![]() |
Répression de la cybercriminalité à l'ère du code congolais du numérique: étude comparative entre les droits français et congolaispar Henri Thomas Lupantshia Kangomba Université officielle de Mbujimayi - Licence/Master en Droit 2024 |
G. Cyberattaque« Les cyberattaques comprennent l'accès involontaire ou non autorisé à des renseignements électroniques et/ou des infrastructures électroniques ou matérielles utilisés pour traiter, communiquer ou entreposer cette information, ainsi que leur utilisation, leur manipulation, leur interruption ou leur destruction (par voie électronique). La gravité des cyberattaques détermine le niveau d'intervention et les mesures d'atténuation nécessaires, c'est-à-dire la cybersécurité ».108 106 Kodjo NDUKUMA ADJAYI, Cybercriminalité en RD Congo: faire du vieux avec du neuf, pour un renouveau sans révolution, article, mai 2020, p. 2 ; 107 Article 2 point 25 de L'Ordonnance-loi n° 23/10 du 13 Mars 2023 portant code Congolais du numérique. 108 Stratégie de cybersécurité du Canada, 2010, p. 3, sur http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/cbr-scrt-strtgy/cbr-scrt-strtgy-fra.pdf , consulté le 15 septembre 2024 à 17h 32' ; H. CyberguerreCyberguerre : guerre se déroulant dans le cyberespace. La cyberguerre, guerre cybernétique (en anglais : cyberwarfare) ou guerre de la toile consiste en l'utilisation d'ordinateurs et d'Internet pour mener une guerre dans le cyberespace.109 Depuis le début du XXIe siècle, le réseau Internet est devenu un lieu d'affrontement, tout objet numérique devenant une cible d'attaquants potentiels.110 Le terme « cyberguerre » est cependant contesté par de nombreux observateurs, le principal argument étant son absence de létalité.
En effet, le code Congolais du numérique précité définit le concept numérique, comme étant l'ensemble des procédés et moyens 109 http://fr.wikipedia.org/wiki/cyberguerre , consulté le 27 septembre 2024 à 19h30' ; 110 « Du cyber et de la guerre », sur http://www.frstrategie.org , consulté le 27 septembre 2024 ; 111 Emmanuel DERIEUX, Droit des médias, 3ème édition, Dalloz, Paris, 2005, p. 6 ; utilisant des outils et services qui permettent de créer, de traiter, de stocker et de diffuser la donnée.112 K. Numérisation La numérisation consiste à passer un document papier dans un dispositif optoélectronique (en général) un scanner pour en faire une copie électronique qui sera traité par un système d'information.113 1.2. De la typologie des crimes La cybercriminalité, cette délinquance électronique, recouvre deux grandes catégories d'infractions114 : D'une part, des infractions spécifiques aux NTIC et, d'autre part, des infractions dont la commission est liée ou facilitée par l'utilisation de ces NTIC. Cette typologie apparemment claire, occulte pourtant en réalité le flou sémantique dans lequel la cybercriminalité de NTIC nage à son tour et qui se caractérise par une confusion, curieusement pittoresque, mais certainement très dangereuse entre les techniques de perpétration du crime et le crime lui-même.115 On peut affirmer que la notion de cybercriminalité vise deux types d'infractions. > Les infractions visées Il s'agit d'abord de la criminalité dont l'objet même est de menacer les systèmes et les réseaux informatiques. Cela concerne les atteintes aux systèmes des traitements automatisés des données, les infractions en matière de fichiers ou de traitement informatique, ou encore le domaine de la cryptologie. Ce sont des infractions nouvelles, 112 Article 2 point 55 de L'Ordonnance-loi n° 23/10 du 13 Mars 2023 portant code Congolais du numérique. 113 Thierry PIETTE COUDOL, Le numérique au service du Droit ohada et des États parties, Éditions LGDJ, Lextenso, Paris, 2016, p. 11 ; 114 Nacer LALAM, La délinquance électronique, Dossier problèmes politiques sociaux, Documentation française, N° 953, Octobre 2008, p. 4 ; 115 MANASI NKUSU, Le Droit congolais et la criminalité de NTIC, mémoire de DEA en Droit, UNIKIN-RDC, Texte de présentation du mémoire disponible sur
http://ccn.viabloga.com/news/memoire-de-dea-en-cybercriminalite-unikin-rdc
, spécifiques à l'Internet, qui n'existaient pas avant son arrivée. En ce sens, on peut citer le piratage informatique qui est en l'occurrence, l'intrusion non autorisée dans les systèmes informatiques et le sabotage informatique de ces derniers. Il s'agit ensuite de la criminalité commise au moyen du réseau. Ce sont les formes traditionnelles de la cybercriminalité ou les infractions de droit commun qui existaient déjà avant l'arrivée d'Internet, mais qui ont trouvé en lui un formidable moyen de se pérenniser et de développer. En ce sens, on peut citer la pédophilie sur Internet qui est un des exemples les plus visibles de criminalité de droit commun, ayant pris de l'ampleur grâce au développement de l'Internet. Les pédophiles peuvent y reproduire des informations ou des photos, l'anonymat y est préservé, la distribution des documents est simple et la quantité de documents que l'Internet peut transporter est quasi sans limites.116 §2. Les caractéristiques de la cybercriminalité et les typologies des cybercriminels et des victimes 2.1. Les caractéristiques de la cybercriminalité À en croire Hilaire Kabuya Kabeya Tshilobo, les principales caractéristiques de la cybercriminalité sont: l'anonymat, la possibilité de causer rapidement et à grande échelle des dommages, et la commission des infractions par voie d'un réseau informatique.117 La cybercriminalité peut comprendre plusieurs formes et peut se produire à tout moment et n'importe quel endroit. Elle présente trois principales caractéristiques ci-après: a) L'anonymat Il est rare de trouver un internaute auteur des crimes sur Net qui renseigne clairement son identité. Généralement, il prend le soin de 116 Romain BOOS, op. cit., p. 28 ; 117 Hilaire KABUYA KABEYA TSHILOBO, op. cit., p. 127 ; faire apparaître une autre identité et utiliser une autre adresse électronique afin d'opérer dans l'anonymat.
L'ordinateur est l'instrument de perpétration principale de la cybercriminalité. Malheureusement la formidable invention qu'est internet a aussi profité aux criminels qui mettent leur savoir-faire pour commettre des actes prohibés. Les caractéristiques de ce fléau étant déjà analysées, il sied de savoir ce qui se passe sous d'autres cieux.118 2.2. La typologie des cybercriminels Le développement des NTIC a mené à l'apparition d'un nouveau type de délinquance que l'on nomme « délinquance informatique ». En droit pénal, le délinquant est défini comme « l'auteur d'une infraction pénale, qui peut faire l'objet d'une poursuite de ce chef ». Le délinquant informatique serait donc la personne qui commet un délit informatique. Mais plusieurs auteurs dont Philippe Rosé119 écartent la notion de délinquant informatique au profit de celle de criminel informatique ou de fraudeur informatique. En revanche, d'autres comme André Lucas préfèrent le terme de « délinquance informatique » au terme de « fraude informatique »120. Ce dernier considère de plus que « la seule démarche acceptable consiste à réserver l'acceptation de fraude informatique aux hypothèses dans lesquelles la technique informatique est au coeur de 118 Raymond De Bouillon MANASI NKUSU KALEBA (et Al.), Cybercriminalité, module de formation initiale des magistrats, Conseil dupérieur de La magistrature secrétariat permanent et institut national de formation judiciaire (INAFORJ), 2023, pp.3-4 ; 119 Philippe ROSÉ, La Criminalité Informatique , éditions PUF, Collection Que-sais-Je?, Paris, 1987, p. 52 ; 120 André LUCAS, Le droit de l'informatique, éditions. PUF, Coll. Thémis Droit, Paris, 2001, p. 400 ; l'agissement incriminable tout en sachant fort bien qu'il est parfois difficile d'isoler le noyau dur de la périphérie »121. En tout état de cause, la délinquance informatique se différencie de la délinquance classique car elle « se compose de délinquants spécialisés, jeunes par hypothèse, considérés comme employés modèles occupant un poste de confiance dans la direction d'une entreprise. Généralement motivés par le caractère du jeu et du défi qu'apporte l'idée de tromper l'ordinateur.122 D'une manière générale, on catégorise, au coeur de la cyberdélinquance, deux catégories: les cybercriminels personnes physiques et les cybercriminels personnes morales. A. Les cybercriminels personnes physiques Du nombre des cybercriminels, nous citons: > Les vandales qui vandalisent tout ce qu'ils peuvent sur les réseaux; > Les arnaqueurs, parmi lesquels les scameurs, les phishers ou autres fraudeurs qui se livrent à l'escroquerie en ligne ; > Les employés malveillants; > Les espions; > Les terroristes et > Les hackers ou pirates.123 1. LES HACKERS Les white hat hackers ou chapeaux blancs qui sont généralement à l'origine des principaux protocoles et outils informatiques que nous utilisons aujourd'hui. B. Les « black hat hackers » ou chapeaux noirs. Ce sont eux les pirates qui pénètrent par effraction dans des systèmes ou des 121 Idem, p. 401 ; 122 Romain BOOS, op. cit., p. 32 ; 123 Raymond De Bouillon MANASI NKUSU KALEBA (et Al ), Cybercriminalité, mode de formation, op.cit ; 124 Raymond De Bouillon MANASI NKUSU KALEBA (et Al ), Cybercriminalité, mode de formation , op.cit, pp. 5-10 ; réseaux dans un but nuisible. Ce type de hackers comprend quatre catégories:
C. Les Grey hat hackers ou chapeaux gris C'est un hacker hybride entre les chapeaux blancs et chapeaux noirs. Ils pénètrent par effraction dans des systèmes ou des réseaux dans l'objectif d'aider les propriétaires du système à mieux le sécuriser.124 Les hacktivistes , cybermilitants ou cyberrésistants Ce sont des hackers dont la motivation est principalement idéologique B. Les cybercriminels personnes morales > Le transporteur d'informations ou opérateur de communication électronique; > Le fournisseur d'accès à l'Internet ; > L'hébergeur ; > Les créateurs d'hyperliens ; > L'organisateur d'espaces de discussion interactive; > L'éditeur d'un service de communication au public en ligne; > Le gestionnaire de blogs ; > L'auteur et le fournisseur de contenus; Les autres Entreprises, Groupes, Entités et Organisations (Les organisations racistes, pédophiles, entreprises concurrentes ou qui font de la publicité ...) et les Etats. 1.1. La typologie des victimes de la cybercriminalité > Victimes personnes physiques 1. Victime personne physique et cybercriminel personne physique > Les actes d'atteinte à leur vie privée; > Les actes d'atteinte aux droits d'auteur et aux droits voisins; > Les actes de piratage; > L'incitation à la haine raciale; > La pédopornographie et les infractions classiques liées ou facilitées par les T.I.C.
> Des actes d'atteintes aux libertés individuelles; > La cyber surveillance; > Les écoutes et les fichages intempestifs. > Victimes personnes morales autres que les Etats Les personnes morales, autres que les Etats, victimes de la cybercriminalité sont, d'une part, les personnes morales publiques congolaises, étrangères et internationales telles que: Tout comme pour les personnes physiques, aucune personne morale qui utilise les T.I.C n'est à l'abri de la cybercriminalité. Les > Celles qui gèrent les infrastructures critiques, c.-à-d. l'énergie à tous ses stades ; > (Transport et distribution d'eau, électricité, des hydrocarbures) ; les installations ; > Nucléaires; les Technologies de l'Information et de la Communication; l'alimentation; > Les services d'urgence et la santé; les finances; les transports; l'industrie chimique; l'espace; les services de renseignements et les laboratoires de recherche ; les institutions internationales ; Etc. D'autre part, il s'agit des personnes morales de droit privé congolaises, étrangères et internationales dont: V' Les sociétés qui ont investi dans les T.I.C comme les transporteurs d'informations; V' Les fournisseurs d'accès à l'Internet (F.A.I) ; les hébergeurs ; les créateurs d'hyperliens ; V' Les organisateurs d'espaces de discussion interactive; V' Les éditeurs d'un service de communication au public en ligne; V' Les gestionnaires de blogs ; V' Les auteurs; V' Les fournisseurs de contenus; V' Les sociétés de télécommunications, etc. V' Les banques et institutions financières; V' Les sociétés qui offrent des services et marchandises en ligne; V' Les sociétés de messageries financières; V' Les industries; V' Les sociétés qui ont investie dans les domaines des infrastructures critiques ; V' Les A.S.B.L ; V' Les hôpitaux; etc. personnes morales susvisées sont victimes des agissements des personnes physiques, des personnes morales autres que l'Etat ainsi que de l'Etat lui-même.125 SECTION 2. LE PRINCIPE DE LA LÉGALITÉ DES INCRIMINATIONS, PEINES ET PROCÉDURE Dans la présente section, nous allons étudier tour à tour: l'énoncé du principe de la légalité criminelle (paragraphe 1er) ; la justification du principe (paragraphe 2) ; et, le contenu du principe (paragraphe 3). §1er. Enoncé du principe Dans le droit pénal moderne, il n'y a pas d'infraction ni de peine sans un texte légal : Nullum crimen, nulla poena sine lege. C'est le principe de la légalité des délits et des peines.126 En effet, le principe de la légalité criminelle est sans doute le principe le plus important de droit pénal, car celle-ci est la règle cardinale, la clé devoute du droit criminel.127 Il s'en suit que « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment ou elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment ou l'acte délictueux a été commis ».128 Il ressort de cette disposition légale que, seuls peuvent faire l'objet d'une condamnation pénale, les faits déjà définis et sanctionnés par le législateur au moment où l'accusé a commis son acte, et seules 125 Raymond De Bouillon MANASI NKUSU KALEBA (et Al), Cybercriminalité, mode de formation, op.cit, pp. 7 ; 126 Bernard BOULOC, Droit pénal général, 25ème édition, Dalloz, Paris, 2017, p. 101 ; 127 Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, Traité de droit pénal général congolais, 2ème édition, éd. Universitaires africaines, Coll. D.E.S., KINSHASA, 2007, p.50 ; 128 Article 11 de la D.U.D.H. du 10 décembre 1948, voire aussi : l'article 15 point 1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 7 point 1 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et les alinéas 3, 4 et 5 de l'article 17 de la constitution du 18 Février 2006 telle que révisée en 2011 ; peuvent leur être appliquées, les peines édictées déjà à ce moment par le législateur. D'où la maxime : Nullum crimen, nulla poena, sine lege. La doctrine relève toutefois que le principe légaliste ne se limite pas au droit pénal de fond mais, concerne aussi la procédure.129 A ce sujet, nous nous alignons derrière Michèle Laure Rassat, lorsqu'avec raison, elle va plus loin pour considérer que « ce principe concerne les incriminations, les peines, la procédure et les conditions d'exécution des peines et mesures de sureté. Bref, le principe concernerait l'ensemble de la répression.130 En ce qui concerne la légalité de la procédure, le prescrit de l'article 17 alinéa 2 de la constitution du 18 Févier 2006 telle que révisée en 2011 est clair :« Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu'en vertu de la loi et dans les formes qu'elle prescrit ». Au regard de la doctrine soulevée et du droit positif congolais, nous pouvons considérer avec Raphael Nyabirungu Mwene Nsonga que, la légalité concerne les incriminations, les sanctions et la procédure répressive. En conséquence, la formule ci-dessus reprise est insuffisante, et devrait être complétée pour donner ce qui suit: Nullum crimen, nulla poena, nullum judicium sine lege.131 §2. Justification de principe Le principe de la légalité des incriminations, peines et procédure se justifie en ce qu'il constitue : une limitation au droit de punir, un rempart contre l'arbitraire du juge et une exigence d'une meilleure politique criminelle. 2.1. Limitation de droit de punir La société ne peut punir sans borne ou sans mesure. Il importe que la collectivité n'abuse pas de prérogative qu'elle possède sur les êtres 129 Jean PRADEL, cité par Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, Op. cit. p.52 ; 130 Michèle Laure RASSAT, cité par Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, Idem; 131 Montesquieu, Esprit des lois, Livre XI, chapitre VI, 1746 ; César BECCARIA BONESANA, Traité des delits et des peines, chapitre III, 1764, qui la composent: son pouvoir de maintenir l'ordre doit être contenu dans certaines limites, qui garantissent la liberté et l'indépendance de chacun. 132 Cette opposition d'intérêt du pouvoir et des individus ne trouve pas sa solution que dans la loi : seule celle-ci écarte les inégalités et l'arbitraire. 2.2. Rempart contre l'arbitraire du juge Il ne convient pas que le juge soit seul à décider de la punissabilité des faits. Une loi écrite met les citoyens à l'abris de deux dangers: > Le juge, loin de faire prédominer les exigences de justice et de vérité, risque de soumettre sa démarche à son émotion, à son tempérament, à ses intérêts de classe, voire à son zèle. Aucun juge, sur le moment, évitera de se laisser fléchir par des sentiments de sympathie, d'amour et de haine pour l'une ou l'autre des parties. Et son jugement sera faussé. > L'incertitude quant à la façon dont le juge dira en définitive le droit, est de nature à créer l'insécurité juridique au sein de la population. 133 2.3. Exigence d'une meilleure politique criminelle Il est de meilleure politique criminelle que la loi avertisse avant de frapper134, afin que dans son comportement l'agent sache à quoi s'en tenir. Cette désignation des actes incriminés est nécessaire.135 Par cet avertissement à l'avance, la loi pénale exerce une influence sur la 132 Valerie MALABAT, Faut-il repenser le principe de la légalité ? in RSC, 1999, n°921, cité par Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, Ibidem, 2007, p.52. 133 M. VILLEY, Philosophie du droit, II, Les moyens du droit, 2e édition, Dalloz, Paris,1979, p. 224, cité par Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, op.cit.,p. 52 ; 134 C'est l'équivalent de la maxime latine: moneat lex priusquam feriat ; 135 Chris HENNAU et J. VERHEAGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 2e édition, 1995, cité par Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, idem. psychologie de l'agent qu'elle informe de l'interdit et de la menace qui pèsent sur lui en cas de transgression. Elle joue un rôle à la fois éducatif et préventif. Lequel sera d'autant mieux d'assurer que, dans l'intérêt de la norme et de la valeur protégée, du justiciable et du juge, la loi aura été claire, précise et sans ambigüité. Le juge, loin de faire prédominer les exigences de justice et de vérité, risque de soumettre sa démarche à son émotion, à son tempérament, à ses intérêts de classe, voire à son zèle. Aucun juge, sur le moment, évitera de se laisser fléchir par des sentiments de sympathie, d'amour et de haine pour l'une ou l'autre des parties. Et son jugement sera faussé. L'incertitude quant à la façon dont le juge dira en définitive le droit, est de nature à créer l'insécurité juridique au sein de la population. §3. Le contenu du principe Nous allons dans ce troisième paragraphe de cette section, étudier le contenu du principe légaliste à trois niveaux: au niveau des incriminations, au niveau des peines et à celui de la procédure. 3.1. La légalité des infractions Les incriminations ne sont établies que par la loi. Seuls tombent sous la loi, les faits qui, au moment de leur perpétration, sont déjà définis comme constituant une infraction par le législateur. Nous nous accordons à ce sujet avec Michèle Laure Rassat lorsqu'elle considère avec raison que, « le principe de la textualité (légalité) peut être subdivisé en deux propositions, à savoir: 1. Nul ne peut être poursuivi qu'en vertu d'une règle de droit pénal préexistant à son action; 136 Michèle Laure. RASSAT, cité par Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, op.cit., 2007, p. 53 ; 2. Cette règle préalable doit être une loi au sens formel, c'est-à-dire un acte émanant du législateur, la seule autorité nationale sensée exprimer la volonté nationale.136 Ce principe de l'antériorité obligatoire des définitions des infractions est une garantie de la liberté et de la sécurité juridique, car on peut valablement supposer que, dans ce cas, ces définitions ont été élaborées sans parti pris, dans l'ignorance des personnes qui tomberont éventuellement sous leur application. La légalité des incriminations ainsi comprise a des conséquences aussi bien pour le législateur que pour le juge.
Le juge ne peut considérer comme infraction, un fait que la loi ne définit comme telle, quelle que soit par ailleurs son appréciation personnelle sur la valeur morale de l'acte. Nous épousons la position de Raphael Nyabirungu Mwene Nsonga lorsqu'il écrit qu'en l'absence de texte, le suicide, la prostitution ou le mensonge ne sont pas des infractions quel que soit le dégoût qu'ils peuvent inspirer. 3.2. La légalité des peines En effet, il ne peut être infligé de peine plus forte que celle applicable au moment où l'infraction est commise. Cette légalité de peine produit à son tour des conséquences tant pour le juge que pour le législateur. Il y a lieu pour nous de soulever avec César Beccaria que la légalité des délits et celle des peines en commun produisent cette conséquence: « les lois seules peuvent fixer les peines de chaque délit, et que le droit de faire des lois pénales ne peut résider que dans la personne du législateur, qui représente toute la société ».137 3.2.1. Au niveau du législateur Seul le législateur peut déterminer la nature et le taux de la peine, seules peuvent être appliquées des peines et des mesures déjà édictées par le législateur au moment où l'accusé commet son acte. 3.2.2. Au niveau du Juge Le juge ne peut prononcer des peines que si le texte n'en prévoit pas. Il ne lui appartient pas, en raisonnant par voie d'analogie, de suppléer au silence de la loi et de prononcer des peines en dehors des cas limitativement prévus par le législateur. Il ne peut prononcer des peines par induction ou présomption ni même sur des motifs d'intérêt général ; il n'a d'attribution que pour appliquer les condamnations déterminées par la loi.138 Il ne peut prononcer une peine supérieure au maximum ni inférieure au minimum, sauf en cas des circonstances aggravantes, des circonstances atténuantes ou des excuses légales. Il ne peut refuser de prononcer la peine prévue par la loi, sauf évidemment s'il y a cause d'exonération. 3.4. La légalité de la procédure La légalité de la procédure ressort de l'alinéa 2 de l'article 17 de la Constitution du 18 Février 2006, telle que révisée par la Loi n°11/002 du 20 Janvier 2011 portant révision de certains articles de la constitution de la RDC qui dispose: « Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu'en vertu de la loi et dans les formes qu'elle prescrit ». Il revient au législateur de déterminer les organes et les formes du procès. C'est ce qu'écrit César Beccaria dans son traité des délits et 137 Cesar BECCARIA BONESANA, Traité des délits et des peines, §III. Conséquences de ce principe, 1764, traduit de l'Italien par Collin de plancy, 2002, éditions du Boucher, 16, rue Rochebrune, version électronique 138 Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, op.cit., 2007, p. 58 ; des peines: « Il n'appartient qu'aux lois de fixer l'espace de temps que l'on doit employer à la recherche de preuves du délit, et celui qu'on doit accorder à l'accusé pour sa défense. Si le juge avait ce droit, il ferait les fonctions du législateur ».139 En droit Congolais, cette obligation a été notamment réalisée par la promulgation de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire d'une part et le code de procédure pénale d'autre part. En effet, il n'y a pas de juge ou de juridiction sans loi.140 L'absence de celle-ci conduirait aux tribunaux populaires ou aux actes de vandalisme et de lynchage dans nos villages, nos cités et nos rues. Il est du droit de chaque citoyen de connaître à l'avance quels sont ses juges naturels et quelles formes ceux-ci utiliseront en cas de violation supposée de la loi pénale.141 |
|