7.2.4 Les enseignants face à la diglossie
Dans la présentation des causes qui ont suscité
notre intérêt pour cette recherche, nous avions vu, avec Nikiema
et Kabore/Paré (2010), que la diglossie a principalement pour
conséquence d'entretenir un certain nombre de préjugés
néfastes sur les langues nationales, allant du doute de leur
efficacité pédagogique à l'affirmation de leur
incapacité à véhiculer le progrès. En
référence à cet effet de la diglossie, notre étude
nous a révélé que les enseignants de notre
échantillon n'étaient pas, à première vue, dans cet
état d'esprit ; en effet, au regard des résultats de notre
analyse et de l'interprétation que nous avons pu en faire, il ressort
que non seulement les enseignants ne doutent pas de la pertinence et de
l'efficacité pédagogique de l'éducation bilingue mais plus
encore, ils soutiennent, à une large proportion, que les connaissances
dispensées par ce système éducatif sont aussi utiles,
sinon plus utiles que dans l'éducation classique. Toutefois, cela
suffit-il à en déduire que les enseignants sont à l'abri
de la situation de diglossie au Burkina Faso ? Les nombreuses insistances des
enseignants bilingues sur les difficultés liées aux
interférences qu'ils rencontrent lors du transfert des enseignements et
apprentissages, des langues nationales au français, nous invitent
à nuancer notre appréciation de la situation. Il nous semble, en
tenant compte de cette insistance sur les interférences, que si les
enseignants reconnaissent l'efficacité pédagogiques des langues
nationales c'est avant tout en tant qu'elles servent de tremplin pour conduire
à l'apprentissage
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du français et non parce qu'elles constituent une voie
de réussite sociale ou professionnelle. Si les langues nationales
étaient appelées à remplacer entièrement le
français, nous nous demandons si les enseignants auraient la même
appréciation de leur rôle et de leur efficacité. Bien plus,
même s'ils reconnaissent l'intérêt didactique et
pédagogique de l'éducation bilingue, le fait que certains
enseignants bilingues comme classiques préfèrent scolariser leurs
enfants dans des écoles classiques montre, à notre sens, que pour
eux, le français reste la première et la meilleure voie de
succès. Tout cela nous amène à conclure que même si
les enseignants semblent se dégager de l'emprise de la diglossie, cela
est à circonscrire dans le cadre strictement pédagogique et
didactique de l'enseignement bilingue au Burkina Faso dont l'objectif, aux yeux
de beaucoup d'entre eux, est seulement d'aboutir à l'apprentissage du
français ; il ne nous semble donc pas, au vu des données de notre
enquête que les enseignants soient dégagés des enjeux
sociaux, culturels et économiques de la diglossie .
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