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La main à  la pàte. Des théories naïves aux concepts scientifiques : un apport de l’inhibition ?


par Justine LefàƒÂ¨vre
Université de Paris - Master Psychologie cognitive et sociale de l'enfant et de l'adolescent 2016
  

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3) Le conflit cognitif dans l'apprentissage :

Lee et Yi (2013) définissent le conflit cognitif comme un état où il existe une différence entre nos structures cognitives et l'environnement. En d'autres termes, entre les croyances (les heuristiques) et la logique (les algorithmes). Selon les domaines de recherches, les chercheurs ont donné des noms différents aux conflits cognitifs, Piaget (1975) parlait d'équilibration. En psychologie sociale, on parlera de dissonance cognitive. (Festinger, 1962). Dans les deux cas, la motivation de l'individu à résoudre le conflit est provoquée par la situation. En psychologie cognitive, Posner, Strike, Hewson et Gertzog (1982) émettent l'hypothèse que la situation de conflit est ce qui génère l'apprentissage des concepts. Pour eux, les élèves ne modifieront leur représentation que si l'on provoque un conflit entre leur représentation et le concept. C'est ce qu'ils appellent la « Théorie du changement conceptuel ». Dans cette théorie, pour qu'il y ait changement conceptuel, l'apprenant doit

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accepter la nouvelle information fournie par le professeur. Le concept à apprendre doit être pris au sérieux par l'élève et ne pas être présenté comme impossible ou irréel (Lee & al. 2003), afin que ce concept provoque un conflit et donc motive une certaine curiosité, de l'hésitation et enfin une « réévaluation cognitive» du problème. Cette théorie semble confirmée par De Neys, Lubin et Houdé (2014), qui ont montré le rôle intermédiaire du doute (de l'hésitation) avant qu'une réévaluation cognitive par le biais de l'inhibition soit possible chez les enfants dits « non conservants ». Ces enfants, bien qu'échouant à la tâche piagétienne de conservation du nombre doutent de leur réponse et montre une activation du cortex cingulaire antérieur, où région du doute (Simon & al. 2015).

4) Les effets d'une pédagogie reposant sur l'investigation, le conflit cognitif et l'action.

Les effets de pédagogies différentes ont été étudiés par de nombreux auteurs et ont mis en évidence des effets bénéfiques et néfastes des pédagogies de type IBSE reposant sur l'action, l'investigation et le conflit cognitif. En effet, les recherches sur les conceptions alternatives ont montré l'importance de prendre en compte les concepts initiaux dans l'apprentissage, car ceux-ci peuvent faciliter l'acquisition de nouvelles connaissances, notamment si ces concepts vont dans la même direction, car par accommodation, l'enfant pourra manipuler ses concepts initiaux et y intégrer les nouveaux concepts. Au contraire, elles peuvent entraver cette acquisition, surtout si le concept scientifique est en contradiction complète avec les préconceptions des enfants. (Thiberghien & al. 1998).

Concernant, les bénéfices, par exemple, Sever et Güven (2014) ont montré les effets d'un apprentissage en science fondé sur l'investigation chez des élèves de 7e (CM2). Ils ont opposé la méthode d'apprentissage classique à la méthode d'investigation et ont montré que cette dernière permettait de réduire considérablement les comportements de résistance en classe (ennui, manque de motivation, bavardage, etc.). Les comportements de résistance des

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élèves sont parfois le signe que la pédagogie n'est pas adaptée et peut affecter l'apprentissage des élèves en rendant l'environnement de la classe peu propice à l'instruction (Whiteneck, 2005, cité par Sever & Güven, 2014). D'ailleurs, McClelland (1984, cité par Gil-Perez & Carrascosa, 1990) stipule que, quand les enfants sont tenus de répondre à des questions sur des phénomènes physiques qui ne sont pas assez significatifs pour eux, ils utilisent préférentiellement leurs concepts naïfs, car cela ne nécessite que peu d'attention. De même, Hewson et Hewson (1984) ont étudié les effets d'une méthode reposant sur la prise en compte des connaissances premières des enfants. Pour eux, cela aurait des effets positifs sur l'installation d'un changement conceptuel (c'est-à-dire d'un passage entre théories naïves et théories scientifiques) chez les enfants. En testant des adolescents de 3e en pré test et en posttest, ils mettent en évidence de meilleurs résultats en post-test chez les élèves ayant suivi une instruction fondée sur le conflit cognitif, par rapport aux élèves ayant suivi un apprentissage classique.

D'autres effets ont été également montrés. En effet, Cremin, Glauert, Craft, Compton et Stylianidou (2015) démontrent empiriquement le lien entre la créativité chez les enfants d'âge préscolaire et scolaire, et les pédagogies favorisant l'action et l'enquête dans 71 classes différentes en Europe. (Pédagogie par le jeu, l'éveil de la curiosité, la résolution de problème, etc.). Les enfants apprendraient mieux quand ils sont eux-mêmes mis en action que quand ils sont simples spectateurs. En effet, Lubin et al. (2009) ont montré dans une reprise de l'étude de Houdé (1997) sur l'acquisition du nombre que les enfants de 2 ans qui enlèvent eux-mêmes les Babars, nécessaires aux comptages sont surpris par la procédure 1 +1 = 3 alors que les enfants qui ne manipulent pas ne voient pas de différence entre 1 +1 = 2 et 1 +1 = 3 qui représentent dans les deux cas la pluralité. Mettre les enfants en action permettrait de les remettre dans un fonctionnement numérique. La pédagogie à l'école

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devrait donc favoriser l'apprentissage par l'action, car celle-ci permettrait d'opérer un arbitrage entre différents modes de fonctionnement.

D'autres auteurs sont cependant plus nuancés sur les effets de pédagogies innovantes et expliquent les conditions nécessaires pour qu'un apprentissage soit bénéfique.

Pour Asoko (2002), des changements sont nécessaires dans la « tête de l'élève ». Si les idées des enfants sont importantes à considérer, c'est surtout l'écart entre ces idées et les concepts scientifiques à enseigner qu'il faudrait prendre en compte. Pour Dreyfus, Jungwirth et Eliovitch (1990), s'appuyer concrètement sur les concepts premiers des enfants lors d'une séance en classe peut être « contre-productif», car les enfants se rendent finalement compte que leurs théories sont souvent fausses ou insuffisantes, ce qui peut les conduire à garder leur théorie pour eux-mêmes. De même, Kirschner, Sweller et Clark (2006) dans une revue de la littérature, sont plus nuancés sur les effets de l'instruction par l'investigation, sur l'apprentissage. Pour eux, l'instruction pas ou peu guidée par l'adulte qu'induirait l'instruction par investigation, bien que séduisante irait à l'encontre de « l'architecture cognitive humaine» et de la connaissance sur la différence de charge cognitive entre expert et novice. Selon eux, de nombreuses études au cours des cinquante dernières années ont comparé les effets des apprentissages guidés et peu guidés et ont montré les effets délétères des types de pédagogie peu ou pas guidé sur la Mémoire de travail (MDT) et sur l'apprentissage. Matlen et Klahr (2013) arrivent au même type de constat chez des enfants de CE2 qui reçoivent une leçon soit fortement guidée (associant enquête et instructions) soit faiblement guidée (enquête seule). La pédagogie par investigation ne serait bénéfique que lorsque les élèves ont des connaissances scientifiques suffisamment importantes sur le monde qu'ils peuvent articuler en même temps en MDT. Avant, une intervention guidée de l'adulte serait plus que nécessaire. C'est d'ailleurs, le même constat que font Potvin, Sauriol et Riopel (2015). Ils démontrent que le conflit cognitif chez des enfants de CM2 et 6e est

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plus efficace, s'il est utilisé après une leçon sur l'explication du concept scientifique de flottaison. Cette étude montre que la séquence d'apprentissage : leçon puis conflit cognitif est plus efficace que la séquence conflit cognitif puis leçon ou leçon classique seulement. Sizmur et Ashby (1997, cité par Asoko, 2002) quant à eux proposent un modèle en trois étapes pour un apprentissage adéquat des sciences. Les enfants devraient emmètre leurs idées (théories naïves), les concepts scientifiques devraient ensuite leurs être exposés par le professeur et enfin la confrontation entre les idées des enfants et les concepts scientifiques devrait être organisée par expérimentation. Cependant, l'expérience et les explications à elles seules ne suffisent pas. En effet, dans une expérience sur la construction de circuits électriques chez des enfants de 9 ans. Asoko (2002) montre que les enfants peuvent développer des théories naïves à partir des expériences mêmes. À la présentation d'un circuit électrique, lorsque l'on demande aux enfants pourquoi l'on a branché deux fils au lieu d'un seul, ils peuvent donner ce type de réponses : « on a besoin de deux fils, car un seul ne donne pas assez d'énergie» ou « l'on ajoute le deuxième par sécurité ». Ce développement des théories au cours de l'expérience est en accord avec Houdé (2014) qui stipule que les heuristiques peuvent se créent à tout moment du développement par interaction avec l'environnement. Heuristique, qu'il faudra selon lui ensuite inhiber en situation de conflit cognitif.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote