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Le rapport des enseignants aux langues nationales, en tant que médiums et matières d’enseignement, dans l’éducation bilingue au Burkina Faso.


par Bouinemwende Wenceslas ZOUNGRANA
Université sciences humaines et sociales /Lille 3 - Master 2 Recherche 2014
  

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7.3 Interprétation au regard du cadre théorique

Nous avons déjà vu que dans sa théorisation du rapport au savoir, Chevallard distingue l'institution, l'individu et l'objet de savoir. Si l'objet de savoir n'a d'existence que dans le cadre d'une institution telle que l'école ou la famille, l'individu qui entre dans une institution se trouve quant à lui assujetti à cette institution par le rapport qu'il établit avec l'objet de savoir. Chevallard appelle, dès lors, « apprentissage » l'évolution du rapport personnel qu'établit le sujet avec l'objet de savoir, en précisant qu'un bon sujet est celui dont le rapport personnel à l'objet est conforme au rapport institutionnel dudit objet.

Avant tout propos et au regard de la construction de son approche du rapport au savoir par Chevallard, nous nous interrogeons sur le rôle qu'il assigne à l'institution en rapport à sa dimension statique ; si la possibilité d'évolution dans le rapport à la connaissance n'est reconnue qu'à l'individu pendant que l'institution reste figée dans ses positions, comment le savoir peut-il progresser dans ces conditions ? Le conflit n'est-il pas inévitable ? Bien plus, si l'on considère que les savoirs se forgent dans un système de constructions et de déconstructions, comment peut-on qualifier de « bon sujet » un sujet dont le rapport au savoir n'est l'objet d'aucune remise en cause ? Il nous semble, pour notre part, que dans le cadre de cette approche théorique, il serait plus judicieux de considérer comme étant un bon sujet d'une institution le « sujet qui sait agir dans l'intérêt de cette institution ».

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Les résultats de notre étude nous semblent très illustratifs à ce sujet ; en effet, les

enquêtes que nous avons menées nous ont révélé que les enseignants, sans se considérer comme de mauvais sujets des institutions auxquelles ils sont assujettis, savent prendre du recul, critiquant au besoin le fonctionnement de ces institutions pour les rendre meilleurs ; d'abord, au niveau de l'institution sociale, nous avons pu remarquer que les enseignants se sont démarqués, dans leur ensemble, de l'influence de la diglossie en faisant preuve d'une reconnaissance de la capacité des langues nationales à servir de médiums et de matières d'enseignement ; mais cela ne les a pourtant pas empêchés de souligner les effets néfastes induits par l'usage de ces langues nationales au contact des autres disciplines. De même, en ce qui concerne l'institution « éducation bilingue » en elle-même, les résultats de nos enquêtes montrent que les enseignants ne manquent pas de critiquer ou même de modifier les directives établies par cette institution comme nous le signifie Bamogo :

« par rapport aux contenus, ce que je trouve un peu difficile pour les élèves, c'est le langage au CP1 ; parce que en première année on a 10% de Français et 90% de langue nationale ; les 10% là c'est le langage là ; les phrases qu'on utilise dans le langage là sont longues ; elles ne sont pas adaptées aux enfants ; l'élève doit mémoriser la phrase là et puis reprendre ; avec les longues phrases comme ça c'est compliqué ; souvent nous-mêmes on est obligé de couper les phrases pour pouvoir enseigner ; on fait les critiques mais chaque fois ça ne change rien » ; mais ce n'est pas pour autant qu'ils se considèrent comme étant de mauvais sujets ou qu'ils cèdent au découragement ; quand on leur demande s'ils veulent poursuivre leur carrière d'enseignant dans le système éducatif bilingue, la réponse ne souffre pas d'ambiguïté : « y a pas de problème, tant que je ne gagne pas un concours professionnel moi je suis là-dedans, je ne vois pas de mal ; moi je ne trouve pas d'inconvénient dans le fait de quitter le classique pour le bilingue ; c'est toujours l'enseignement ; quel que soit là où tu es » ( Sayoré).

En substance, si l'on considère que l'apprentissage a lieu, comme le spécifie Chevallard, dans l'évolution du rapport personnel de l'individu au savoir au sein de l'institution, il nous semble que pour permettre à ce savoir de se développer, il est important que l'individu ne supporte pas à lui tout seul les tensions qui seraient nées de ses rapports contradictoires avec l'institution au sujet du savoir à apprendre ou à enseigner ou qu'il se plie naïvement aux injonctions de l'institution ; il nous paraît, à l'inverse, plus judicieux de prendre en compte l'expérience de l'individu et d'accepter qu'il peut éclairer l'institution dans

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la construction et l'amélioration du savoir ; dans le cas qui nous préoccupe, celui de l'éducation bilingue, il nous paraît évident que les enseignants ont beaucoup à apporter pour l'amélioration du système éducatif bilingue, encore faudrait-il que l'institution éducation bilingue soit à leur écoute ; ce qui ne semble pas le cas pour l'instant.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus