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Le travail précaire des aides à  domicile. Quel accompagnement pour les personnes àgées ?


par InàƒÂ¨s Lafkir
Université de Bordeaux - Licence de sociologie 2020
  

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B) Le planning

Selon les portraits statistiques des métiers de 2014 de la Direction de l'Animation de la Recherche des Etudes et des Statistiques (DARES), les aides à domicile sont le plus souvent embauchées à 86% en contrat à durée indéterminé (CDI) mais elles sont majoritairement à temps partiel (72% des cas). Cependant ce temps partiel imposé cache en réalité un rythme de travail effréné. Les heures d'intervention des auxiliaires de vie sociale étant réduites et éparpillées au fil de la semaine et des week-ends donnent lieu à la formation d'horaires de travail atypiques. En effet, dans le but de minimiser les coûts du secteur, les AVS ont un planning avec des interventions morcelées et de plus en plus nombreuses pour répondre aux besoins croissants des personnes en situation de dépendance. « On en arrive à des situations où l'on a des interventions qui sont réduites à quinze minutes et si l'on continue dans cette spirale, à horizon 2020, ce n'est plus un quart d'heure, c'est cinq minutes qu'on passera chez une personne pour essayer de bricoler quelque chose. » déplore un représentant syndical dans le rapport d'enquête 2015 sur l'aide à domicile du Centre d'Etude et de l'Emploi11. Cette réduction des temps d'intervention s'accompagne d'une augmentation du nombre de personnes dépendantes, ainsi les prestations et les déplacements entres les domiciles se multiplient et deviennent fatigants et onéreux.

De surcroît, elles doivent toujours être joignables et vigilantes aux changements de planning qui parfois s'effectuent dans une journée même de travail. Ce phénomène s'explique par le manque de personnel pour répondre aux besoins des personnes âgées. De plus, les auxiliaires de vie sociale actives doivent remplacer leurs collègues qui s'absentent. « Quelle que soit la cause, l'absentéisme dans ce secteur atteint un taux de 15 % contre 4,5 % pour l'ensemble des secteurs. »12. Sur les 6 AVS interrogées, elles témoignent toutes des difficultés de ne pas avoir un planning fixe.

« Oui le planning change quasiment un jour sur deux... c'est un peu compliqué. Parce que du coup il y a souvent des absences et cela modifie énormément le planning. [...] De toute façon l'asso nous harcèle s'il manque quelqu'un. [...] Pendant une journée même de travail tu peux avoir des changements de planning. On te demande « tu peux aller à telle heure chez cette

11 Rapport d'enquête du CEE, « Connaissance de l'emploi », août 2015, numéro 123

12 Rapport de l'assurance maladie « Rapport d'activité 2017, AGIR ENSEMBLE, PROTÉGER CHACUN »

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personne ? ». Exemple, si j'embauche le matin à 8h et que d'habitude je débauche à 16h, on peut me rajouter une intervention de dernier moment. »

(AVS, 24, ADHAP)

« Alors il faut toujours que je sois joignable. [...] Et quand c'est à la dernière minute elle nous demande quand même si c'est possible. Parfois ce n'est pas possible et on dit non. Bon après on peut pas refuser tout le temps ! »

(AVS, 23 ans, ADHM)

« Ca m'est arrivé plusieurs fois qu'on me change le planning du jour pour le lendemain ! C'est super stressant car je ne peux rien prévoir. J'ai toujours des risques que ça tombe à l'eau. »

(AVS, 26 ans, APF)

Question: « Et pour les changements de plannings ? Ils peuvent être effectués la veille pour le lendemain ?

AVS : Oh même dans l'heure à n'importe quel moment ! Non et puis tu vois la responsable m'a dit que je travaillais jeudi, eh beh du coup je travaille lundi. Je regarde quand même mon planning parce qu'avec eux c'est toujours des surprises. Eh beh je regarde et je vois un changement. »

(AVS, 54 ans, CCAS de Lormont)

« Je commence une journée mais je ne sais jamais quand est-ce qu'elle se termine exactement. »

(AVS, 21 ans, APF)

Dans la mesure où des interventions sont régulièrement ajoutées en supplément des heures fixées par leur contrat de travail, les heures supplémentaires s'accumulent. Une semaine à 35 heures peut rapidement devenir une semaine à 42 heures. Les temps de pause deviennent très limités et les prestations s'enchaînent à grande vitesse. Ce rythme de travail aux heures d'interventions si rapprochées n'est pas sans conséquence. La durée des trajets entre chaque domicile et les différents besoins de certaines personnes dépendantes peuvent faire accumuler du retard entre les différents lieux d'interventions. Ainsi, sur les 5 structures des AVS interrogées, 2 ont mis en place un système de pointage téléphonique pour payer à l'exactitude le nombre d'heures de travail réalisées. Cette nouvelle forme managériale, appelée aussi la « télégestion », conduit à l'émergence d'un modèle industriel de prise en charge à domicile. Ce nouveau système souhaite également dématérialiser la signature de la feuille de présence de la

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personne âgée. L'auxiliaire de vie grâce à une application téléphonique scanne le badge accolé au cahier de liaison13 au début et à la fin de l'intervention. Ce moyen permet d'établir une fiche de salaire très rigoureuse. Malheureusement, pour les AVS, ce système de pointage engendre une pression supplémentaire dans leur rythme de travail.

« A chaque début d'intervention, on badge. Et à la fin de chaque intervention, on badge à nouveau. On est fliqué comme ça ! »

(AVS, 54 ans, CCAS de Lormont) « Oui, il y a des badges chez les bénéficiaires. On arrive on pointe avec le téléphone, et quand c'est l'heure ça sonne. C'est pour cadrer les interventions. [...] Parce que du coup tu dois arriver exactement à l'heure et repartir exactement à l'heure. Sinon ils le savent, ils savent tout. On est payé à la minute ! »

(AVS, 26 ans, APF)

« Oui c'est avec l'application mobile, on pointe. La direction sait exactement le nombre d'heures que l'on fait. Ah ! On peut pas être payé plus ça c'est sûr ! »

(AVS, 21 ans, APF)

Enfin, ce système de pointage ne prend pas en considération les différentes pathologies des personnes âgées. Les besoins des bénéficiaires, certains en fin de vie, ont des besoins qui évoluent constamment. Désormais, il n'y a plus que l'heure qui compte. Ce contrôle excessif sur le temps conduit à la négligence de nombreux actes dans l'accompagnement social de la personne dépendante. « La priorité est mise sur le pointage et non sur l'humain » déplore Francine Lambert, porte-parole des aides à domicile de l'ADMR (réseau associatif de services à la personne)14.

13 Le cahier de liaison est un livret demeurant au domicile de la personne âgée permettant d'y inscrire des consignes et d'organiser une meilleure coordination entre les différents intervenants (infirmiers, aide à domicile, médecins,...).

14 « Les aides à domicile se sentent espionnées », Actu, 17 mars 2013

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PARTIE II : SANTÉ AU TRAVAIL

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon