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Réflexion sur le processus de démocratisation en Afrique. Cas de la république démocratique du Congo.

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par Christophe Zamba Mungongo
Université libre De Kinshasa - Licence en droit public 2012
  

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2. La déchéance du contrôle de la constitutionnalité

Chacun sait que le développement de la justice constitutionnelle réhabilite le droit constitutionnel en lui restituant sa vraie dignité, sa vocation première.46(*) Or, dans de nombreux pays africains, on observe une faiblesse qualitative et quantitative de la jurisprudence constitutionnelle.

Le droit y éprouve de réelles difficultés pour saisir la politique et pour garantir les libertés fondamentales en dépit de leur proclamation en abondance par les constitutions.

Cette faiblesse de la jurisprudence constitutionnelle est d'abord due au fait que les pays en cause ont délibérément choisi de confiner la justice constitutionnelle dans un champ de compétence restreint (contrôle de constitutionnalité des lois, contentieux électoral).

Ensuite, les juridictions constitutionnelles elles-mêmes ont une conception minimaliste de leurs prérogatives et manquent de hardiesse dans leur interprétation du droit. A titre d'exemple, le Conseil constitutionnel Sénégalais rappelle systématiquement qu'il est « une juridiction d'attribution dont la compétence est strictement limitée par les textes [...] et qu'il ne saurait se prononcer que sur des cas expressément prévus par ces textes ».

Enfin, le caractère restreint du régime de leur saisine est une cause de la faiblesse quantitative de leurs décisions. Au Sénégal, le Conseil constitutionnel n'en a rendu qu'une centaine en quinze ans d'existence.

Cette observation vaut également pour le Burkina Faso, le Cameroun, le Togo, la Guinée... Cette faiblesse de la jurisprudence constitutionnelle en Afrique est à la mesure de la modestie de la mission confiée par les régimes politiques aux juridictions constitutionnelles.

Elle révèle en même temps un déficit de culture démocratique des dirigeants africains à un moment où l'accent est mis, à l'échelle universelle, sur la valorisation du rôle et de la responsabilité du juge dans les démocraties contemporaines.

3. Élections imparfaites

Ce qui se trouve être notre préoccupation à travers ces lignes, c'est de chercher à scruter, l'horizon de sens et de non sens, de la marche du processus démocratique à travers les élections.

En effet, pour moins que l'on prenne la mesure des événements tragiques, des tensions sociopolitiques et des dérives électorales que connaissent ces dernières années, ces dernières mois ou ces derniers jours, des pays africains tels que la Mauritanie, le Togo, le Zimbabwe, le Kenya, la Guinée Bissau, le Gabon, la Tanzanie, le Sénégal, le Madagascar, le Tchad, le Burundi, l'Ouganda, la Somalie, le Niger, l'Egypte, la côte d'Ivoire, le Burkina, l'Algérie, la Tunisie, la République démocratique du Congo, ... l'on est en droit de s'interroger, tant et si bien qu'une foule de questionnements taraude la conscience : pourquoi tant de violences pré-électorales et postélectorales ? Les élections dans nos pays deviennent-elles contre démocratiques ?

S'il est évident qu'il est trop difficile de fournir des réponses précises à chacune des ces questions, mais nous savons que la majorité des dirigeants africains se trompent délibérément de démocratie en pratiquant la restauration autoritaire.

Du reste, ce déplorable état de choses bénéficie de la complicité (active ou passive) de la communauté internationale en raison de divers intérêts en jeu (intérêts économique, géopolitique, géostratégique, dividende lié au financement électoral, etc.47(*)).

La période des élections est l'un des temps forts de la vie politique d'un pays. L'élection exprime le pluralisme politique, fonde la démocratie représentative et légitime le pouvoir.

Elle est devenue, nous l'avons noté, « un rite démocratique ». Mais on peut s'interroger sur sa pertinence lorsqu'elle sert uniquement à légitimer des pouvoirs, à renforcer des pouvoirs autoritaires par le détournement du suffrage universel par des clans et des intérêts privés.

L'élection présidentielle, notamment, devient dans ce cas une simple formalité administrative, un simple verni démocratique dont certains n'hésitent plus à demander la suppression.48(*)

Cet appel à l'élimination totale de ce mode de désignation des chefs de l'État peut paraître excessif, mais il est en vérité l'expression de l'indignation causée par la dévalorisation de l'acte électif, la perte de son pouvoir de contrôle et de sanction en démocratie. Son organisation par les pouvoirs en place ne cesse de susciter de vives contestations, conduisant parfois les oppositions à les rejeter et refuser d'y participer.

Au Sénégal, l'opposition dite significative regroupée au sein du Front « Siggil Sénégal » a décidé de boycotter les élections législatives du 3 juin 2007 au motif que le fichier électoral n'était pas fiable. Il faut reconnaître par ailleurs que le pouvoir en place a unilatéralement modifié à plusieurs reprises les règles du jeu électoral, remettant ainsi en cause le consensus réalisé sur cette question en 1992. Pareilles contestations ont émaillé d'autres scrutins un peu partout en Afrique, notamment en Centrafrique en 1998, au Burkina Faso en 2000, au Togo en 2005, au Gabon en 2001, au Cameroun en 1997 et en Côte d'Ivoire en 1995, au Zimbabwe en 2005 et 2008.

Au Kenya, une grave crise sociopolitique est née de l'élection présidentielle du 27 décembre 2007. En effet, la sincérité des résultats de l'élection, consacrant la victoire de MwaiKibaki, a été contestée à bon droit par l'opposition et il en est résulté une crise politique particulièrement meurtrière.

Cette situation est d'autant plus regrettable que ce pays avait réussi une alternance démocratique remarquable en 2002. L'opposition regroupée dans la coalition nationale Arc-en-ciel derrière son leader MwaiKibaki avait alors remporté les élections présidentielles et législatives contre le président sortant Daniel Arap Moi.

Tout le monde s'accorde à dire que les autorités kenyanes pouvaient épargner les centaines de vies humaines perdues, si elles avaient respecté le suffrage populaire issu des urnes. Plus grave, les violences ont pris une tournure ethnique. Elles ont en définitive opposé les Kikuyus, ethnie du président Kibaki, aux Louos, celle de son rival RaylaOndinga. On a parlé de « nettoyage ethnique » et les deux camps se sont mutuellement accusés de génocide.

La rétention des résultats du scrutin présidentiel obéit à la même logique de perpétuation du pouvoir et constitue une forme d'entrave à la libre expression du suffrage populaire et à l'alternance. Ainsi, au Zimbabwe, plus d'un mois après le scrutin présidentiel du 29 mars 2008, le régime du président Robert Mugabe a usé du subterfuge du recomptage des voix pour tenter d'inverser les résultats de l'élection, avant de publier finalement des résultats manifestement préfabriqués.

Ces manoeuvres lui permirent de se maintenir pour le second tour contre l'opposant Morgan Tsvangirai dont le parti avait déjà remporté les élections législatives avec une confortable majorité. Mais ce dernier, qui était pourtant arrivé largement en tête à l'issue du premier tour selon les résultats officiels, fut contraint de se retirer de la course pour mettre un terme aux intimidations, actes de violence et arrestations arbitraires perpétrés contre ses partisans par l'armée et la police zimbabwéenne dans l'entre-deux-tours.

Ce retrait a permis à Robert Mugabe, unique candidat au second tour, d'obtenir 85 % des voix à l'issue d'un scrutin marqué par un très fort taux d'abstention. Cette élection entachée de multiples irrégularités est qualifiée par la plupart des d'observateurs de simulacre de démocratie.

Tirant la leçon de l'expérience du passé, le Zimbabwe a adopté en 2013, une tradition électorale respectée, celle d'éviter de faire régner la terreur dans les bureaux de vote. En résumé, que tout s'est passé sans débordements spectaculaires jusqu'au premier tour de la présidentielle. Ce comportement est encourageant, et nous invitons les dirigeants africains à respecter les résultants des urnes.

Dans le même ordre d'idée, des élections présidentielles, parlementaires, et de gouverneurs ont eu lieu au Nigéria du 09 au 26 avril 2011, dans un climat de paix. Malheureusement, la Commission électorale nationale indépendante, organe chargé de superviser les élections pour la fonction publique dans le pays, n'a communiqué aucune information relative au nombre de femmes inscrites pour être votées.

Le nombre réduit de femmes élues à des fonctions publiques lors des élections qui ont récemment eu lieu au Nigéria montre la lenteur de l'évolution, voire la régression des systèmes législatif, politique et social de ce pays.

Au cours de la dernière législature, 7,3% seulement des représentants des chambres haute et basse du Nigéria étaient des femmes. Toute fois, il existe de nombreux obstacles qui entravent la participation politique des femmes au Nigéria. D'après Ajao, ceux-ci sont principalement liés aux idées religieuses fausses et aux mentalités rigides quant au rôle des femmes, au manque de ressources des candidates pour faire campagne et à la violence politique exercée contre la pleine participation des femmes aux processus électoraux. L'échec du gouvernement à s'approprier et mettre en oeuvre les conventions internationales promouvant une participation égale des femmes aux processus de gouvernance constitue une autre barrière.

De plus, le Cameroun a organisé en 2012 un scrutin présidentiel libre, équitable et crédible. Le scrutin, organisé par l'organisme ELECAM, est, pour la première fois, ouvert au camerounais vivant à l'étranger, sous réserve qu'ils ne disposent pas d'une double nationalité.

Ailleurs, la révolution qu'a connue la Tunisie en janvier 2011 a introduit des perspectives radicalement différentes. La révolution tunisienne a combiné de façon inédite revendications sociales et revendications politiques dans un mouvement d'accélération sans précédent. Après le mot d'ordre « Dégage ! » et la chute du régime, s'ouvre le moment politique.

Il ne s'agit pas seulement de l'avènement formel de la démocratie. Plusieurs chantiers sont ouverts : les médias, la police, la justice, toutes les instances de gestion du pouvoir doivent être réorganisées. Mais cela se fait lentement. L'unique acquis est l'organisation des premières élections libres. Nos amis de Tunisie « assure que les revendications sociales ont baissé » dans leur pays.

En Egypte par contre, l'armée a démis Mohammed Morsi de la présidence et lui interdit de sortir du pays. Systématiquement diabolisé depuis les tous premiers jours de son arrivée au pouvoir après des élections transparentes, Mohammed Morsi a fini par être éjecté après que "l'opposition", pourtant battue aux élections en 2012, ait réussi à faire descendre des millions d'Egyptiens dans les rues.

Morsi est accusé (de façon ridicule mais très efficacement puisque les accusations seront médiatiquement relayées et largement amplifiées) tour-à-tour de n'avoir pu régler, après un an d'exercice du pouvoir, les problèmes des égyptiens, de s'accaparer de tous les pouvoirs et d'avoir fait pire sur le plan des libertés que Moubarak et tous les régimes précédents.

Deux questions se posent cependant :

Ces erreurs sont elles suffisantes pour que sa légitimité soit remise en cause ?

Existe t-il une "limite" aux erreurs qu'un président peut faire au delà desquelles sa légitimité peut être remise en cause ?

Je ne pense pas que l'on puisse répondre qu'il n'y a pas de limite. Il existe dans certains états des procédures de destitution "Constitutionnelle" comme c'est le cas aux USA (Clinton a failli y goûter et Nixon a démissionné pour l'éviter).

En l'absence d'une telle procédure, il aurait été très élégant de la part de Morsi de démissionner, afin d'éviter à l'Égypte le bain de sang actuel, en raison de ses nombreuses erreurs qu'il reconnaît lui même et l'ampleur de la contestation à son encontre. Mais, mettre à bas les règles constitutionnelles, quelles que soient les raisons avancées, est toujours périlleux. Comme l'expliquait un professeur de droit allemand à ses étudiants dans les années 193049(*).

Enfin, nous pensons que l'acte électif n'a de sens, au fond, que s'il permet l'alternance démocratique50(*), c'est-à-dire s'il réunit les conditions d'un changement de régime sans effusion de sang, l'alternance étant un puissant indicateur de l'enracinement d'une expérience démocratique. Or, les manipulations électorales, intimidations et recours à la force qui émaillent bien des élections en Afrique sont les signes du refus d'accepter les règles du jeu démocratique, souvent à l'origine de troubles postélectoraux.

Les pays africains ont certes accompli des progrès significatifs sur la voie de la démocratisation. Mais l'expérience est encore jeune et fragile, donc réversible. Les résistances rencontrées démontrent que les perspectives prometteuses que l'ouverture démocratique au début des années 1990 avait laissé entrevoir semblent être dans une impasse préoccupante.

Mais cette mauvaise passe ne doit pas incliner à l'afro-pessimisme car la démocratie est une quête permanente. Il reste que, pour qu'elle puisse se hisser de son état embryonnaire à un niveau plus achevé, elle doit s'appuyer sur une véritable culture démocratique qui lui fait encore défaut. Les dirigeants en place n'y ont souvent adhéré que du bout des lèvres51(*), contraints et forcés par des contingences internationales et nationales. Les individus ne sont pas encore suffisamment éduqués et informés pour devenir des citoyens avisés et actifs. Dans la plupart des pays africains, la route est encore longue pour accéder à une démocratie de forte intensité.

* 46IsmailaMadiorFall (dir.), Les décisions et avis du conseil constitutionnel du Sénégal, Dakar, Credila, 2008, pp. 21-22.

* 47 F. MukokaNsenda, Op. cit., p. 84.

* 48Thierry Michalon, « Le suffrage universel détourné par les clans et les intérêts privés. Pour la suppression de l'élection présidentielle en Afrique », Le Monde diplomatique, janvier 2004, pp. 24-25.

* 49Odile Jacob, Dans le roman de Manès Sperber, Et le buisson devint cendre, Paris, 1990, p. 199.

* 50Jean du Bois de Gaudusson, « Les élections à l'épreuve de l'Afrique », Les Cahiers du

Conseil constitutionnel, n° 13, 2002, p. 105.

* 51Pascal Quantin, « Pour une analyse comparativedes élections africaines », Politique africaine, n° 69, 1998, p. 12.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein