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Contribution à  la stratégie de relance de la filière café robusta dans la province de la Tshopo: cas des territoires de Bafwasende et Ubundu


par Jonathan BACHISEZE MAGALA
Institut Facultaire des Sciences Agronomiques de Yangambi - Ingénieur Agronome, Orientation Economie Agricole 2022
  

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CHAPITRE IV. DISCUSSION DES RESULTATS

4.1. Analyse fonctionnelle de la filière a. La filière café robusta est abandonnée

Dans la Tshopo, notamment dans les territoires de Bafwasende et Ubundu, y compris la ville de Kisangani, nos résultats ont révélé l'absence d'organisation de la filière café de l'amont en aval et l'inexistence d'appui privé ou public. Les vestiges des plantations sont encore visibles et la nature y reprend progressivement ses droits, soit elles sont reconverties en champs des produits vivriers. Des villages jusqu'à la grande ville de Kisangani, ce sont des techniques rudimentaires qui sont d'application. Ces techniques réduisent la qualité du café vendu aux et ramènent à nulle sa compétitivité à l'échelle nationale, régionale ou internationale.

Les tentatives d'organisation de la filière par la création de l'Association des Vendeurs de Café de la Tshopo ont été entreprises, malheureusement dissoutes sans atteindre le but. Ainsi, les acteurs vivent dans de petits groupes battus sur les relations d'appartenance, d'ancienneté et/ou de confiance. Mais dans la globalité, tout acteur vit dans le chacun pour soi. Ces éléments confirment notre première hypothèse qui postulait que la filière café est dans un état d'abandon. Les productions sont faibles, les techniques utilisées sont rudimentaires, les acteurs ne sont pas organisés et ne bénéficient d'aucun soutien public ou privé.

Ces résultats corroborent avec ceux trouvés dans la Province du Kongo Centrale (Manfroy, 2021). En effet, cette étudiante de Gembloux avait abordé la chaine de valeur café autour de la réserve de Biosphère de la Luki dans les perspectives de la relance ; elle constata qu'il n'existe quasiment aucune coordination entre les acteurs, que ce soit de façon verticale ou horizontale, tout acteur se débrouille comme il peut.

Les résultats du Ministère de l'agriculture (2011), élucident que la désorganisation de la filière café est un cas généralisé sur le territoire national. C'était à la suite des diagnostics participatifs de la filière café dans toutes les provinces productrices que cette triste réalité fut dégagée. Cette désorganisation, est-elle spécifique à la filière café ou généralisée aux cultures pérennes ? Les résultats de De Roover (2022) et Ibadan (2021) donnent des précisions.

De Roover (2022) avait, grâce à la méthode Value Chain Analysis for development, abordé la chaine de valeur hévéa, dans la Province de Sankuru, en vue de la relance. Les conclusions sont les mêmes, la filière est délaissée, les productions sont faibles et les acteurs vivent l'autarcie.

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L'étude de Ibandan (2021) conclut le débat. Ce chercheur a analysé la place des cultures pérennes dans l'agriculture. Cas spécifique du Kwango, généralisé pour la RDC. Les mêmes observations refont surface ; une désorganisation des filières des cultures pérennes accompagnées d'une perte de bien-être : les cultures pérennes, qui faisaient la fortune des villageois, des enseignants et des fonctionnaires, ne représentent plus grand-chose. Les plantations qui permettaient d'assurer une bonne éducation à la progéniture et à la relève de l'économie sont actuellement enherbées.

b. Les causes intrinsèques et extrinsèques de l'arriération de la caféiculture

L'état actuel de la filière café est la résultante de diverses causes. Certaines d'ordre interne et d'autres d'ordre généralisé. Nombreux auteurs, cas de Lebailly et al., (2014) corroborent que la désorganisation du secteur agricole, et par conséquent des filières des cultures pérennes, a commencé avec la politique de Zaïrianisation de 1973. En effet, le départ des colons et d'autres investisseurs poids lourds a réduit les débouchés de ces cultures. La mise en place du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) vers les années 1983, l'effondrement des cours mondiaux vers 1996, la guerre de délibération de1996-2001 ont rendu agonisantes les chaines de valeurs agricoles en RDC (O.I.C, 2004 ; Rubabura et al.,2009 ; ITC,2011)

Dans la Tshopo, ces éléments ont précipité le départ de grandes entreprises du café de l'époque. Les principales entreprises qui ont fermé les portes sont : Borremans, NAHV, Doraes J. à Kisangani, Marques M. à Ubundu, anciennement appelé Ponthierville, Smet & frères à Bafwasende, Monteiro and Lookens à Malili, (Anon, 1943). Finalement, l'épidémie de la tracheomychose a forcé les agriculteurs à abandonner ou à reconvertir leurs champs de café en autres cultures (Ministère de l'agriculture, 2011).

A Kisangani, La transformation du café est une activité qui procure des retours financiers significatifs, mais n'attire les jeunes à cause des conditions qu'elle exige. Passez une journée manipulant le feu, inhalant des quantités de fumées et déployant assez d'énergie physique, ça semble être trop dispendieux que l'argent que procure cette activité, disait un torréfacteur. Pour rester performant, faut manger de la nourriture à soupe, mais tôt au tard, nous sommes victimes des maladies de coeur, ajoutait ledit torréfacteur.

Les commerçants, sont les plus rusés de la filière. L'application de la chimie comme technique de maximisation des profits constitue un danger énorme qui rend hypothétique l'avenir de cette filière. Tromper la vigilance du consommateur, en lui vendant des impuretés sous prétexte du

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café, c'est gagner à l'immédiat mais perdre dans le court, moyen et long terme. Précipiter la perte de confiance des consommateurs, c'est précipiter la chute de la filière.

Dans les territoires de Ubundu et de Bafwasende, un autre frein à la production de café est d'ordre anthropologique. De par leur culture, les populations de ces deux territoires sont habituées à l'argent facile issu de la pêche et de l'exploitation minière. A cet aspect, s'ajoute la pro pauvreté, mentale et matérielle, de ces populations rurales. Il en résulte que demander à un rural de ces deux territoires d'investir aujourd'hui pour récolter après 5 ans, c'est comme trop demander. La préférence pour le présent a atteint son paroxysme de sorte que l'adage « Manger, buvez car demain nous mourrons » est devenu célèbre leitmotiv pour toutes les tranches d'âges.

c. La filière nécessite une relance urgente et stratégique

Au regard du potentiel agroécologique du pays, la nécessité d'un développement vivable, viable et équitable, plusieurs auteurs réclament avec insistance la relance urgente de la filière café (Dubé, 2012 ; Lebailly et al.,2014 ; Ibandan, 2021 ; Manfroy,2021). Le gouvernement a aussi marqué son implication par l'élaboration d'un plan stratégique de relance depuis 2011. La mise en oeuvre reste hypothétique comme bien des projets du gouvernement congolais.

Les investisseurs privés devraient s'impliquer et les acteurs se structurer. Dans les territoires de Bafwasende et Ubundu, des incitants économiques sont visibles, mais les incitants organisationnels et institutionnels sont absents. La relance doit relever ces défis sans oublier d'intégrer les questions culturelles comme évoquées ci-haut. Les avantages de la culture de café devraient être clairement démontrés, tout d'abord aux leaders d'opinion de ces zones.

4.2. Analyse financière de la filière

a. L'impact financier de la filière est positif sur tous les agents de la filière

L'élaboration des CPE des acteurs de la filière café a montré la viabilité financière de la filière sur tous les acteurs. Ces retours financiers contribuent à l'amélioration des conditions socio-économiques. L'élaboration du compte consolidé de la filière a dégagé une valeur ajoutée annuelle de 271 050 $, distribuée entre producteurs, torréfacteurs, mouleurs, grossistes et revendeurs. Les commerçants dégagent 87% (notamment 66% par les grossistes et 21% par les revendeurs) de cette valeur ajoutée, suivie des transformateurs, 11 % (5% pour les transformateurs et 6% pour les mouleurs) et finalement les producteurs, 2%. Ces éléments confirment notre deuxième hypothèse qui postulait que l'impact financier de la filière est positif sur les parties prenantes.

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Manfroy (2021) est arrivé aux résultats qu'on peut comparer aux nôtres. Elle a aussi démontré que la filière café est rentable pour tous les acteurs de la filière. La valeur ajoutée totale dégagée par la filière de 156 721, 65 $. Cette valeur ajoutée est repartie entre producteur (30%), commerçants (34%), les transformateurs (33%) et le 3% restant est à l'Etat.

A Ubundu et Bafwasende, les faibles productivités et faibles investissements des producteurs expliquent cette faible valeur ajoutée. L'autre explication est la vente des produits au bord des champs à des faibles prix. La grande valeur ajoutée des grossistes s'explique par leurs faibles prix d'achats auprès des producteurs et d'une marge brute de 1000 FC par Kilo à la vente. Ensuite, les grossistes de Kisangani ont plusieurs sources d'approvisionnement et ont monté plusieurs stratégies pour maximiser les bénéfices (achats groupés, stockage des produits en attente de la période de crise, la chimie, ...).

A ce niveau, la légère différence avec les résultats de Manfroy (2021) s'explique. Dans sa zone d'étude, le Kongo central, la production locale suffit pour alimenter la consommation intérieure, avec un surplus exporté.

b. Et si nous comparons sa rentabilité à celle des autres filières ?

Le tableau 15 ci-dessous confronte nos résultats de la rentabilité financière de la filière café à ceux de la Fondation Konrad Adenauer (2017) sur les filières pêche et Riz dans la province de la Tshopo. Nous présentons les valeurs du RNE suivies en parenthèses de celles des tests de rentabilité exprimées en pourcentage. La surface moyenne d'un exploitant de riz est de 1 ha et pour le café 0,5 ha. Le RNE des producteurs de café ci-dessous est d'une récolte l'année alors que celui des producteurs de riz est de deux fois. Les RNE des pêcheurs et pour les autres acteurs de café et riz sont mensuels. Les valeurs de transformateurs sont les moyennes de mouleurs et torréfacteurs.

Tableau 15 : Comparaison des RNE des acteurs filières café, Riz et Pêche

Acteurs

Résultat Net d'exploitation en FC

 
 

RIZ

CAFE

Pêche

Producteur

166 000(124)

1007000(354)

199291 (132)

Transformateur

858500 FC (258)

1077458,33(164,8)

-

Grossiste

1610000 (126)

3721872,67 (120)

682000 (174)

Détaillant dans le marché de

376300 (121)

227773,14 (128)

603200 (122)

Kisangani

 
 
 

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Les charges requises pour chaque activité, la vitesse d'écoulement des produits, le temps nécessaire à la réalisation de l'activité et les possibilités de conservation sont des éléments clés pour nuancer les rentabilités de ces filières.

Comparant les tests de rentabilité à la hauteur de bénéfice, nous remarquons que le commerce de café est rentable, mais exige des grands investissements. Une grande vitesse d'écoulement produit d'effet cumulé sur le bénéfice mais nécessite des investissements ou réinvestissements importants. Par contre, une faible vitesse d'écoulement, peut procurer des retours d'investissements importants si le bénéfice unitaire est significatif. La pêche est aussi heurtée au défi de la conservation surtout dans un milieu comme Kisangani où l'électricité est un réel défi. Cette incertitude explique la réticence des grossistes de cette filière face à des forts investissements. Pour les filières considérées, c'est le maillon de transformation qui est apparemment le plus rémunérateur. Pour un investissement de 1$, un rizier gagne 1,58 et un torréfacteur 0,63. Ceci s'explique principalement par la réduction de temps de l'activité, des consommations intermédiaires. Et à ce niveau, il y a aussi beaucoup d'externalités non externalisées (bruit sonore pour le riz, pollution et bruit sonore pour le café).

4.3. L'analyse par matrice AFOM

Il y a de bonnes perspectives de développement de la filière café robusta dans la zone d'étude

L'environnent n'est pas un ensemble de silos fermés, mais une toile tissée où tout est lié. L'interconnexion des activités économiques explique la nécessité de confronter notre matrice AFOM à celles des autres.

Dans le plan stratégique de relance de la filière café (Ministère de l'agriculture, 2011), une matrice AFOM y est présentée, mais celle-ci présente un caractère national. De sa part, Manfroy (2021) a présenté une matrice dans les conditions de la Province de Kongo-Central, notamment dans et autour de la réserve de la Luki.

Pour notre filière, la somme atouts-opportunités absorbe celle de faiblesses-menaces. En effet les vastes superficies de Bafwasente et de Ubundu, situées dans la zone intertropicale, (Omasombo et al., 2017) confèrent à ces deux territoires des avantages comparatifs pour accroitre la production du café. Ce sont ces éléments qui donnent l'avantage au Brésil, le premier producteur mondial du café (Basic, 2018). Les opportunités laissent entrevoir une lumière au bout du tunnel, et rassurent tous les acteurs de cette filière. L'accroissement de la demande et éventuellement des prix (Tegera et al., 2014) l'engagement du secteur public et privé dans la relance ne cessent de nourrir d'espoir. Les menaces et les faiblesses, étant d'ores

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et déjà identifiées, deviennent surmontables si des mesures de capitalisation des atouts et opportunités sont mises en oeuvre. Ces éléments confirment notre troisième hypothèse qui postulait qu'il y a de bonnes perspectives de développement de la filière café dans les territoires sous examen.

4.4. Formulation des axes stratégiques

Les actions qui s'exigent sont d'ordres technico-organisationnels et institutionnels en
concert avec les ODD

Les actions stratégiques formulées à l'issu du couplage de la matrice AFOM restent valides pour nombreuses filières agricoles. Lebailly et al., (2014) ; Ibandan (2021) adhèrent au couplage de notre matrice AFOM qui définit trois principaux défis à relever pour une relance durable). Relever ces défis c'est mener des actions sur le plan technique par investissement dans les outils récents et dans le capital humain, c'est structurer les acteurs de la filière et appuyer les institutions publiques dans l'exercice de leurs fonctions. De toutes les actions à mener, la dimension anthropologique reste un facteur prégnant pour la réussite de la relance. Il faudrait semer et entretenir dans l'homme de Bafwasende et Ubundu le goût de l'agriculture. Ces éléments confirment partiellement notre quatrième hypothèse qui postulait que les actions stratégiques pour relancer et assurer la durabilité de la filière café sont d'ordres technico-financiers, organisationnels et institutionnels en concert avec les ODD. En effet, l'aspect anthropologique n'était pas postulé.

La mise en application devrait être intelligente pour ne pas aboutir aux résultats décevants. Les responsabilités sont partagées entre parties prenantes

Les éléments évoqués dans ce chapitre prouvent que dans les territoires de Bafwasende et Ubundu il y a des incitants économiques mais non organisationnels. L'hypothèse générale de l'étude est confirmée.

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