nécessité du jugement professionnel des procédés et de l'efficacité des médicaments, les risques que représentaient pour la santé publique les intérêts commerciaux24.

La multiplication des médicaments de synthèse produits par les grandes entreprises a fini par avoir raison de ces oppositions. Après 1945, le statut du médicament a progressivement été aligné sur celui des autres biens industriels. Malgré cette évolution, la spécificité des molécules d'intérêt médical n'a pas totalement disparu : diverses formules de compromis entre les exigences de la propriété industrielle et celles de la santé publique ont été avancées. En France, dans les années 50, on a par exemple établi un " brevet spécial du médicament "25. Dans ce cadre, l'Etat se donnait le droit, lorsque l'intérêt collectif l'exigeait, d'imposer au titulaire d'un tel brevet l'octroi de licences ou des modifications des conditions d'exploitation.

22Cf. J. Azéma, Existe-t-il encore une spécificité du brevet pharmaceutique ?, JCP, 1990, éd. E., II, 15744, p. 254.

23 Loi du 5 juillet 1844 excluant de la protection par brevet « les compositions ou remèdes de toute espèce ».

24 Lire à ce sujet.), Le droit des brevets, Dalloz, Paris, 2005, p. 43.

25 VIVANT (M.), LEMAY (R.), Les médicaments : particularités du brevet, Droit social, 1971, n1.

1.2.1.2.1. Le Brevet Spécial de Médicament et sa réforme

Si les procédés de préparation des produits thérapeutiquement actifs sont brevetables en France depuis 194426, le médicament est devenu effectivement brevetable pour la première fois, d'une part, par l'ordonnance du 4 février 195927 et, d'autre part en conformité des dispositions du décret du 30 mai 1960, relatives au nouveau titre créé, le brevet spécial de médicament (BSM).

Le législateur, dans l'ordonnance précitée, a choisi à l'époque de créer un titre spécial28 qui tienne compte du particularisme du médicament pour préserver les intérêts de la santé publique. « Le médicament ne peut être assimilé à tous les produits de l'industrie ; sa qualité, son prix intéressent la santé publique et ne peuvent être abandonnés au seul mécanisme du marché29 ». C'est pourquoi l'article 603 du Code30 d'alors pose le principe d'un brevet spécial de médicament, en habilitant les pouvoirs réglementaires à apporter au régime de la loi du 5 juillet 1844 les aménagements qui pourraient sembler utiles.31

Le législateur de 1959, en refusant de faire entrer le médicament dans le droit commun des brevets a cependant reconnu la nécessité d'une protection et a ainsi créé un titre spécial qui répond à des règles particulières formulées par décret.32

26 Loi du 27 janvier 1944.

27 Ordonnance n° 59-250 du 4 février 1959.

28 L'article 5 de cette ordonnance du 4 février 1959 est rédigé ainsi : « Ne sont pas susceptibles d'être brevetés :

1) Les compositions pharmaceutiques ou remèdes de toute espèce sous réserve des dispositions relatives aux brevets spéciaux de médicament et à l'exclusion des procédés, dispositifs st autres moyens servant à leur obtention ;

2) Sans changement ».

29 Motifs que les rédacteurs de l'ordonnance du 4 février 1959 ont invoqués pour créer le BSM

30 Cet article L. 603 du Code de la santé publique dispose que : « Les brevets spéciaux d'invention seront accordés à tout demandeur pour des médicaments par le ministre chargé de la propriété industrielle. Les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 605 ci-dessous pourront établir des règles particulières aux brevets spéciaux de médicament : ils devront notamment prévoir la délivrance d'un avis documentaire sur la nouveauté. Cet avis sera susceptible d'opposition de la part des bénéficiaires et des tiers intéressés.

Les droits attachés aux brevets spéciaux de médicament ne sont pas opposables à la fabrication de produits pharmaceutiques sous forme de préparations magistrales ».

31 Il s'agit de deux aménagements énoncés par la loi elle-même. Le premier de ces aménagements était l'institution d'un avis documentaire sur la nouveauté qui devait permettre aux tiers, à la lecture du brevet publié, de connaître l'art antérieur susceptible de porter atteinte à la validité du titre. Le second aménagement consistait dans une procédure permettant au gouvernement de faire échec à l'exclusivité conférée à son détenteur par un brevet de médicament chaque fois que la mise du médicament à la disposition du public ne se faisait pas dans des conditions satisfaisantes, soit parce que l'inventeur tardait à exploiter son invention, soit parce qu'il ne produisait pas sur une échelle suffisante ou encore si sa production laissait à désirer en qualité ou en prix.

32 Décret du 30 mai 1960 pris en application de l'ordonnance n° 59-250 du 4 février 1959. L'article 3 de ce décret est fondamental pour ce qui concerne l'objet même du brevet spécial de médicament. D'après cet article, « Et susceptible d'être valablement breveté, comme médicament nouveau, tout produit et toute substance ou composition conforme à la disposition de l'article L. 511 du Code de la santé publique, présenté pour la première fois comme possédant en thérapeutique humaine des propriétés curatives,

La France était en 1960 dotée d'un système à deux types de brevet ; elle a été le seul pays au monde à avoir réalisé un tel système dans le but de préserver les intérêts de la santé publique33. Mais les choses ont vite évolué. Ce statut particulier fait au médicament s'est révélé néfaste lorsque s'est développée une véritable activité industrielle pharmaceutique et qu'il est devenu nécessaire, dans ce domaine plus encore que dans d'autres, d'encourager la recherche. Le brevet est alors apparu comme le moteur irremplaçable du développement de la recherche et l'indispensable instrument de sa protection34. Ainsi, à partir de 1968, les lois modernes reconnaissant la brevetabilité du médicament ont supprimé le BSM et admis ce dernier dans le droit commun tout en lui reconnaissant certains particularismes juridiques.

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