6.4.3 Sentiments des enseignants vis-à-vis de
l'éducation
11 C'est nous qui soulignons.
87
bilingue
Si, comme nous venons de le voir, les enseignants se montrent
a priori convaincus de l'efficacité de l'éducation bilingue, il
nous semble que pour mieux apprécier la situation, nous devons
interroger le regard qu'ils portent sur leur situation d'enseignants bilingues
ainsi que sur l'avenir même de l'éducation bilingue ?
Ø Sentiments en rapport à leur
situation présente
Le tableau ci-dessous nous présente les opinions des
enseignants bilingues sur leurs conditions présentes :
Tableau n°16 : Récapitulatif de
l'expression des sentiments des enseignants par rapport à la situation
présente de l'éducation bilingue en %.
Opinions
|
Pas du tout
|
Un peu
|
Moyen nement
|
Tout à fait
|
nr
|
Total en %
|
Je suis satisfait
|
|
|
|
|
|
100%
|
(ça correspond à mes attentes)
|
6
|
16
|
27
|
45
|
6
|
(96)
|
Je suis indifférent (j'ai eu un
|
|
|
|
|
|
100%
|
poste et cela me suffit).
|
70
|
1
|
5
|
5
|
19
|
(96)
|
Je regrette mon choix.
|
70
|
7
|
2
|
2
|
19
|
100%
|
|
|
|
|
|
|
(96)
|
Je cherche une porte de sortie.
|
63
|
10
|
5
|
5
|
16
|
100%
(96)
|
|
A l'examen des résultats statistiques contenus dans ce
tableau, on observe que le nombre des enseignants bilingues qui se disent
« moyennement » ou « tout à fait satisfait
» de leur situation est bien au dessus de la moyenne, soit 72% de
l'échantillon. Même s'il convient d'admettre que ce n'est pas
l'enthousiasme chez tous, on ne peut manquer de souligner que malgré
tout, moins d'1 enseignant sur 10, soit 4% de l'échantillon regrette
« moyennement » ou « tout à fait »
son choix et que seulement 1 enseignant sur 10 se déclare
« moyennement » ou « tout à fait »
indifférent à la situation ou se dit décidé
à quitter le système éducatif bilingue.
Ø 88
Sentiments en rapport à l'avenir de
l'éducation bilingue Concernant l'avenir de
l'éducation bilingue, les avis restent partagés :
Tableau n°17 : Récapitulatif de
l'expression des sentiments des enseignants par rapport à l'avenir de
l'éducation bilingue en %.
Opinions
|
Pas du tout
|
Un peu
|
Moyen nement
|
tout à fait
|
nr
|
Total en %
|
Elle est dans l'impasse (elle n'a pas d'avenir).
|
65
|
9
|
7
|
5
|
15
|
100%
(131)
|
Elle va continuer de s'étendre et de s'imposer.
|
9
|
17
|
28
|
32
|
14
|
100%
(131)
|
Elle connaît beaucoup de difficultés mais est
promise à un grand avenir
|
4
|
13
|
21
|
54
|
8
|
100%
(131)
|
Nul ne peut le deviner.
|
33
|
6
|
10
|
23
|
27
|
100%
(131)
|
|
Même si le tableau ci-dessus montre que les
enseignants, aussi bien bilingues que classiques, reconnaissent,
presqu'unanimement, que le système éducatif n'est « pas
du tout » dans l'impasse, à raison de 65% de
l'échantillon, ils sont beaucoup moins nombreux à se prononcer
fermement pour un avenir radieux de l'éducation bilingue : on peut ainsi
remarquer que seulement 3 enseignants sur 10 partagent « tout à
fait » l'opinion selon laquelle l'éducation bilingue va
continuer de s'imposer et que seule la moitié de l'échantillon
estime qu'elle éprouve actuellement des difficultés mais va finir
par connaître un avenir meilleur. Ce sentiment mitigé
partagé par les enseignants transparaît dans la dernière
opinion portant sur l'incertitude quand à l'avenir de l'éducation
bilingue où l'on voit apparaître deux courants opposés plus
ou moins équilibrés entre ceux qui se disent « pas du
tout » ou « peu d'accord » et les autres qui
s'affirment « moyennement » ou « tout à fait
d'accord », soit 39% contre 33%. En cherchant à comprendre ce
regard mitigé porté par les enseignants sur l'avenir de
l'éducation bilingue dans les entretiens que nous avons
réalisés, ces derniers nous ont surtout fait savoir que l'avenir
de l'éducation bilingue reposait avant tout sur l'engagement des
autorités politiques et des responsables en charge de l'éducation
; c'est le point de vue de Manu :
« l'avenir de l'école bilingue au Burkina pour
l'instant je ne vois pas d'issue heureuse, parce que ça se
décide dans les salons feutrés sans tenir compte des acteurs sur
le
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terrain ; alors que ce n'est pas celui-là qui est
assis dans le salon feutré qui va faire le travail sur le terrain ; donc
je crois qu'il faut vraiment d'abord essayer de faire un travail à la
base pour amener tout le monde à adhérer avant d'enclencher le
système à l'échelle nationale ».
Cette opinion est aussi celle d'Alioud : « il faut
que les autorités soient elles-mêmes convaincues ; c'est des
choses théoriques, on s'assoit dans les bureaux et on ne passe pas
soi-même voir ; là c'est difficile (...) le système est bon
mais y a pas de suivi, y a pas de motivation. C'est pas facile mais bon on fait
ce qu'on peut ».
Mais ce qui nous paraît le plus frappant,
au-delà des sentiments exprimés, c'est le taux du pourcentage de
non réponses qui culmine jusqu'à 19 % dans les questions portant
sur les sentiments éprouvés en tant qu'enseignants bilingues et
27% dans celles portant sur l'avenir de l'éducation bilingue. Plus
encore, et contrairement à notre attente, on remarque que dans cette
dernière série de questions, ce sont les enseignants des
écoles bilingues qui se sont le plus abstenus de se prononcer : alors
que, selon les énoncés, les taux d'abstentions vont de 1%
à 5% chez les enseignants classiques, soit une moyenne de 3,25%, il est
compris entre 9 et 30 % chez ceux du bilingue, avec une moyenne de 17,25%.
L'analyse des résultats de notre enquête nous a
permis de décrire le rapport des enseignants à l'éducation
bilingue du point de vue de la connaissance et de l'investissement des langues
nationales, de l'usage disciplinaire de ces langues nationales et de
l'intérêt scolaire et social de cette innovation
pédagogique. Nous allons maintenant tenter de faire une lecture
interprétative de ces résultats.
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