![]() |
Répression de la cybercriminalité à l'ère du code congolais du numérique: étude comparative entre les droits français et congolaispar Henri Thomas Lupantshia Kangomba Université officielle de Mbujimayi - Licence/Master en Droit 2024 |
SECTION 3. L'APPLICATION DE LA LOI PÉNALEDans cette dernière section de ce chapitre, nous allons aborder tour à tour l'application de la loi pénale dans le temps (paragraphe 1er) et l'application de la loi pénale dans l'espace (paragraphe 2). §1er. L'application de la loi pénale dans le temps La question de l'application de la loi pénale dans le temps se présente en cas de conflits de lois. La situation est celle d'une infraction qui a été commise sous l'empire d'une disposition pénale et qui n'a pas été jugée définitivement lorsqu'un nouveau texte intervient, lequel modifie le régime de l'infraction, de la peine ou de la procédure en cours. Cette situation est de plus en plus fréquente en raison de la frénésie législative et réglementaire contemporaine.142 139 César BECCARIA BONESANA, op.cit., §XIII. De la durée de la procédure et de la prescription; 140 C'est ce qui équivaut à la maxime latine: nemo judex sine lege; 141 Raphael NYABIRUNGU MWENE NSONGA, op.cit., p. 59. 142 Xavier PIN, Droit pénal général, 10e édition, Dalloz, Paris, 2018, p. 102 ; Tel est le cas si la nouvelle loi supprime, abroge ou modifie une loi ancienne, elle crée une nouvelle infraction et supprime celle qui existe déjà ou encore elle crée ou modifie les peines. Le principe est que nul ne peut être poursuivi pour une action qui ne constituait pas une infraction au moment où elle était commise. Dans le même sens, on peut aussi ajouter qu'une infraction ne peut être punie des peines qui n'étaient pas prévue par la loi au moment de sa commission, Cela dit, il faut distinguer dans l'exécution de la loi pénale, les lois de fond et les lois relatives à la procédure. 1.1. L'application dans le temps des lois de fond Par loi de fond, on entend tout acte juridique qui qualifie les faits ou détermine les peines y découlant, le principe applicable est celui de la non rétroactivité de la loi pénale. En effet, la loi pénale, ne rétroagit pas, elle dispose pour l'avenir, sauf si elle est plus douce. Pour mieux appliquer ce principe, il faut comparer la loi applicable. On se refera à la hiérarchisation suivante :
De son côté, Victor Kalombo Mbanga wa Manshimba soutient qu'il existe deux grands systèmes de l'empire de la loi pénale dans 144 Charles KAZADI BENGANKUNA KANYINDA, Les fondamentaux du Droit pénal général Congolais, 1ère édition, Éditions universitaires européennes, Paris, 2020, p. 119 ; 145 Raphaël NYABIRUNGU MWENE SONGA, op. cit., p. 110 ; l'espace, systèmes auxquels s'ajoutent les autres systèmes qui eux sont mixtes. Il s'agit de(s) : > Système de la territorialité; > Système de l'universalité ; et > Systèmes mixtes (système de la personnalité active et système de la personnalité passive).146 La loi applicable sera déterminée en fonction soit du lieu le crime a été commis, de la nationalité de la victime ou encore du lieu ou le criminel est appréhendé. A. La territorialité de la loi pénaleD'après ce système, la loi pénale s'applique à tous les individus qui ont commis une infraction sur le territoire d'un Etat donné indépendamment de la nationalité du criminel ou de la victime.147 Plusieurs raisons militent en faveur de ce système, notamment la bonne administration de la justice, car le juge local connaît mieux sa loi nationale et peut bien l'appliquer. L'intérêt social recommande que l'infraction soit jugée le plus près possible du lieu où elle a été commise afin que la paix sociale troublée soit rétablie. On peut aussi ajouter le respect de la légalité car le délinquant devrait connaître la loi pénale qu'il a violée. Enfin, il permet à l'Etat d'exercer pleinement sa souveraineté. Au-delà de ces arguments le système de la territorialité prête le flanc à la critique dans la mesure où il peut favoriser l'impunité du délinquant. 146 Victor KALOMBO MBANGA WA MANSHIMBA, cours de Droit pénal général, cité par Charles KAZADI BENGANKUNA KANYINDA, Les fondamentaux, 1ère édition, op. cit., pp. 121-122 ; 147 Idem, p. 123 ; On l'appelle système de la territorialité à l'intérieur mais système de la personnalité active ou passive, selon le cas, à l'étranger. Enfin, lorsque le territoire sur lequel l'infraction a été commise n'est pas connu ou ne relève d'aucune souveraineté, aucun Etat ne serait habileté d'engager les poursuites.
On appelle mixte, tout système qui mélange le système de la territorialité ou celui de l'universalité avec un autre système de l'empire de la loi pénale dans l'espace. Au point de départ, on a ou bien le système de la territorialité ou bien le système de l'universalité, mais l'un étant tempéré par les éléments de l'autre. Ainsi, les Etats qui adoptent le système de la territorialité peuvent néanmoins prévoir une extension de la compétence de leurs lois pénales nationales lorsque leurs intérêts vitaux sont mis en cause par des infractions commises à l'étranger ou bien lorsque leurs nationaux sont victimes des infractions commises à l'étranger. En effet, un Etat quel qu'il soit ne peut pas ignorer ce qui se fait à l'étranger et à ce propos, un Etat peut dire que sa loi nationale s'applique sur son territoire et que celle- ci s'appliquera également à ses nationaux qui se trouveront à l'étranger (système mixte de la personnalité active).148 L'Etat peut également dire qu'il appliquerait sa loi pénale nationale et va également régir tout celui qui porte atteinte à ses nationaux (système mixte de la personnalité passive).149 On peut aussi avoir un système de l'universalité comme point de départ mais avec limitation des infractions en ce sens que l'Etat applique l'universalité pour les infractions d'une certaine gravité, et il garde le système de la territorialité pour les infractions moins graves. C'est le cas du système congolais de l'empire ou l'application de la loi pénale dans l'espace. En substance, on note que dans le système de la personnalité active, la loi pénale s'applique aux infractions que commettent, en quelque lieu que ce soit, les nationaux de l'Etat déterminé. Le délinquant est jugé d'après sa loi pénale d'origine et ne relève que des Tribunaux de son pays150. Ce système a été justifié par l'idée que la loi pénale nationale est la mieux adaptée à la personne du délinquant et que le juge pénal national sera plus juste qu'un juge étranger. 2.2. Les systèmes applicables en Droits Français et Congolais 2.2.1. En Droit Français La particularité du droit interne français est qu'il combine tous les systèmes avec cependant une préférence pour la territorialité. 148 Charles KAZADI BENGANKUNA KANYINDA, Les fondamentaux, 1ère édition, op. cit., p.129 ; 149 Idem, p. 130 ; 150 Raphaël NYABIRUNGU MWENE SONGA, op. cit., p. 112.
L'infraction étant commise à l'étranger, le principe de territorialité est abandonné. La nécessité de réprimer efficacement la criminalité internationale et celle de protéger les intérêts de la France au-delà de ses frontières ont conduit à reconnaitre la compétence de la loi française pour un nombre toujours plus grand d'infractions commises à l'étranger. Cette compétence est prévue par les articles 113-6 à 113-12, soit en raison de la nationalité française de l'auteur ou de la victime. 151 Bienvenu WANE BAMEME, cours de droit pénal international, 1ère licence Droit, université de Mbandaka, 2012-2013, p. 45, inédit; 152 François DURIEUX, Droit pénal général Français, p. 35, disponible sur http://www.cafecours.fr , consulté le 10 octobre 2024 ; B.1. L'application de la loi française en raison de la nationalité française de l'auteur ou de la victime En tout état de cause, c'est le principe de la personnalité de la loi pénale qui va être mis en oeuvre selon lequel la loi pénale ne s'applique qu'à l'égard de ses nationaux qu'ils soient d'une infraction (personnalité active) ou qu'ils en soient les victimes (personnalité passive) et les atteintes à des intérêts supérieurs français. C. La compétence universelle des juridictions française par l'effet des conventions internationales La compétence universelle ne peut résulter que d'une convention internationale et ne vaut que pour les infractions désignées par celle-ci. La règle non bis in idem, s'applique en cas de compétence universelle : les poursuites devant les juridictions françaises sont exclues lorsque l'intéressé a déjà été jugé pour les mêmes faits.153 En effet, « aucune plainte ou dénonciation préalable n'est ici nécessaire. Les cas de compétence universelle tendent à se multiplier. Les principaux d'entre eux figurent aux articles 689-2 à 689-9 du code de procédure pénale: acte de torture (convention de New York, 1984), terrorisme (convention de Strasbourg, 1977 ; convention de New York, 1998 & 2000), etc..154 2.2.2. En Droit Congolais |
|