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Le rapport des enseignants aux langues nationales, en tant que médiums et matières d’enseignement, dans l’éducation bilingue au Burkina Faso.


par Bouinemwende Wenceslas ZOUNGRANA
Université sciences humaines et sociales /Lille 3 - Master 2 Recherche 2014
  

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7.2 Interprétation des résultats au regard de notre problématique et de nos hypothèses

Notre démarche problématique nous avait conduit à formuler la question de recherche suivante : « quel est le rapport des enseignants aux langues nationales, en tant que médiums et matières d'enseignement, dans l'éducation bilingue au Burkina Faso? »

Au regard de cette question nous avions émis comme hypothèse principale l'opinion selon laquelle : Le rapport des enseignants aux langues nationales en tant que matières et médiums d'enseignement révèle des réticences au sujet de la pertinence et de l'efficacité de l'éducation bilingue au Burkina Faso.

Pour vérifier cette hypothèse principale, nous avions formulé trois hypothèses spécifiques dont l'objectif était de déterminer :

- L'intérêt que manifestent les enseignants pour les langues nationales et leur implication dans la promotion de ces langues.

- L'appréciation que font les enseignants du rôle disciplinaire des langues nationales utilisées comme médiums et de matières d'enseignement.

- Le point de vue des enseignants sur l'intérêt scolaire et socioculturel ainsi que sur l'avenir de l'éducation bilingue.

Nous allons maintenant examiner ces hypothèses à la lumière des résultats que nous a livré l'analyse des données.

7.2.1 Interprétation des résultats selon la première hypothèse spécifique

« Les enseignants manifestent peu d'intérêt pour les langues nationales ainsi que pour le langage scolaire bilingue ».

La première hypothèse spécifique de notre étude présumait que les enseignants manifestaient peu d'intérêt pour les langues nationales dans l'éducation bilingue au Burkina Faso.

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En considérant les données recueillies dans nos enquêtes, il pourrait sembler, à première vue, que les résultats obtenus réfutent une telle hypothèse ; en effet, les résultats de l'analyse nous ont montré que les enseignants maîtrisent bien leurs langues nationales ainsi que le langage scolaire bilingue, qu'ils prennent des initiatives ou participent à des activités en vue d'améliorer les connaissances qu'ils ont des langues nationales ; cependant, cela suffit-il à témoigner de leur intérêt pour les langues nationales ? Pour rendre compte de toute la mesure de la question, il nous semble important de prendre ici en considération le fait que les langues nationales en question sont avant tout les langues maternelles de presque tous les enseignants ; ce qui laisse entendre que c'est plutôt la non-maîtrise que la maîtrise de ces langues qui relèverait de l'extraordinaire ; d'autre part, quand on scrute en profondeur le mode d'investissement des langues nationales par les enseignants, on remarque qu'en plus du taux assez élevé d'individus (35%) de notre échantillon qui affirment n'avoir entrepris aucune activité pour accroître leur niveau de maîtrise des langues nationales, les initiatives prises à titre personnel, telles que les lectures (13%), la communication (5%), la rédaction d'articles (53%) restent proportionnellement très infimes par rapport aux activités programmées par l'institution que sont les formations ou les recyclages (45%). On retrouve ici un des éléments, qui, de l'avis de Dabène (1994), participe à la détermination de l'attitude de l'individu par rapport à une langue, à savoir son utilité réelle ou présumée. En effet, pour Dabène (1994 : 82), « la maîtrise d'une langue dotée d'un certain prestige représentera, pour l'individu, un bien appréciable, dans la mesure où il la considérera comme un atout pour son image et sa position sociale, et où il en attendra des bénéfices pour une éventuelle progression ». Dans le cas de notre étude, on peut penser que l'utilité de l'investissement des langues nationales se résume, pour les enseignants, à la nécessité de se doter d'outils adéquats pour accomplir au mieux leur fonction, d'où le fort taux d'implication des enseignants bilingues dans les formations et le faible engagement de ceux du classique qui, en raison du fait qu'ils ne tiennent pas de classes bilingues, n'en éprouvent aucun besoin. Quand bien même ils ne nient pas l'intérêt didactique des langues, il nous parait évident que les enseignants ne semblent pas voir dans l'investissement des langues nationales un moyen de promotion sociale ou professionnelle tel que l'envisage Dabène (1994).

Bien plus, certaines variables, comme la langue de communication préférée, nous permettent d'observer que les enseignants ont une préférence pour le français plutôt que pour les langues nationales à l'exception de certains groupes linguistiques tels que le kassena, le

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lyèlé et le dagara où la part de ceux qui disent préférer la langue nationale est visiblement plus élevée.

Mais même là, il nous semble difficile d'en déduire que les groupes linguistiques kassena, lyèlé et dagara manifestent plus d'intérêt pour les langues nationales ? En effet, un croisement de la variable des langues nationales en usage dans l'éducation bilingue avec celle de l'intérêt pour les langues nationales comme motivation des enseignants à entrer dans l'éducation bilingue nous montre qu'il en va autrement.

Tableau n°18 : Niveau d'appréciation de la langue nationale comme motivation à entrer dans l'éducation bilingue selon les groupes linguistiques en %.

Langues nat.

pas du tt

un peu

moynmt

tt à fait

nr

Total en %

Mooré

21

10

13

44

13

100 (39)

Dioula

33

 

11

11

44

100 (9)

Fulfuldé

8

 

17

58

17

100 (12)

Bissa

40

20

 

40

 

100 (5)

Nûni

 
 
 

100

 

100 (5)

Kassena

40

 

40

 

20

100 (5)

Lyèlé

25

50

25

 
 

100 (4)

Gourmantch

10

20

10

40

20

100 (10)

Dagara

14

14

14

57

 

100 (7)

Total %

20% (19)

10% (10)

14% (13)

42% (40)

15% (14)

100 (96)

 

Ces résultats nous permettent de réaliser qu'à l'exception du dagara où 57% des enseignants estiment que l'intérêt pour les langues nationales correspond tout à fait à ce qui a motivé leur entrée dans l'éducation bilingue, aucun des enseignants des deux autres groupes linguistiques, c'est-à-dire le kassena et le lyèlé, n'a retenu l'intérêt pour les langues nationales comme ayant motivé « tout à fait » son choix de devenir éducateur bilingue. A l'inverse, le groupe nûni où une majorité des enseignants avait retenu le Français comme langue de communication préférée justifie à l'unanimité son entrée dans l'éducation bilingue par l'intérêt qu'il éprouve pour les langues nationales. Cette absence de corrélation entre le choix de la langue de communication préférée et l'intérêt pour les langues nationales comme motivation à l'entrée dans l'éducation bilingue rend donc difficile l'affirmation d'une marque

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particulière d'intérêt de l'un ou l'autre groupe linguistique pour les langues nationales. Cet avis nous semble par ailleurs soutenu par la nature des raisons évoquées par les enseignants pour justifier le choix de leur langue de communication préférée. En effet, pour ceux qui ont choisi la langue nationale comme langue de communication préférée, plus que le souci de promotion de la langue qui compte pour seulement 12% des motifs invoqués, c'est surtout, pour 57% d'entre eux, le fait que la majorité de leurs interlocuteurs ne connaissent que cette langue qui justifie leur préférence pour les langues nationales.

En considération de ces résultats, nous estimons que si l'on ne peut nier l'intérêt des enseignants pour les langues nationales, cet intérêt reste beaucoup plus guidé par des motivations d'ordre professionnel que personnel ; en conséquence de quoi nous estimons que les résultats de notre enquête corroborent partiellement l'hypothèse spécifique qui soutient que les enseignants manifestent peu d'intérêt pour les langues nationales.

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