La théorisation du rapport au savoir sous l'angle
socio-anthropologique a été l'oeuvre de l'équipe ESCOL,
sous la direction de Bernard Charlot, sociologue de l'éducation.
L'approche psychosociale se donne pour objectif d'appréhender le rapport
au savoir du sujet
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dans sa singularité mais aussi en tant qu'il est en
relation avec le monde. Aux sources de la naissance de cette théorie
s'inscrit la préoccupation des chercheurs de l'équipe ESCOL
d'appréhender autrement la question de l'échec scolaire en se
désolidarisant des théories des sociologues français comme
Bourdieu et Passeron ; il faut noter que ces derniers tentaient une explication
de l'échec scolaire par l'origine sociale des apprenants, à
l'aide notamment des théories de la reproduction sociale, de l'habitus
et du handicap social (Charlot, 1997). Face à ces théories
sociologiques, les membres de l'équipe ESCOL s'efforcent de montrer que
s'il est évident, d'une part, que la dimension sociale a un impact
certain dans le rapport au savoir du sujet, on ne peut ignorer, d'autre part,
le rôle singulier que joue chaque sujet dans le rapport au savoir et au
sens qu'il accorde à ce savoir ; c'est la sociologie du sujet. Pour
l'équipe ESCOL, poser la question du sens, c'est s'obliger à une
"lecture en positif" de la réalité sociale et scolaire, en se
refusant à interpréter immédiatement cette
réalité en termes de manques, de lacunes, de "handicaps" : «
Se demander quels sont les mobiles de l'enfant qui travaille à
l'école, c'est s'interroger sur le sens que l'école et le savoir
présentent pour lui. Quel sens cela a-t-il pour un enfant d'aller
à l'école, d'y travailler, d'y apprendre des choses ? Telle est
notre question centrale » (Charlot, Bautier et Rochex, 1992 : 21) ;
cette approche psychosociale du rapport au savoir conduit alors Charlot (1997 :
91) à conclure qu'« analyser le rapport au savoir, c'est
étudier le sujet confronté à l'obligation d'apprendre dans
un monde qu'il partage avec d'autres (...) cette analyse porte sur le rapport
au savoir d'un sujet singulier inscrit dans un espace social ».
Pour étayer sa théorie, l'équipe ESCOL
identifie trois pôles du rapport au savoir que sont le rapport
épistémique, identitaire et social.
- Selon Charlot (1997), le rapport épistémique
au savoir renvoie à la nature même de l'acte d'apprendre et au
fait de savoir ; il répond de ce fait à la question «
apprendre, c'est avoir quel type d'activité ? ».
- Le second pôle du rapport au savoir que Charlot
(1997) identifie, c'est le rapport identitaire. Ici, il n'est plus question de
s'interroger sur la nature du savoir en jeu mais plutôt sur le sens que
nous donnons à ce savoir en référence à notre
histoire, à nos attentes, à nos repères, à notre
conception de la vie etc. La question qui est en jeu ici est de savoir
« qui suis-je pour les autres et pour moi-même, moi qui suis
capable d'apprendre cela ou moi qui n'y parviens pas ? » (Charlot,
1997 : 79).
- Enfin, le troisième pôle du rapport au savoir
décrit par Charlot (1997) est le rapport social. Cette dimension du
rapport au savoir s'explique par le fait que le rapport au savoir est
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toujours le rapport d'un sujet, lequel est
inséré dans un monde et dans une relation à l'autre,
constitués sous des formes qui préexistent au sujet ; dans ces
conditions, le rapport du sujet au savoir est aussi un rapport social car le
sujet ne peut s'affranchir du monde constitué dans lequel il
évolue.
Charlot (1997) précise toutefois que le rapport social
du sujet n'a pas une dimension propre et indépendante des autres
pôles que sont le rapport épistémique et identitaire ;
« elle contribue à leur donner forme particulière »
(1997 : 87) ; il met également en garde contre toute tentative
d'associer le rapport social à la seule position sociale du sujet comme
l'envisage la théorie sociologique ; si la position sociale
peut-être prise en considération, elle ne suffit pas à
rendre compte de la réalité car la société est
aussi histoire (Charlot, 1997).
A cette approche socio-anthropologique centrée
essentiellement sur la responsabilité du sujet dans la construction du
rapport au savoir, la théorie psychanalytique va apporter une dimension
nouvelle, celle du désir comme condition de détermination du
rapport au savoir.