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Le rapport des enseignants aux langues nationales, en tant que médiums et matières d’enseignement, dans l’éducation bilingue au Burkina Faso.


par Bouinemwende Wenceslas ZOUNGRANA
Université sciences humaines et sociales /Lille 3 - Master 2 Recherche 2014
  

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1.2.3 Quelques causes explicatives des contreperformances du système éducatif burkinabè

De nombreuses causes sont souvent évoquées pour justifier les mauvaises performances du système éducatif burkinabè ; au nombre de celles-ci on peut citer les questions d'ordre culturel, l'offre scolaire et la situation socioprofessionnelle des enseignants.

- Le souci de la sauvegarde des valeurs culturelles

Dans l'étude qu'ils ont menée sur les obstacles à la scolarisation des peuples nomades, Ali, Souley et Tiné (1998 :13) ont montré que l'influence et le souci de sauvegarde des valeurs traditionnelles pouvaient être un frein à la scolarisation des enfants. De l'avis de

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ces auteurs, « Il n'est pas rare d'entendre des parents dire que l'école détourne les enfants de leur propre culture(...) transforme l'enfant au point de lui faire détester sa propre langue, ses traditions, sa société (...) L'école est ainsi perçue comme une innovation étrangère, "l'affaire des Blancs", dont le but est d'accélérer l'extraversion des jeunes et la décadence des valeurs liées à la culture traditionnelle ». Cela se justifierait par le fait que les parents sont le plus souvent choqués par le comportement de leurs enfants qui ont fréquenté l'école ; ceux-ci, de leur point de vue, se détourneraient des pratiques ancestrales comme « paître les vaches ou cultiver les champs » pour adopter les manières occidentales. C'est ainsi que « Les écoliers sont généralement jugés comme irrespectueux et turbulents, à l'opposé de l'enfant élevé traditionnellement qui, lui, sait rester sage et obéissant. Selon les parents, l'écolier méprise la vie des villageois en refusant de se conformer aux règles de vie traditionnelle. » (1998 :13).

Le rapport présenté par le député burkinabè Bayo Célestin Koussoube (2012) sur les systèmes éducatifs et les transformations socio-économiques au Burkina, lors de l'assemblée parlementaire de la francophonie en mars 2012 à Québec, est très éclairant à ce sujet. Dans son rapport, le député montre que deux systèmes éducatifs coexistent au Burkina après les indépendances : le système d'éducation traditionnelle et le système d'éducation postcoloniale. Selon lui, dans le système éducatif traditionnel, c'est à toute la société qu'incombe la responsabilité de l'éducation et non pas seulement à la famille génitrice ; c'est une éducation qui tend essentiellement vers le maintien d'un équilibre communautaire au détriment, s'il le faut, de l'initiative personnelle. « Elle tend à valoriser la cohésion, la solidarité, la primauté du groupe » (Koussoube, 2012 : 3) ; à l'inverse, l'éducation postcoloniale tend entre autres « à favoriser le développement personnel à travers un épanouissement physique, intellectuel et moral » et « stimuler l'esprit d'initiative et d'entreprise » (Koussoube, 2012 : 3). On voit bien que d'un côté, dans l'éducation traditionnelle, c'est l'intérêt communautaire qui est mis en avant tandis que de l'autre, dans l'éducation post coloniale, c'est plutôt l'épanouissement personnel de l'individu qui est visé.

Par ailleurs, certaines recherches ont montré que sur le plan culturel, cette hostilité aux changements induits par l'école est souvent due à de douloureuses situations historiques liées notamment aux effets de la colonisation ; ainsi, pour les Lobis du sud-ouest du Burkina connus pour n'avoir jamais été soumis à un autre groupe ethnique et pour s'être farouchement opposés à l'envahisseur blanc, leur résignation à la présence française s'est traduite par une sorte de serment collectif interdisant à tout Lobi de suivre la voie des blancs sous peine de malédiction et de mort (Kobiane et Pilon, 2008). Cette attitude de rejet de l'école par les

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Lobis laisse percevoir à priori qu'au-delà des considérations d'ordre traditionnel, une ethnie peut rejeter l'école en raison de son histoire.

- La qualité de l'offre scolaire

Dans son mémoire de langue étrangère appliquée, Julie Rérolle (2007 : 25) montre que dans le domaine de l'éducation, le Burkina Faso poursuit actuellement deux objectifs contradictoires : « offrir un enseignement de masse » et « de qualité ». Malheureusement, cette politique éducative est inadaptée car elle ne répond ni à la demande de la population ni au contexte du pays encore majoritairement analphabète. Se référant aux critères de définition de l'effectivité de l'éducation des Nations Unies, elle relève « qu'un système éducatif est effectif quand l'offre est acceptable (les populations en acceptent les objectifs) ; adaptable (le système est adapté aux différents besoins et contextes des élèves) ; avec une dotation adéquate (en personnes et en équipements, conformément aux besoins réels) et accessible (ouvert à tous) » (2007 : 25). Parmi ces critères trois seraient encore loin d'être atteints par le Burkina, à savoir l'« adaptabilité, accessibilité et dotation adéquate » ; elle en arrive donc à la conclusion que « Les politiques d'éducation doivent donc chercher à définir ce qui pourrait pousser les enfants à aller à l'école (en termes de scolarisation et de participation) et les parents à les y inscrire (offrir des incitations à la demande), et comment améliorer l'effectivité et l'équité du système actuel, pour fournir un enseignement de qualité » (2007 : 25).

Contrairement à Rérolle (2007), Kobiane et Pilon (2008) invitent à nuancer le rôle de l'offre scolaire dans l'explication à donner à la sous-scolarisation. A partir de données statistiques recueillies pendant l'année scolaire 1997-1998, ces chercheurs ont mis en relation le nombre d'enfants âgés de 7 à 12 ans regroupés dans des classes multigrades6 et le nombre d'enfants par classe normales dans plusieurs autres localités du pays. Les résultats de ce recoupage ont montré que les localités traditionnellement hostiles à la scolarisation comme la région du nord, habitée par les Peuls, sont celles où l'on retrouve le plus grand nombre d'enfants de 7 à 12 ans regroupés dans une même classe (ce qui signifie qu'il n'y a pas suffisamment de classes pour départager les différents niveaux). Mais en même temps, ces localités sont celles qui comprennent le plus faible nombre d'élèves par classe, soit moins de 40 élèves pour plusieurs niveaux d'enseignement contre plus de 70 élèves pour un même niveau dans d'autres localités ; il ressort donc de cette analyse que malgré le manque de

6 L'enseignement multigrade est un programme d'éducation regroupant des élèves de différents niveaux

au sein d'une même classe avec des enseignements différents adaptés à chaque niveau.

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classes, celles existantes ne sont pas surchargées, ce qui amène les auteurs à conclure que l'offre scolaire ne peut pas être invoquée comme seul motif d'explication du faible taux de scolarisation (Kobiane et Pilon, 2008) . En outre, soutenir de nos jours que l'offre scolaire constitue un handicap à la scolarisation au Burkina c'est ignorer, affirment ces auteurs, tout le travail de la mise en place des infrastructures scolaires initié par le PDDEB ces deux dernières décennies.

- La situation des enseignants

Si certains auteurs invitent à voir les causes des difficultés du système éducatif burkinabè dans l'offre scolaire, d'autres insistent plutôt sur les conditions de vie des enseignants. Ainsi, pour certains chercheurs comme Cheron (2008 :11), une des principales causes qui explique les difficultés du système éducatif burkinabè est liée à la condition des maîtres. Pour elle, l'enseignant burkinabè manque de motivation dans son travail car il constitue « le maillon faible à l'intérieur du système étatique hiérarchisé » et est de ce fait même déconsidéré par ses homologues fonctionnaires. Mal payés, mal logés et reconnus comme de simples exécutants, « l'investissement dont ils font preuve pour remplir leurs devoirs professionnels n'est jamais reconnu ni récompensé » (2008 : 11). A cela s'ajoute le fait qu'ils exercent leur métier dans des conditions souvent difficiles, avec des effectifs pléthoriques et la double injonction de réduire les taux de redoublements et d'accroître les taux de réussite. Face à toutes ces difficultés, les enseignants sont plutôt préoccupés de se former pour sortir du système en passant les concours professionnels. Pour Cheron (2008), toutes ces épreuves ont nécessairement des conséquences néfastes sur la qualité du rendement des enseignants.

C'est donc dans ce contexte de l'affirmation de l'inadéquation du système éducatif burkinabè aux réalités du terrain et au regard de ses mauvaises performances tant du point de vue qualitatif que quantitatif qu'est née, au Burkina, l'idée de l'introduction des langues nationales dans le système éducatif en vue de prendre en considération les réalités et les besoins du terrain ; mais cela n'est pas sans susciter des débats.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon