L'approche psychanalytique a été
développée avec l'équipe du CREF sous la direction de
Jacky Beillerot, psychanalyste et professeur de sciences de l'éducation
à l'université de Paris X. Au centre de cette théorie du
rapport au savoir se trouve la valorisation, à travers son histoire, du
désir du sujet comme constitutif de son rapport au savoir.
Le désir est défini comme étant avant
tout « un processus créateur de savoir, par lequel un sujet
intègre tous les savoirs disponibles et possibles du temps »
(Beillerot, 1989 : 189). Cette antériorité accordée
au désir dans la construction du savoir induit par le fait même
une primauté du psychique sur le social sans pour autant l'exclure comme
l'exprime si bien Beillerot (1996 : 73) :
« Toute étude qui prendra le rapport au
savoir comme notion centrale ne pourra pas s'affranchir du soubassement
psychanalytique ; non que cela interdise d'autres approches, mais c'est
à partir de la théorisation de la relation d'objet, du
désir et du désir de savoir, puis de l'inscription sociale de
ceux-ci dans des rapports (qui lient le psychologique au social) qu'il sera
possible de prendre le risque de faire évoluer la notion ; une
évolution qui n'oubliera pas une chose essentielle, sous peine de lui
faire perdre son sens : il n'y a de sens que de désir »
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Une des caractéristiques essentielles de l'approche
psychanalytique du rapport au savoir c'est qu'elle étudie le sujet, non
pas en contexte expérimental mais en situation, dans les conditions
sociales ordinaires de leur évolution (Beillerot et al. 1996).
Il faut cependant préciser que pour Beillerot et son équipe, la
question principale reste de savoir comment le désir conduit au savoir ;
en effet, si le désir est un processus créateur de savoir, il
reste que ce que vise tout désir en premier c'est la jouissance,
à travers l'objet, et n'ont pas l'objet en lui-même. Ainsi, dans
le cas du rapport de l'individu au savoir, on peut penser que ce qui est
visé en premier par l'apprenant ce n'est pas le savoir mais la
jouissance ; en conséquence, Beillerot (1996 :71) parvient à la
conclusion que « le désir de savoir peut être
considéré comme un donné, mais que l'objet du désir
devienne le savoir ne va pas de soi » ; pour que l'objet du
désir devienne le savoir, il est impératif que le désir de
savoir élise tel ou tel objet en savoir. Pour le chercheur qui s'engage
dans la voie de l'approche psychanalytique, sa tâche consistera donc
« à comprendre comment on passe du désir de savoir
(comme recherche de jouissance) à la volonté de savoir, au
désir d'apprendre, et qui plus est au désir d'apprendre et savoir
telle ou telle chose » (Charlot, 2003 :37).
Charlot (2006 : 40) a reconnu que pour une large part il
n'avait pas de reproche à faire à l'approche psychanalytique en
ce sens que les deux théories s'accordent pour affirmer « le
refus de considérer le rapport au savoir comme une
caractéristique de l'individu, ou, pire encore, comme l'absence d'une
caractéristique attendue (un « handicap ») et le principe
selon lequel le rapport au savoir est un « processus » (Beillerot),
un ensemble de relations et de processus (moi-même) ». Son
différend avec la théorie psychanalytique porte principalement,
comme il l'affirme lui-même, sur le référent
psychanalytique tel qu'il est utilisé par Mosconi (1996 ; 2000) dans ses
recherches : « si l'on développe une théorie des
pulsions à partir d'une base organique, alors le social, l'autre
n'arrivent qu'après, à un moment donné. Par contre quand
J. Beillerot aborde la question par le désir, je le suis tout à
fait, parce que quand on se donne le désir, on se donne d'emblée
« l'autre » et le monde » Charlot (1998 :12).
A ces deux approches théoriques du rapport au savoir,
nous adjoignons l'approche anthropologique d'Yves Chevallard (2003). Même
si nous faisons nôtre la réflexion de Charlot (2000) qui estime
qu'il n'y a pas à choisir entre ces versions (Beillerot, Charlot,
Chevallard) en raison du fait que sur le fond, les questionnements, les modes
d'entrée, les concepts et les méthodes se croisent plus qu'ils ne
se heurtent, nous nous adossons principalement à l'approche
anthropologique. La raison de ce choix s'explique par le fait que son
entrée par la place du sujet, commune aux deux autres approches
théoriques, mais surtout
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la place et le rôle qu'elle accorde au sujet dans
l'institution semble répondre le mieux à notre
problématique.