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La coutume Kongo face aux conflits fonciers.


par Rhéa Mylord voka
Université Kongo/ Mbanza-Ngungu - Licence en Droit privé et judiciaire 2019
  

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CHAPITRE I : DE LA COUTUME

Dans le présent chapitre, nous allons tout d'abord présenter la théorie générale relative à la coutume (section 1), avant de faire une étude sur la coutume kongo (section2).

Section 1 : Théorie générale sur la coutume

Cette section sera consacrée unique sur la définition et la place de la coutume en droit congolais

§1. Définition et place de la coutume en droit congolais

Ce paragraphe est consacré à la définition (A), à la place de la coutume dans l'espace kongo (B), ses éléments constitutifs (C), sa naissance (D), ensuite sa force (E), et enfin ses limites (F).

A. Définition

Le dictionnaire Petit Robert 2002 définit la coutume comme une attitude collective d'agir transmise de génération en génération. Autrement dit, c'est une manière d'agir, pratique consacrée par l'usage qui se transmet de génération en génération.11

J. CARBONNIER, quant à lui, définit la coutume comme une règle de droit qui s'est établi, non par une volonté étatique émise en un trait de temps, mais par une pratique répétée des intéressés eux-mêmes, c'est-à-dire c'est un droit qui s'est constitué par l'habitude.12

Dans le même sens, le professeur Matthieu TELOMONO définit la coutume comme un ensemble de pratiques qui sont constantes ou permanentes d'une certaine conduite dans un cas donné et dans une société donnée, elle est dynamique pouvant donc changer et évoluer dans un temps et dans l'espace.13

Quant au lexique de termes juridiques, la coutume est définie comme étant une pratique, usage, habitude qui, avec le temps, et grâce au consentement et à l'adhésion populaire, devient une règle de droit bien qu'elle ne soit pas édictée en

11 LE PETIT ROBERT, Dictionnaire de la langue française, Paris, Paul Robert, 2002, p.288

12 Jean CARBONNIER, Droit civil : Introduction, Paris, P.U.F, 1991, p.28

13 M.TELOMONO, Cours de Droit coutumier, Université Kongo, Faculté de droit, Deuxième graduat, 2016-2017, Inédit, p.4

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forme de commandement par les pouvoirs publics. Elle est issue d'un usage général et prolongé et de la croyance en l'existence d'une sanction à l'observation de cet usage.14

A la lumière des définitions citées ci-haut, il convient de relever que la législation congolaise ne s'est pas préoccupé aux premières heures de donner une définition claire de la coutume bien qu'elle lui accorde une place importante, celle d'une source du droit. En effet, il importe de rappeler que l'article 1er de l'ordonnance du 14 mai 1886 disposait : « Quand la matière n'est pas prévue par un décret, arrêté ou par une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui relèvent de la compétence des tribunaux du Congo seraient jugées d'après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l'équité ».15

Cette ordonnance fut bien plus tard abrogée par le code de procédure civile à son article 199 qui dispose : « L'ordonnance de l'administrateur général au Congo du 14 mai 1886 approuvée par le décret du 12 novembre 1886 et les décrets qui l'ont modifiée et complétée sont abrogés ».16

Mais alors que la République démocratique du Congo était une colonie belge, le législateur de la loi du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo belge dénommée habituellement « Charte coloniale » a reconnu l'existence de la coutume et son caractère d'être une source du droit congolais.

En effet, l'article 4 alinéa 2 de la Charte coloniale disposait ce qui suit : « Les indigènes non immatriculés du Congo belge jouissent des droits civils qui leur sont reconnus par la législation de la colonie et par leurs coutumes en tant que celles-ci ne sont contraires ni à la législation, ni à l'ordre public. Les indigènes non immatriculés des contrées voisines leur sont assimilés ».17

Cette disposition encore que se référant expressément à la matière des droits civils a été interprétée comme exprimant le principe suivant lequel le droit coutumier continue à régir la vie des indigènes non immatriculés.

De son côté, la législation sur les juridictions indigènes18 édictait, parmi les règles de fond applicables par les juridictions, en disposant que : « Les tribunaux indigènes appliquent les coutumes pour autant qu'elles ne soient pas contraires à

14 Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, Le lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2019-2020, p.636

15 Article 1er de l'ordonnance de l'Administrateur général au Congo du 14 mai 1886 sur les principes à suivre dans les décisions judiciaires. (B.O., 1886, pp.188 et 189)

16 Article 199 du code de procédure civile

17 Article 4 de la Charte coloniale

18 Décret du 17 mars 1938 portant sur les juridictions indigènes

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l'ordre public universel. Dans le cas où les coutumes sont contraires à l'ordre public universel, comme en cas d'absence de coutumes, les tribunaux jugent en équité. Toutefois, lorsque les dispositions légales ou règlementaires ont eu pour but de substituer d'autres règles à la coutume indigène les tribunaux indigènes appliquent ces dispositions légales ».19

Quant à la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, elle n'édicte aucune règle en ce qui concerne les rapports du droit coutumier vis-à-vis du droit écrit et de l'ordre public.

La seule référence au régime coutumier qu'on y découvre gît dans l'article 191 alinéa 1er reconnaissant l'existence des tribunaux coutumiers : il y a eu au Congo des cours d'appel, des tribunaux de première instance, des tribunaux de district, des tribunaux de police et des tribunaux coutumiers.20

L'article 2 de la même loi fondamentale disposait : « Les lois, les décrets et ordonnances législatives, leurs mesures d'exécution ainsi que toutes dispositions règlementaires existant au 30 juin 1960, restent en vigueur tant qu'ils n'auront pas été expressément abrogés, il s'ensuit que la législation sur les juridictions indigènes émanant du législateur ordinaire de la colonie par la voie de décret, était restée en vigueur, et qui l'était ainsi confirmée l'existence du droit coutumier applicable par lesdites juridictions ».

Aussi bien que l'article 18 de cette législation continuait à produire tous ses effets, à savoir que les tribunaux indigènes appliquaient les coutumes pour autant qu'elles ne fussent pas contraires à l'ordre public universel et devaient appliquer les dispositions légales ou réglementaires ayant pour but de substituer d'autres règles à la coutume indigène.

Nous devons savoir que le droit coutumier était reconnu et maintenu par le législateur, il découle aussi de la loi fondamentale du 17 juin 1960 relative aux libertés publiques dont l'article 11 alinéa 1er disposait : « A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille dans les

19 Article 18 du décret du 17 mars 1938 ; André DURIEUX, Droit écrit et droit coutumier en Afrique central, Bruxelles, Académie royale des Sciences d'outre-mer, Classe des sciences morales et politiques, N.S français, XXXVI - 2, 1970, p. 7

20 André DURIEUX, op.cit., p. 18

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conditions déterminées par la loi ou les édits, ainsi que par la coutume si celle-ci n'est pas contraire à l'ordre public ».21

La Constitution du 1er août 1964 qui, dans son article 203, abroge la loi fondamentale du 19 mai 1960 sur les structures du Congo et la loi fondamentale du 17 juin 1960 relative aux libertés publiques, proclame l'existence du droit coutumier. L'article 43, alinéas 1er de cette Constitution disposait : « Les droits de propriété, qu'ils aient été acquis en vertu du droit coutumier ou du droit écrit, sont garantis conformément aux lois nationales ».22

La Constitution du 24 juin 1967 reconnaissait également l'existence de la coutume, l'article 14 de cette loi disposait ce qui suit : « Les droits de propriété individuelle et collective, qu'ils aient été acquis en vertu du droit coutumier ou droit écrit sont garantis. Il ne peut être porté atteinte à ces droits que pour des motifs d'intérêt général en vertu d'une loi, sous réserve d'une indemnité équitable à verser au titulaire lésé de ces droits ». La même loi disposait ce qui suit dans son article 57 alinéa 1er : « Les cours et tribunaux appliquent la loi et la coutume pour autant que celle-ci soit conforme aux lois et à l'ordre public de l'Etat ».23

Quant à la Constitution de la transition d'avril 1994, elle disposait ce qui suit dans son article 149 . « Les cours et tribunaux civils et militaires appliquent la loi et les actes règlementaires ainsi que la coutume pour autant que celle-ci soit conforme à l'ordre public et aux bonnes moeurs ».

Dans le même d'ordre idée, l'article 149 de la Constitution de la transition de 2003 disposait que . « Les cours et tribunaux civils et militaires appliquent la loi et les actes réglementaires ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit conforme à l'ordre public et aux bonnes moeurs ». La loi foncière qui consacre tout un chapitre au droit coutumier, dispose à son article 388 : « Les terres occupées par les communautés locales sont celles que ces communautés habitent, cultivent ou exploitent d'une manière quelconque- individuelle ou collective-conformément aux coutumes et usages locaux ».24

Ce n'est que le 25 août 2015, par la loi n° 15/ 015 du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers qu'apparaît une définition de la coutume en ces

21 André DURIEUX, op.cit., p. 19

22 André DURIEUX, op.cit., p. 20

23 Articles 14 et 53 de la Constitution du 24 juin 1967

24 Article 388 de la loi foncière

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termes : « c'est l'ensemble des usages, des pratiques et des valeurs qui, par l'effet de la répétition et revêtus d'une publicité, s'imposent, à un moment donné, dans une communauté, comme règles obligatoires ».25

Quant à l'actuelle Constitution du 18 février 2006, il accorde également une place de choix à la coutume en disposant à son article 153 alinéa 4 que : « Les cours et tribunaux civils et militaires appliquent les traités internationaux dument ratifiés les lois, les actes réglementaires pourtant qu'ils soient conformes aux lois ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ».

L'analyse de toutes ces dispositions permet d'en titrer les principes suivants : tout d'abord, la Constitution reconnaît l'existence de la coutume comme étant une source de droit, ensuite, elle établit la primauté de la loi sur la coutume, c'est-à-dire en cas de conflit entre la loi et la coutume, c'est la loi qui l`importe mais, la coutume s'applique en l'absence de la loi pour autant qu'elle soit conforme à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.

Par ailleurs, il convient de relever qu'en droit congolais, il est fait une distinction entre la coutume juridique et la coutume. Ainsi certains auteurs définissent la coutume juridique comme un usage régulièrement et universellement suivi dans un milieu social donné et tenu pour juridiquement obligatoire ou usage, pratique qui consacre l'inviolabilité faute de quoi on est buté à des sanctions.26Cela va, sans dire, que toute coutume n'est pas juridique de même tout droit n'est pas coutumier.

De manière générale, la règle coutumière est une règle issue des pratiques traditionnelles et d'usages consacrés par le temps et qui constitue une source de droit.27

Dans la société congolaise ancienne tout comme dans celle moderne, la coutume constitue une source importante du droit, elle est sensée exprimer la volonté

25 Article 2 point 2 de loi n° 15/015 du 25 août 2015 fixant statut des chefs coutumiers

26 BOMPAKA NKEYI MAKANYI, Cours d'introduction générale à l'étude du droit, Faculté de Droit, Université Kongo, Premier graduat, 2015-2016, p. 50, inédit

27 http//:www.google/Qu'est-ce que la coutume, page consultée le 11 février 2020, à 11h ; Article 362 du code de la famille dispose : « La coutume applicable au mariage détermine les débiteurs et les créanciers de la dot, sa consistance et son montant, pour autant qu'ele soit conforme à l'ordre public et à la loi, plus particulièrement aux dispositions qui suivent ». Cette coutume détermine également les régimes matrimoniaux de la dot et l'article 340 du code de la famille : « La forme des fiançailles est réglée par la coutume des fiancées ».

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implicite de la majorité de membre de la communauté. Elle est la source la plus ancienne du droit.28

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote