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Journalisme et fabrique sociolinguistiquepar Gradi WILINA NSIMITi Université Catholique du Congo - Master en Journalisme, Information et Communication 2023 |
I.1.3. Les éléments de langageI.1.3.1. Qu'est-ce un élément de langage ?Ce que nous désignons par éléments de langage ne dispose pas d'une charte définitionnelle comme telle. Ce faisant, l'emploi de ce concept, abrégé par EDL, désigne une large gamme de pratiques langagières propres à la communication politique et aux spécialistes du discours politique. Tentons de définir les éléments de langage comme un ensemble de formules langagières employées dans le but de rendre le discours politique attrayant et symbolique. Les éléments de langages sont en réalité `' les résultats du maniement des signes et des discours et de l'ingénierie symbolique''. 37(*) Ce résultat s'obtient grâce à une chaîne d'acteurs légitimes dans la filière politique. Qu'il s'agisse des acteurs directs de la communication politique ; les acteurs politiques ou des acteurs indirects qui détiennent la légitimité de communication autour de la chose publique. Ici nous retrouvons des auxiliaires de la communication de la communication politique ; les journalistes, les attachés de presse, etc. Les éléments de langage sont utilisés pour créer du sens, sinon apporter plus de sens dans le discours politique par effet de captation. La visée psychosociale de ces pratiques langagières permet de conditionner la réception du discours qui est livré. Cette façon de faire s'élabore au niveau des écrivants dans les lieux politiques. Ils s'investissent ainsi toute la symbolique et tout le sens dans ces formules pour recadrer et concentrer l'attention autour de celles-ci . Il sied de noter que l'ambition du conditionnement de la réception d'une formule langagière n'est pas spécifique au travail des journalistes. En effet, les écrivants qui sont les acteurs dont le rôle est de concevoir un discours politique se fondent sur ce stratagème dans l'objectif d'orienter les journalistes vers ce qui doit attirer le public. Tout en pariant sur le sens maker du journalisme38(*). I.1.3.2. Catégorie des EDLIl est question d'élargir la compréhension du terme « éléments de langage » en creusant son contenu, c'est-à-dire ce que nous pouvons retrouver dans cet ensemble et comment l'identifier dans un acte de communication ou encore dans un discours politique. Soulignons tout d'abord qu'éléments de langages est essentiellement linguistique et langagière. En ce sens où, la distinction a lieu au niveau de leur apparence. Ce n'est pas un simple ensemble de signes linguistiques aussi complexes soient-ils, car on y retrouve également la position, la posture, les gestes qui accompagnent la construction symbolique du sens. Dans un temps de discours politique, l'énonciateur de ce discours utilise tout un langage qui appuie le sens de ce qu'il dit. C'est ainsi que nous aurons une catégorie d'éléments de langage plus simple et une plus complexe. Ces catégories sont en réalité de types d'énoncés diversifiés créés dans une ligne d'objectifs. Ces énoncés ont pour mission de créer et recréer leur existence dans les pratiques et espaces discursifs du quotidien, en outre faire partie du lexique d'une société. - Les éléments de langage simples Par EDL simples nous comprenons une catégorie dont le contenu n'est pas complexe linguistiquement parlant. Ceci concerne les petites unités linguistiquement qui sont le paquet sémantique d'un énoncé. Ce sont donc : - Le mot ; choisi par l'énonciateur pour construire son énoncé. Par exemple, quand le bloc de position contre le pouvoir kabiliste ont utilisé le mot « glissement » ou « déboulonnage », dans toutes les sorties et tous les discours pour non seulement dénoncer le système en place, mais créer un refrain dans la société et obtenir un comportement commun. - Les groupes nominaux ; « l'Allemagne de l'Afrique », « carton jaune » c'est une formule choisie par l'énonciateur pour d'abord évoquer l'idée centrale de l'énonciation, et faire valoir la suite de son acte. - Les qualificatifs ; Dans les règles de la langue, l'emploi du qualificatif permet d'évaluer la qualité de quelque chose ou son état. L'objectif est identique, mais celui-ci dans une situation de discours politique ou de communication politique, apporte une visée de dramatisation au sujet qui est développé. Par exemple, « Médiocre » adjectif utilisé par le feu cardinal Laurent Monsengwo Pasinya pour désigner un gouvernant incompétent. Cette catégorie présente une liste de termes dont la structure est moins complexe, mais évoque une pertinence dans le discours de celui qui en est l'instigateur. - Les éléments de langage complexes Nul n'est besoin de rappeler la complexité de la structure linguistique. Ce sont donc des formules plus investies dont la visée suit celle de la première catégorie. Mais diffèrent au niveau de l'apparence de ces dernières. Ils sont caractérisés par une nature générique qui devient de normes du discours. Certains sont de création nouvelle, contextualisée pour appuyer une idée que l'on a ambition non seulement de faire connaître mais de faire valoir et de la faire accepter. Ce sont donc ; - Les « petites phrases » : un terme très usité chez Ollivier -Yaniv et Krieg Planque. Le premier le désignera comme un terme qui fait sens dans un contexte donné et pour une culture locale qui suit une situation socio-politique ou tout simplement politique39(*). Ce terme traduit alors les pensées de l'acteur ou les acteurs qui en sont les énonciateurs pour exprimer cette idée et le rendre accessible aux énonciataires qui l'utiliseront pour équivaloir à la même idée ou à une idée proche de l'expérience. C'est ainsi que Clifford Geertz les nomme « le concept proche de l'expérience ». c'est par exemple : «consulter la base ». - Les rites discursifs ou les formules rituelles discursives : c'est du moins la formule la plus populaire du langage politique. C'est généralement une phrase qui a pour mission première de traduire l'intention de l'énoncé, le ton et la mesure même de l'énoncé. On le retrouve généralement à la fin d'une énonciation, aussi pour rendre une image salvifique à l'énonciateur. Souvent investi dans les voeux et l'émoi. Exemple : « que Dieu bénisse la RDC », « Vive l'Etat droit, vive la République Démocratique du Congo ». Le succès d'un élément de langage consiste à sa permanence de ce dernier dans le langage de la société pour laquelle il est créé. Cela dit, la réception de ces formules langagières est une étape majeure et exigeante de la communication politique, en ce sens où elle requiert l'intervention de plusieurs acteurs. * 37 C., OLLIVER-YANNIV, « Les petites phrases » et « éléments de langage » . Des catégories en tension ou l'impossible contrôle de la parole par les spécialistes de la communication, in : Communication et Langages, n°168, 2011, pp 57. * 38 C, OLLIVER-YANIV, Op.cit. p59 * 39 C. OLLIVER-YANIV, Op.cit pp 60. |
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