5.1.3.2. Accroissement des litiges fonciers
Les litiges fonciers se sont multipliés dans les
villages intégrés depuis le début des lotissements
privés en 2014. La figure 21 montre l'évolution des litiges
fonciers gérés par les chefferies ces quinze dernières
années.
Source : Notre enquête, 2019
Figure 21 : Evolution des litiges fonciers dans les
villages de 2000 à 2018
L'analyse de la figure révèle que les litiges
fonciers se sont accrus de 40% dans les trois villages avec respectivement 46%
à Sapia, 33% à Tagoura et 39% à Zakoua. Au-delà des
litiges fonciers liés aux délimitations des parcelles, à
la réclamation des parcelles cédées et à la
réticence des allogènes qui sont particuliers à chaque
village, les litiges fonciers liés à la vente d'un terrain
à plusieurs acquéreurs sont transversaux aux villages. En effet,
certains propriétaires coutumiers vendent un lot déjà
attribué à un acquéreur à plusieurs autres
acquéreurs. Les nouveaux acquéreurs procèdent aux
transactions pour l'achat du terrain sans vérification préalable.
Les litiges surviennent lorsqu'un des acquéreurs décide de mettre
en valeur le lot.
5.1.3.3. Le cadre préconisé pour le
règlement des litiges fonciers
Le choix des propriétaires coutumiers pour le
règlement des litiges fonciers présente des configurations
différentes dans les trois villages. La figure 22 montre la
répartition des recours en cas de litige.
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Source : Notre enquête, 2019
Figure 22 : Répartition des recours en cas de
litige dans les villages intégrés
Dans l'ensemble, la chefferie (49%) et la police (24%) sont
les principaux recours des propriétaires coutumiers en cas de litige
foncier (73%). Ils sont suivis des recours à la justice (15%) et
à la Sous-préfecture ou la Mairie (11%). La figure 23
présente la répartition des recours en cas de litige foncier
à Sapia.
Source : Notre enquête, 2019
Figure 23 : Répartition des recours en cas de
litige foncier à Sapia
A Sapia, la police est privilégiée pour le
règlement des litiges (50%). Ce choix est justifié par la
prépondérance des propriétaires jeunes dont l'âge
est compris entre 30 et 45 ans (60%) ayant un niveau d'instruction moyen du
secondaire. Cette catégorie sociale se heurte très souvent aux
pratiques anciennes de don de la terre prôné par la chefferie. Les
propriétaires coutumiers préfèrent la police ou la
gendarmerie pour un règlement avec des principes modernes.
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A Tagoura, les litiges fonciers sont réglés par
la chefferie. La figure 24 montre la répartition des recours en cas de
litige foncier à Tagoura.
Source : Notre enquête, 2019
Figure 24 : Répartition des recours en cas de
litige foncier à Tagoura
A Tagoura, la chefferie est préférée en
cas de litige (80%). Cette situation s'explique par le système
organisationnel du village. En effet, les chefs de familles qui sont
également les notables du village, sont chargés de régler
les litiges fonciers au sein de leurs familles. La chefferie n'est
sollicitée qu'en cas de litige majeur que le chef de famille n'a pas pu
régler. La figure 25 montre la répartition des recours en cas de
litige foncier à Zakoua.
Source : Notre enquête, 2019
Figure 25 : Répartition des recours en cas de
litige foncier à Zakoua
A Zakoua, la Sous-préfecture est plus sollicitée
en cas de litige foncier (35%). En effet, les litiges fonciers opposent
généralement les propriétaires coutumiers aux
allogènes
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venus exploiter les terres à des fins agricoles. La
figure 26 montre les tendances générales du choix des
propriétaires terriens pour le règlement des litiges foncier.
Source : Notre enquête, 2019
Figure 26 : Tendances générales du choix
des propriétaires terriens pour le règlement
des litiges foncier
En tête de liste, la chefferie (46%) est plus
sollicitée en cas de litige foncier. En effet, les chefs de villages
sont des fonctionnaires retraités qui connaissent bien les implications
des nouvelles dispositions sur le foncier. Ils combinent donc des
éléments du droit foncier moderne et traditionnel pour
départager les protagonistes. Lorsque le litige
dégénère, 26% des enquêtés
préfèrent se rendre à la police ou à la
gendarmerie. Le recours à la justice (15%) se fait pour les litiges
majeurs mettant en jeu d'importante superficie, ou lors du partage de prime en
cas de purge des droits de cultures ou de sol par l'Etat.
46% des enquêtés préfèrent le
règlement des litiges fonciers à l'amiable sous la supervision
des chefferies traditionnelles. Cette conception des choses est bien
formulée par un adage populaire énoncé par le chef de
Zakoua : « mieux vaut un mauvais arrangement qu'un bon procès.
Donc si il y a quelque chose, au lieu de se trimbaler à la police,
jusqu' aller en justice, il est préférable qu'on s'asseye et
qu'on trouve une solution ». Le mode de règlement des litiges
fonciers qui se fait à l'amiable, par consensus, à partir de
compromis, apparait donc comme plus judicieux et celui préconisé
par la population du fait des nombreux avantages qu'il présente. Le chef
de Zakoua résume ces avantages en ces termes : « la justice par
exemple peut donner raison à un tiers, et puis arriver au village, s'il
y a opposition, les gens ne vont jamais travailler sur cette terre, parce qu'il
faut craindre aussi la mort. C'est pourquoi il est préférable de
s'assoir au village et puis
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trouver un consensus. Même si il y a eu des
échauffements dans la famille, on viendra, on va trouver une solution.
Et quelque fois même, c'est ce que la police, même la justice, nous
demande de faire, parce que c'est une façon de les aider aussi
». La mise en valeur des terrains urbains se verrait ainsi
facilitée et l'intégration des villages périurbains
à la ville se ferait de manière cohérente. La photo 2
présente le foyer polyvalent de Tagoura.
Photo 2 : Le foyer polyvalent de Tagoura
(Cliché de l'auteur, Mai 2019)
Le foyer polyvalent de Tagoura sert de lieu de
règlement des litiges fonciers et autres activités culturelles du
village. Il a été construit sur fonds propre, par la population.
Ce foyer contribue à préserver la culture du village face
à une urbanisation marquée.
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