Le concept de rapport au savoir est l'outil principal dont
nous nous servirons pour procéder à l'opérationnalisation
de notre problématique et du cadre théorique. De l'avis de
BEAUCHER (2010), en dépit des efforts déjà
réalisés par les chercheurs, l'opérationnalisation du
concept de rapport au savoir a encore besoin d'être clarifiée ;
cette
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situation est due, selon De Léonardis et al.
(2002 : 27), au fait que c'est un concept qui est étroitement
lié au contexte et aux objectifs de la recherche et qui, de ce fait,
varie selon que le chercheur privilégie l'aspect subjectif du rapport au
savoir ou « son ancrage dans des situations socio-culturelles
multiples renvoyant à des objets de savoir eux-mêmes pluriels
».
Dans notre effort pour cerner les rapports des enseignants
à l'école bilingue et aux savoirs qu'elle véhicule, nous
nous référons aux dimensions du rapport des enseignants à
l'écriture établies par Barré-de Miniac (2000). Partant
des catégories qu'elle a élaborées pour l'étude du
rapport à l'écriture des élèves, Barré-de
Miniac (2000) en déduit trois dimensions qu'elle juge pertinentes pour
une approche du rapport à l'écriture des enseignants. Ces trois
dimensions se rapportent à l'investissement de l'écriture, aux
opinions et attitudes et aux conceptions de l'écriture et de son
apprentissage ; toutefois, elle attire l'attention sur deux écueils
à éviter dans l'usage de ces dimensions : le premier danger
consisterait, selon elle, à considérer chacune de ces dimensions
de façon isolée ; ce n'est qu'articulées les unes aux
autres qu'elles peuvent caractériser le rapport au savoir de l'individu.
L'autre danger, selon elle, serait de comprendre ces dimensions comme
étant immuables ; elles sont ouvertes et doivent être
contextualisées à l'état des recherches didactiques
concernées. Pour notre part, nous avons fait l'option de nous inspirer
de cette catégorisation pour l'adapter à la conceptualisation de
notre cadre théorique ; trois raisons ont principalement motivé
notre choix : la première raison tient au fait que nos recherches sont
étayées par un même concept didactique clé, à
savoir le « rapport à », même si elles s'en distinguent
par leurs objets ; la deuxième raison se rapporte au caractère
disciplinaire de l'objet de nos recherches : l'écriture comme discipline
d'un côté et les langues nationales comme médiums et
matières d'enseignement de l'autre ; ce qui fait que nous restons
néanmoins dans le même champ d'étude, c'est-à-dire
le milieu scolaire ; enfin, la troisième raison qui a motivé
notre choix tient à la part importante et commune accordée aux
représentations et à leur prise en compte dans la
définition du rapport au savoir des enseignants. Fort de cela et au
regard de notre problématique ainsi que de notre cadre théorique,
nous avons élaboré les trois dimensions suivantes pour servir de
guide à notre travail de recherche :
- la maîtrise et l'investissement des langues
nationales : Pour Barré-de-Miniac (2000), l'investissement renvoie
à l'intérêt affectif que l'on a pour quelque chose et
à la quantité d'énergie qu'on y consacre ; nous lui avons
associé le terme de maîtrise pour pouvoir évaluer le niveau
de connaissances que les enseignants ont des langues nationales qu'ils
enseignent ainsi que l'intérêt qu'ils leur accordent.
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- les opinions et attitudes sur les langues nationales :
Barré-de Miniac (2000) fait la distinction entre opinion et attitude ;
se référant à la psychologie sociale, elle note que les
opinions se rapportent aux déclarations, aux dires tandis que les
attitudes renvoient aux comportements, l'un et l'autre pouvant être par
ailleurs et dans certaines circonstances en concordance ou en contradiction. La
prise en compte de cette dimension nous sera utile pour déceler le
regard que portent ces derniers sur l'éducation bilingue comme
institution porteuse de savoir ; ainsi, nous nous intéresserons aux
opinions (pertinence, utilité), à l'adhésion, aux
résistances des enseignants mais aussi aux leviers de changement pour
l'amélioration de ce système.
- Les conceptions sur les fonctions disciplinaires des
langues nationales : Barré-de Miniac (2000 : 122) définit les
conceptions comme étant « des représentations relevant
du sens commun, au sens où elles sont généralement
énoncées comme relevant de l évidence ».
L'approche de cette dimension du savoir enseignant nous conduira d'une
part, à porter un regard attentif sur la connaissance que les
enseignants ont des disciplines qu'ils enseignent et de leurs limites et
forces, et d'autre part, de mettre en évidence la valeur et
l'utilité qu'ils accordent à ces disciplines.
A travers l'investigation de ces trois dimensions du rapport
des enseignants aux langues nationales, il s'agit pour nous de chercher
à mettre en exergue le regard que les enseignants portent sur
l'éducation bilingue dans toutes ses dimensions : linguistique,
sociologique et didactique, mais aussi d'interroger leur posture dans ce
système éducatif en rapport avec les institutions en jeu.
Dans l'objectif d'étudier la question relative au
rapport des enseignants aux langues nationales, en tant que médiums
et matières d'enseignement, dans l'éducation bilingue au Burkina
Faso, un cadre théorique a été défini et un
certain nombre d'hypothèses ont été posées à
la suite de l'élaboration de notre question de recherche. Leur test
devra permettre d'obtenir des réponses à nos questionnements.
Pour cela, il est nécessaire de déployer une méthodologie
de travail qui puisse nous aider à recueillir les données
nécessaires à notre étude. C'est la démarche que
nous avons opté de suivre que nous préciserons dans les pages qui
suivent.