7.4 La portée des résultats
Pour bien mesurer la portée de nos résultats, il
aurait été préférable de les comparer à des
travaux similaires déjà réalisés au Burkina Faso ;
malheureusement, cela nous semble difficile dans la réalité, du
moins en intégralité, car si les problématiques sont
souvent proches comme nous l'avons montré précédemment,
les perspectives diffèrent. Nous allons donc nous contenter de
présenter quelques domaines de recherches qui se recoupent et essayer
d'en dégager la portée.
7.4.1 Le profil des enseignants
Pour ce qui concerne le profil des enseignants bilingues,
Cheron (2008 : 25), dans son étude portant sur la situation du «
projet école bilingue à Koudougou et Réo », avait
noté comme caractéristique principale de ses résultats la
jeunesse des enseignants des écoles bilingue dont l'âge moyen
était de 29 ans contre 42 au classique. Elle expliquait notamment que la
propension des enseignants bilingues à s'investir dans le travail
était due à cette jeunesse : « La jeunesse de ces
enseignants leur donne plus de capacité à faire face aux nombreux
efforts que demande le métier d'enseignant : le remplissage des cahiers
de préparation, la préparation des cahiers des
élèves (dans les classes de CP pour l'écriture, le calcul
etc.), la correction des cahiers de devoirs (à partir du CE), recopier
les leçons et les exercices au tableau, etc. » Six
années plus tard, notre étude révèle un âge
moyen de 36 ans au bilingue contre 37 ans au classique ; même si l'on
peut considérer qu'en six ans les enseignants ont pris de l'âge ou
que notre étude concerne un domaine plus vaste, il reste que la
réduction de l'écart entre les âges moyens au bilingue et
au classique pose question.
Sans en avoir la certitude, nous pensons que ce
phénomène pourrait s'expliquer par la possibilité qu'ont
de plus en plus les enseignants de passer d'un système éducatif
à l'autre en raison de l'introduction des modules de formation à
l'éducation bilingue dans les ENEP (Ecoles Nationales des Enseignants du
Primaire). Cette passerelle a sans doute permis
108
l'arrivée dans l'éducation bilingue
d'enseignants expérimentés et le départ vers les
écoles classiques d'éducateurs plus jeunes, ce qui pourrait
justifier la tendance à l'équilibre que l'on peut observer entre
les âges moyens des deux catégories d'enseignants.
7.4.2 Conviction des enseignants par rapport à
l'éducation bilingue
D'autre part, par rapport à l'intérêt et
à la conviction des enseignants pour l'éducation bilingue, les
recherches menées par Yameogo (2004) dans le cadre de son mémoire
portant sur les stratégies pour une pérennisation de
l'éducation bilingue ont révélé que 74% des
enseignants de son échantillon s'étaient montrés
favorables à l'éducation bilingue tandis que 21% d'entre eux
étaient contre. Si l'on met ces résultats en parallèle
avec notre variable relative à la conviction des enseignants pour
l'éducation bilingue, on remarque qu'il y a là aussi une
légère disproportion ; en effet, interrogés sur
l'appréciation qu'ils faisaient de l'efficacité de
l'éducation bilingue, 64% des enseignants de notre échantillon
ont déclaré en être convaincus ou très convaincus
pendant que 36% d'entre eux se disent peu convaincus ou pas du tout convaincus.
A première vue, cette situation pourrait s'expliquer par le mode de
composition des échantillons : alors que notre échantillon est
composé en majorité d'enseignants bilingues, soit 75% contre 25%
d'enseignants classiques, celui de Yameogo (2004) fait l'inverse, avec 66%
d'enseignants classiques contre 26% d'enseignants bilingues ; mais à la
réflexion, il semble qu'une telle explication ne soit pas satisfaisante
; en effet, on aurait pu penser que la forte présence des enseignants
classiques, peu informés du fonctionnement de l'éducation
bilingue, entraînerait une plus grande réticence vis-à-vis
de ce système éducatif - c'est d'ailleurs la tendance
exprimée par Yaméogo (2004 : 72 ) lui-même lorsqu'il
déclare qu'« à l'examen, il ressort que ceux qui ont
répondu par la négative ou qui se sont abstenus sont tous issus
des écoles classiques » - mais les résultats nous
montrent le contraire.
Bien plus, le constat fait par Yaméogo (2004), selon
lequel les enseignants les plus réticents à l'éducation
bilingue seraient tous issus des écoles classiques n'apparaît pas
dans nos résultats qui révèlent, pour leur part, que
certes 54% des enseignants classiques mais aussi 30% des enseignants bilingues
se disent peu convaincus ou pas du tout convaincus de l'éducation
bilingue. Alors comment comprendre ces fortes variations entre nos
données et celles de Yaméogo (2008) dans l'intervalle de quelques
années ? Les enseignants bilingues
109
seraient-ils déjà sous le coup du
désenchantement prédit par Cheron (2008) et Nanema (2009) du fait
du changement des conditions de gestion des écoles bilingues ?
S'il nous est difficile de donner, ici même, des
réponses satisfaisantes à toutes ces interrogations portant sur
la mise en oeuvre et le fonctionnement se l'éducation bilingue, nous
pouvons néanmoins partager quelques propositions faites par les
enseignants pour aider à l'amélioration de ce système
éducatif.
|