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De la protection juridique des forêts du Burundi : le cas du parc national de la Kibira

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par Désiré UWIZEYIMANA
Université de Limoges - M2 Droit International et Comparé de l'Environnement 2012
  

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CHAPITRE 2 : VERS UNE PROTECTION EFFECTIVE DU PARC NATIONAL DE LA

KIBIRA

L'analyse effectuée sur les mécanismes légaux et institutionnels vient de nous révéler que leur faible effectivité sur la protection du PNK n'est pas sans conséquence sur l'état actuel de sa biodiversité. En effet, malgré la prolifération des règles et l'existence de pas mal d'institutions de protection du PNK, la dégradation des ressources forestières est une réalité.

La préoccupation majeure à cet égard est de savoir comment rendre effectives les normes de protection de ces aires protégées dont l'utilité paraît évidente. Ainsi, la nécessité s'impose d'adopter des stratégies tant légales qu'institutionnelles idoines susceptibles de permettre une protection effective des richesses écologiques de ce massif forestier.

Section 1 : Stratégies légales adéquates pour la protection du PNK §1. Le renforcement du dispositif légal existant

La gestion des ressources du PNK se réalise essentiellement par les textes législatifs et réglementaires d'une part, les conventions internationales ratifiées par le Burundi et qui font partie intégrante de la législation interne, d'autre part. Or, comme nous l'avons mentionné, on constate que dans la plupart des cas, ces lois de caractère trop général ne sont pas suivies de textes d'application qui pourtant, sont indispensables pour apporter beaucoup plus de lumière sur les dispositions de loi insuffisamment détaillées.

De même, lorsqu'elles sont ratifiées par l'Etat, les conventions internationales sont souvent inadaptées si bien qu'elles requièrent généralement d'être relayées par un texte légal d'adaptation au droit interne.

D'où l'extrême nécessité de procéder à l'élaboration des textes d'application et au renforcement de l'effectivité de ces textes de loi au risque qu'ils ne demeurent lettre morte87.

A. Elaboration des textes d'application

Dans cette démarche d'élaboration des textes d'application, l'étape primordiale consiste à identifier correctement les aspects de la législation en place qui nécessitent des mesures légales d'application et s'atteler à élaborer progressivement ces textes.

En effet, quels que puissent être les mérites des orientations et solutions de base déjà posées par les différents textes organiques qui comportent des aspects de protection du PNK, que le législateur s'est attelé à mettre en place au cours de ces dernières années, ces solutions se sont

87 Granier, L., Aspects contemporains du droit de l'environnement en Afrique de l'ouest et centrale, UICN, Gland, Suisse, 2008, p.29.

révélées insuffisantes puisque leur efficacité dépendent en grande partie des mesures d'application auxquelles ces textes de base renvoyaient.

Ainsi, une simple lecture du Code de l'environnement du Burundi du 30 juin 2000 qui organise la gestion des espaces naturels protégés et la diversité biologique laisse apparaître plusieurs dispositions (articles 75 à 94 du Code de l'environnement du Burundi) en la matière. Cette loi renvoie à des mesures réglementaires d'application à élaborer. Or, à ce jour, un seul texte a été mis en place pour le secteur des aires protégées et ce texte renvoie lui-même à d'autres mesures qui doivent le relayer mais qui sont encore en attente. Il prévoit notamment en son article 83 l'institution d'une zone tampon qui doit être délimitée autour du parc ou d'une réserve naturelle. Ce décret n'a pas encore vu le jour.

De même, sous la rubrique qu'il consacre au droit d'usage dans les forêts de l'Etat, le Code forestier du Burundi du 25 mars 1985 renvoie lui-même à des textes d'application qui doivent compléter et permettre l'application des dispositions qu'il pose (Articles 38,39, 40, 44, et 45 du Code forestier du Burundi). Il fait de même lorsqu'il réglemente l'aménagement et l'assiette des coupes de bois88. Aucun de ces textes réglementaires n'a encore été élaboré.

Pour ce qui est des conventions ratifiées par le Burundi en rapport avec la protection de la biodiversité du PNK (Convention sur la diversité biologique, convention CITES, Convention phytosanitaire et la Convention sur la protection des végétaux entre les Etats membres de la CEPGL), il importe de prendre des mesures pour leur application et de leur adaptation ainsi que les mesures d'adoption de protocoles à ces Conventions. Ainsi, la prise des mesures pouvant contenir une loi nationale sur l'accès et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques au Burundi serait d'une grande opportunité étant donné qu'elles contribueraient à rendre effective la conservation de la biodiversité du PNK.

Enfin, tous ces textes d'application fixant des modalités pratiques d'application revêtent généralement la forme de lois ou d'ordonnances ministérielles et doivent être élaborés par chacun des Ministères concernés, en tenant compte des données concrètes de base auxquelles son secteur est confronté. Notons que le Ministère de l'Environnement est chaque fois concerné, soit à titre conjoint, soit même à titre principal. Dès lors, il importe de s'interroger sur les moyens adéquats de renforcement de l'effectivité de ces textes de loi.

B. Renforcement de l'effectivité des textes de lois en vigueur

Les bonnes dispositions inscrites dans la loi ne sont pas forcement assurées d'être reçues et appliquées dans la société du seul fait qu'elles ont été mises en vigueur. En matière législative, l'expérience a souvent montré que lorsque les autorités étatiques croient avoir identifié les solutions appropriées à mettre en place, elles s'imaginent souvent que la nécessité d'informer correctement et efficacement tous les partenaires concernés, de les convaincre à la faveur d'une sensibilisation appuyée, impose un détour inutile occasionnant un retard dans la mise en application de la législation. Pourtant, l'expérience montre aussi que les démarches autoritaires et

88 Article 11 et 12 du Code forestier du Burundi.

hâtives aboutissent à des déceptions en matière législative. C'est tout le problème de l'effectivité de la loi.

Pour ce faire, il est indispensable de mettre en oeuvre les mécanismes de contrôle prévus à cet effet et d'impliquer étroitement tout bénéficiaire des ressources naturelles du PNK, dans la mise en oeuvre des règles de sa conservation, notamment par l'éducation et la sensibilisation.

1. Le renforcement des mécanismes de contrôle

De tout temps, la nécessité d'assurer le respect des règles de protection de l'environnement découle avant tout de contraintes générales liées à la capacité de l'autorité publique d'imposer le respect de la norme environnementale89. Cela suppose que les pouvoirs publics jouent pleinement leur rôle, notamment en organisant des contrôles préventifs et, le cas échéant, en rendant effectives les sanctions dont sont assorties ces règles environnementales.

En effet, les différents textes consacrés à la conservation et à la gestion des aires protégées au Burundi prévoient pour leur mise en oeuvre des mécanismes institutionnels chargés du contrôle préventif de la mise en oeuvre de leurs dispositions. Ainsi, le suivi de la mise en oeuvre des dispositions de la Loi n°1/10 du 30 mai 2011 portant création et gestion des aires protégées au Burundi relève des services techniques du ministère chargé de la conservation de la nature à savoir les « agents assermentés », qui reçoivent à cet effet, des compétences dans les ressorts territoriaux d'exercice de leurs fonctions (article 34).

La loi prévoit également des mesures de contrôle telles que la recherche et la saisie de tous les objets, matériels vendus ou achetés en fraude ou qui circulent en violation de certaines de ses dispositions90. En effet, la condition du respect effectif de la législation en rapport avec la conservation du PNK est la mise en oeuvre effective de ces différentes mesures de contrôle. A cet effet, il importe de renforcer les capacités opérationnelles des structures en leur dotant des ressources humaines, matérielles et financières pour s'acquitter pleinement des tâches qui leur sont dévolues. Or, la principale lacune qui est à l'origine de la dégradation de la biodiversité du PNK est la faiblesse des sanctions à l'endroit des contrevenants aux dispositions de la législation régissant la conservation et la gestion des aires protégées au Burundi91. Cette situation a été aggravée par la crise sociopolitique de 1993 à 2005, où le PNK a été le refuge des groupes rebelles faisant que ces groupes armés et les forces de l'ordre soient les seuls maîtres de la forêt en perpétrant d'innombrables infractions au PNK durant cette période , entraînant ainsi une

89 Granier, L., op.cit, p.28.

90 Article 35 de la Loi n°1/10 du 30 mai 2011 portant création et gestion des aires protégées au Burundi.

91NINDORERA, D., Etude sur le cadre légal, politique et institutionnel en matière de biodiversité, Bujumbura, 2013, p.30.

perte énorme de la biodiversité tant animale que végétale ainsi que la diminution de la superficie du parc92.

De toute évidence, toute règle de droit est toujours assortie d'une sanction émanant de l'autorité étatique, garant du respect de la loi environnementale. Ce qui implique qu'en cas de laxisme de l'Etat dans l'application des textes de lois de protection du PNK ou lorsque les principaux acteurs chargés de ces lois comme les magistrats ignorent ces textes de lois ayant des aspects en rapport avec le PNK ou lorsqu'il y a un faible niveau de poursuites judiciaires d'infractions au PNK, il va sans dire que les textes en la matière vont rester inopérants et par voie de conséquence, sa biodiversité va en pâtir suite à l'impunité dont feront objet leurs contrevenants.

En matière de conservation des aires protégées, bien que la sanction ne soit pas forcément la meilleure panacée à l'irrespect de la loi, il n'en demeure pas moins que dans certains cas, cette sanction soit indispensable pour assurer l'effectivité de la loi. Cette dernière doit résulter nécessairement d'une adéquate stratégie d'éducation environnementale au bénéfice de tous les bénéficiaires de la richesse écologique du PNK.

2. La nécessaire éducation environnementale des citoyens

Tant au Burundi que dans le monde entier, la nécessité de l'éducation environnementale n'est plus à prouver, maintenant plus qu'hier et certainement davantage demain. L'éducation environnementale doit permettre de prendre conscience de «l'environnement global et des problèmes connexes »93.

En effet, dans la déclaration issue de cette conférence de Tbilissi, l'éducation relative à l'environnement a été définie comme« un processus dans lequel les individus et la collectivité prennent conscience de leur environnement et acquièrent les connaissances, les valeurs, les compétences, l'expérience et aussi la volonté qui leur permettent d'agir, individuellement et collectivement, pour résoudre les problèmes actuels et futurs de l'environnement». En effet, il est indispensable non seulement d'informer, de former et de sensibiliser le citoyen mais également de promouvoir auprès d'eux un civisme en matière d'environnement pour permettre aux citoyens surtout les plus jeunes de connaître le contenu de la loi environnementale. Cette tâche exige une mise au point d'une véritable stratégie de communication.

Au Burundi, l'importance accordée à l'éducation environnementale transparaît à travers les différents instruments juridiques qui lui permettent de s'acquitter de ses obligations en mettant en oeuvre toutes les dispositions en rapport avec la conservation et la gestion des aires protégées dont le PNK, notamment celles liées à l'éducation environnementale. En effet, l'éducation environnementale étant un domaine transversal, elle exige l'intervention de plusieurs partenaires tant nationaux qu'internationaux agissant à des titres divers. Au niveau du parc de la Kibira, ce

92 NZIGIDAHERA B., NZOJIBWAMI C., BIRUKE Maneno, MISIGARO A., Plan communautaire de conservation du Parc National de la Kibira en zones NKONGE et RWEGURA, Bujumbura, 2002 p.24.

93 La Conférence internationale intergouvernementale sur l'Education relative à l'Environnement tenue à Tbilissi en Géorgie, du 14 au 26 octobre 1977, organisée par l'UNESCO en collaboration avec le PNUE.

mandat est exécuté au sein de l'INECN à travers le Département de la Recherche, de l'Environnement et de l'Education Environnementale94.

Afin d'informer et de sensibiliser les populations riveraines du PNK sur le contenu des textes de loi en rapport avec cette aire protégée, l'INECN en collaboration avec d'autres partenaires a initié des activités d'éducation et de sensibilisation au profit des populations riveraines du PNK. En effet, depuis 2001, l'INECN a mis en place un système d'intégration des communautés dans la gestion des aires protégées autour des plans communautaires de conservation des aires protégées. C'est ainsi qu'il existe actuellement deux plans communautaires élaborés pour les communautés riveraines du Parc National de la Kibira (à Bugarama et à Rwegura) mis en place dans le cadre du Projet Parc pour la Paix « PPP » de la Conférence des Forets Denses et Humides d'Afrique Centrale (CEFDHAC)95.

De même, l'Association Burundaise pour la protection des Oiseaux (ABO) en collaboration avec l'INECN avec l'appui de CARPE/IUCN, a élaboré un recueil des dispositions pertinentes légales relatives aux aires protégées du Burundi dont l'objet est de pouvoir assurer un respect de textes de loi existants régissant les aires protégées du Burundi en général et applicables au Parc National de la Kibira en particulier. A travers ce recueil, ses auteurs ont manifesté l'intention d'impliquer de manière effective tous les administratifs locaux et la police nationale riverains du Parc de la Kibira dans l'application des textes de loi actuellement disponibles en matière de conservation des aires protégées96. Ainsi, toutes ces actions qui sont menées au niveau du PNK visent à inculquer aux populations riveraines du PNK surtout à la jeunesse, les différentes règles protectrices de cette aire protégée. C'est précisément cette éducation environnementale qui permettra l'émergence d'une culture citoyenne de respect de la loi environnementale protégeant le PNK.

Au-delà du respect de la lettre de la loi, il s'agit d'amener progressivement l'individu à avoir un comportement respectueux de l'écologie du parc. Cette tâche essentielle peut être assurée par ce que l'on pourrait appeler la promotion de l' « éco-citoyenneté ».

Selon Laurent Granier, « l'éco-citoyenneté suppose que le citoyen a connaissance de la réglementation environnementale, a pleinement conscience de sa portée et s'engager à s'y conformer »97. En effet, l'éco-citoyenneté s'opposant à l'incivisme écologique suppose donc en même temps une prise de conscience et un engagement à agir conformément aux exigences de la protection de l'environnement. Dans notre pays, face à la montée de l'incivisme écologique par rapport au patrimoine naturel du PNK, seule la promotion d'une éco-citoyenneté permettra de renverser la tendance et de favoriser l'effectivité des normes de protection de cet écosystème naturel.

94 MEEATUÀ Stratégie Nationale et Plan d'Action en matière d'Education Environnementale, Bujumbura, 2009, p.34.

95 Idem, p.36.

96 MANIRAMBONA, A., NINDORERA, D., Quelques dispositions légales essentielles relatives aux parcs et réserves naturelles au Burundi, CARPE/UICN, Bujumbura, 2008, p.2.

97 Granier, L., op.cit., p.31.

On comprend donc qu'une telle efficacité du dispositif légal existant de protection du PNK requiert à la fois une éducation et une sensibilisation de tous les bénéficiaires des ressources naturelles du PNK et qui permettra de jeter les bases pour une mise en place d'une législation adéquate de préservation de ce patrimoine naturel.

§2. Elaboration d'une législation adéquate

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire