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Enfant naturel en droit tchadien, étude à  la lumière du projet de code des personnes et de la famille


par Modeste BESBA
Université de Ngaoundéré. - Master 2016
  

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Section deuxième : Le refus de l'assimilation successorale de l'enfant naturel à l'enfant légitime en droit musulman

Considéré par le passé au même titre que le droit coutumier, le droit musulman fait partie du droit prospectif du Tchad. Il lui est même réservé un chapitre au titre des successions ab-intestat ou sans testament dans le PCPFT. Il est tenant de dire que les rédacteurs de l'Avant-projet ont oublié le principe de la laïcité234(*) de l'Etat proclamé par l'article 1er de la Constitution de la République en ces termes : « Le Tchad est une République souveraine, indépendante, laïque, sociale, une et indivisible, fondée sur les principes de la démocratie, le règne de la loi et de la justice. Il est affirmé la séparation des religions et de l'Etat ».Or, en admettant ce régime spécial, la laïcité de l'Etat n'a pas été ignorée, puisque l'article 702 du PCPFT montre que ce régime spécial des successions est applicable aux seuls musulmans qui l'ont voulu. Il dispose: « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux successions des personnes qui, de leur vivant, ont expressément ou par leur comportement, indiscutablement manifesté leur volonté de voir leur héritage dévolu selon les règles du droit musulman ». Ainsi donc, cette dévolution ne concerne pas tous les musulmans mais ceux qui ont voulu qu'elle soit appliquée lors du partage de leur succession. Même si la présence de ce régime spécial des successions des musulmans ne fait pas directement obstacle à la laïcité de l'Etat tchadien, il viole le principe de l'égalité consacré par la constitution de la République (paragraphe deuxième), puisqu'il n'accorde à l'enfant naturel qu'une part unilinéaire dans la succession de ces parents (paragraphe premier).

Paragraphe premier : L'admission d'une part unilinéaire à l'enfant naturel dans la succession de ses auteurs

Cette unilinéarité de la part successorale de l'enfant naturel s'explique du simple fait qu'en droit musulman, il ne peut établir sa double filiation. Même s'il est interdit d'établir tout lien paternel avec l'enfant naturel en islam (B), il entre totalement dans la famille de sa mère (A).

A- L'affirmation des droits successoraux de l'enfant naturel dans la famille de sa mère

Comme en droit commun, le droit musulman fait la distinction entre les enfants légitimes et les enfants naturels, tant sur le plan de la filiation que des successions. En droit musulman,le mariage est présenté comme la seule forme d'organisation du couple qui assure la véritable sécurité de l'enfant. Pour cela l'enfant légitime est couvert par la présomption de paternité, alors que l'enfant naturel est un bâtard vis-à-vis de son père et par conséquent, il n'hérite pas de lui. En islam, il est donc extrêmement difficile qu'un homme conteste sa paternité, contestation qui par ailleurs ne recourt pas à des arguments de type biologique mais à des arguments de type théologique, en particulier au fait de prêter serment devant Dieu selon la procédure juridico-religieuse du li?ânqui trouve sa source dans le Coran (XXIV, 6-9)235(*). Cependant, les réformes récentes du Code de la famille de certains pays musulmans malékites, àl'exemple de la nouvelle Mudawwanamarocaine de 2004, ou l'article 40 du Code algérien de 2005, introduisent la notion de preuve biologique en donnant la possibilité à des hommes mariés, ou simplement fiancés, de se référer au résultat négatif d'un test ADN pour désavouer leur paternité, les juristes musulmans ayant approuvé l'utilisation des tests génétiques dans le domaine de la filiation236(*).Ces nouvelles mesures viennent ainsi affaiblir la logique traditionnelle de la filiation, puisque l'argument biologique peut être invoqué pour porter un coup à la filiation sociale, filiation qui était auparavant considérée comme intangible et difficilement attaquable.

L'enfant naturel n'hérite en droit musulman que de sa mère. Il faut dire qu'il hérite de cette dernière sans aucune condition. Cela se justifie par le fait qu'en islam, il n'existe pas de bâtard par rapport à la mère237(*).Cet enfant a, entre vifs ou à cause de mort, les mêmes droits que l'enfant légitime dans la succession de sa mère. Ce qui signifie qu'il obtient du vivant ou à la mort de sa mère, les mêmes droits que l'enfant légitime. Les rédacteurs du PCPFT ont adopté cela.

Selon l'article 768 du PCPFT : « l'enfant naturel hérite de sa mère et des parents de celle-ci. La mère et ses parents ont vocation héréditaire dans la succession dudit enfant ». Au sens de cet article, l'enfant naturel n'hérite pas que de sa mère mais aussi des parents de celle-ci. Ainsi, l'enfant naturel dévient de jure et incontestablement un membre de la famille de sa mère. Si l'enfant naturel succède ses grands-parents maternels, ne pourrait-il pas représenter sa mère en cas du prédécès de celle-ci ? La réponse est affirmative puisqu'on dit souvent « qui peut le plus peut le moins ». Par analogie, si l'enfant naturel hérite des parents de sa mère, il peut représenter sa mère dans leur succession, parce que, hériter de ses grands-parents est un acte plus grave que représenter celle-ci dans leur succession. L'article 768 du PCPFT donne aussi des droits successoraux à la mère et ses parents dans la succession de l'enfant naturel. Ainsi s'affirme, par la réciprocité des droits successoraux, l'admission de l'enfant naturel dans la famille de sa mère.

Bien que le droit musulman accorde à l'enfant naturel les mêmes droits successoraux que l'enfant légitime dans l'héritage de la mère, il existe néanmoins des cas dans lesquels on peut déshériter un héritier. Il s'agit de l'incroyance et de l'homicide238(*). L'homicide qui voudrait que l'assassin n'ait pas droit à la succession de sa victime, est aussi cause d'indignité en droit commun des successions. Contrairement à l'homicide, l'incroyance porte atteinte à la laïcité de l'Etat lorsque les parties sont de statuts civils différents. Si le défunt et le déshérité sont tous des musulmans, il n'y a aucun problème, mais dans le cas contraire, il y en a un.

Pour ce qui est des coutumes, l'article 70 de l'Ordonnance n°6-67/PR.MJ du 21 mars 1967 portant réforme de l'organisation judiciaire au Tchad dispose : « Lorsque les parties seront de statuts civils différents, les règles suivantes seront appliquées :... 4° Les successions sont régies par la loi du défunt ». Puisque jusqu'aujourd'hui, le droit musulman ne fait pas partie du droit positif tchadien, il est aussi régi par cette disposition de l'ordonnance. Néanmoins, l'article 162 de la Constitution vient ajouter qu'il faut le consentement des parties concernées, à défaut, et/ou lorsque deux ou plusieurs règles coutumières sont en conflit, la loi nationale serait seule applicable, c'est-à-dire le Code civil.

Mais avec l'adoption définitive du PCPFT, le droit musulman fera partie de la loi nationale, puisque cet Avant-projet lui a consacré un chapitre. Ainsi, le droit tchadien des successions serait-il conforme à la laïcité de l'Etat, si on laisse un musulman qui a des enfants non musulmans décider que ce régime spécial des successions soit appliqué à sa succession ? Il serait injuste, puisqu'en droit musulman, être non musulman, c'est être indigne de succéder. Si un tel régime reste avec sa rigidité, il porterait atteinte à la laïcité de l'Etat. Bref, il s'agira de la violation du principe de laïcité de la République qui veut que l'Etat soit non-confessionnel.

Enfin, si le législateur tchadien veut laisser ce régime spécial des successions réservé aux musulmans, il faut qu'il essaie de revoir les dispositions qui se heurteraient à la laïcité de l'Etat. Bien que le droit musulman assimile l'enfant naturel à la famille de sa mère, il ne lui permet pas d'établir son lien de filiation avec son père.

* 234 Selon le Lexique des termes juridiques, la laïcité est un principe d'organisation et de fonctionnement des services de l'Etat et de toutes les autres personnes publiques, selon lequel l'Etat est non confessionnel.

* 235 FORTIER (C.), « Le droit musulman en pratique : genre, filiation et bioéthique », op.cit., p.12.

* 236 Ibid.

* 237MAHAMAT ABDOULAYE (M.), op.cit.

* 238 Ibid.

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