IV.1.1.
Déroulement des entretiens
Nous avons mené des interviews auprès
de 5 journalistes congolais qui exercent dans la presse en ligne.
Essentiellement, nous avons pris d'une manière aléatoire, les
journalistes qui traitent des sujets de politique pour nous rapprocher de l'un
des domaines dont il est question dans ce travail. Les journalistes
interrogés ne sont pas nécessairement domiciliés aux deux
pure players, en raison de la conservation de l'objectif.
Les entretiens se sont déroulés
à Kinshasa, durant la deuxième moitié du Mai. Sous une
forme d'entretien semi-directif, nous avons échangé autour de la
pratique du journalisme, martelant sur l'information de fait politique. Les
entretiens ont duré dans l'ensemble à 7 heures 48 minutes.
IV.1.2.
Présentation de la grille d'analyse
Pour analyser les données
récoltées au cours de nos entretiens, nous procédons de la
manière suivante ;
- La Retranscription de
données
La retranscription de données est
l'étape de la présentation des résultats de la recherche
sur terrain. Ces résultats peuvent être bruts ou traités.
C'est une opération qui sert transcrire la totalité de
l'enregistrement de l'entretien, ou les capsules jugées significatives
au vu des objectifs de la recherche107(*). Nous employons le terme de retranscription, car
dans notre travail nous opérons une retranscription fidèle des
données recueillies. Sous forme de tableau. Cependant, les extraits
des répondants sont traités et mis en bloc. C'est-à-dire
que nous avons rassemblé les réponses de chaque sujet
interviewé pour en faire une réponse. Ceci fait, pour
éviter l'effet du `déjà-dit'. Ces réponses
collectives sont donc le matériau sur lequel se fonde notre analyse
thématique qualitative.
- L'analyse thématique qualitative
Il s'agit d'une technique qui permet de
présenter une forme de catégorisation en thèmes en vue de
placer et confronter les éléments de réponses dans
ceux-ci.
L'analyse thématique qualitative est une
technique de l'analyse de contenu que nous utilisons dans notre grille
d'analyse. Elle s'applique à un contenu de type verbal, dans notre cas
textualisé108(*).
Les thèmes d'analyse sont construits dès le moment de
l'élaboration du guide d'entretien. Pour notre cas, nous avons choisi
une démarche itérative. Les différents sont issus de
réponses obtenues auprès des interviewés pour ainsi les
élargir.
Il s'agit de faire la synthèse, de mettre
ensemble, les éléments de réponse, et de mettre dans un
thème qui facilitera l'interprétation en mettant en
lumière les divers propos de journalistes.
- L'opération
référentielle
Il s'agit en de termes simples à
l'interprétation de résultats de l'entretien et de leur
confrontation à l'hypothèse de recherche et à l'approche
théorique auxquelles ils se rapportent. Il sied également de
noter que ce point prend en charge son interprétation de façon
isolée. Une interprétation générale et les
confronter aux hypothèses balisera les deux résultats de la
recherche.
Mise en discours de l'information politique

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Interviewé(e)s
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Thèmes
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Questions
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Variables
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Tous
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Construction de l'information politique
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Pouvez-vous nous parler de la construction de l'information
politique?
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La construction de l'information politique respecte la norme
de la pratique journalistique et se démarque à certains niveaux.
Car le fait politique implique une démarche différente pour
atteindre l'objectif que poursuivent les journalistes.
Les faits politiques sont diversifiés, et les
construire est également scindé selon le genre journalistique,
objet de catégorisation de la production journalistique. S'agissant de
genres journalistiques ;
- Le compte rendu ; l'information politique est
construite dans un ordre de faits pertinents. L'immédiateté et
l'amplitude du fait. Et ceci constitue l'angle d'attaque.
- Le reportage : ici la construction de l'information
politique est fidèle aux normes du reportage, c'est-à-dire
recourir aux témoignages de ceux qui s'inscrivent dans
ce fait politique. C'est ainsi qu'ici la construction de l'information
politique se réalise à travers l'assemblage et le
traitement de discours rapportés (les témoignages, les
commentaires, etc.
- Le genre d'opinion ; si le fait politique doit
être analysé, commenté et ou s'il faut discuter sur les
implications de celui-ci, l'information politique est construite par un travail
de réactualisation, contextualisation et focalisation.
C'est-à-dire que le journaliste récupère, dans la plupart
de cas, un élément qui crée le fil d'actualité, le
contextualise et le confronte dans une logique qui se veut dans cette
situation.
Cependant, de façon générale,
l'information politique se construit suivant le principe de l'écriture
de l'information fondé sur les cinq questions de
référence Qui ? Quoi ? où ? Quand ?
Pourquoi ? et le comment ? (mettant l'accent sur le qui, le quoi, le
pourquoi et le comment).
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Étapes de la construction de l'information
politique
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Quelles en sont les étapes ?
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pour construire l'information politique, il
n'existe pas un protocole d'étapes, sinon quelques étapes
apparaissent comme un crédo, car dans le traitement d'une information
politique, le journaliste s'investigue à relever les équivoques,
à décoder une idéologie, à contredire une
fausseté, à apporter de la lumière sur la gestion de la
chose publique.
Dans cet ordre, il y a premièrement la quête de
l'information ou la collecte de l'information (soit par
descente sur le terrain, soit par un fait provoqué).
Deuxièmement, il y a la phase de traitement. Cependant,
les données traitées sont sélectionnées selon leur
pertinence. Il y a ensuite la mise en forme de l'information.
Certainement l'étape la plus minutieuse. Pour que le produit
informationnel possède la valeur recherchée, le journaliste use
de techniques d'écriture propre à la rédaction d'une
information politique, qui sont le titre interpellatif, accusatif ou
démonstratif, le corps de l'article qui explique le problème ou
l'événement, place les intrigues. Et une chute qui questionne.
Et enfin, la publication de l'article.
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Critères de sélection
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Quels en sont les critères de
sélection ?
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La sélection des faits s'effectue sur base des attentes
du lecteur. Sachant qu'à l'ère du numérique,
l'infobésité ne facilite pas la consommation d'une information,
d'où la sélection est minutieuse. Les critères qui
apparaissent sont de diverses natures ;
- L'amplitude du fait : ici, on prélève le
fait avec le plus d'intensité, et qui reflète les
réalités de la société. Aussi faudrait qu'ils
soient circonstanciels, garder un caractère de permanence, sinon
compétent de faire durer l'actualité et engendre d'autres angles
d'écriture.
- Pertinence du fait : le choix sur ce qui est pertinent.
La pertinence ici se traduit non seulement par la virtualité du fait d'
intéresser le public, mais aussi par la sélection de mots qui
influencent la société dans un terme précis, capable de
donner force à un programme ou à une rubrique.
- L'intérêt du public : ce critère
est le plus essentiel, car le devoir du journalisme est d'être au service
du public et de servir la démocratie.
Cependant, à côté de ces trois
critères quelques éléments qui influencent la
sélection sont illustrés. Il s'agit notamment de :
- Du respect de la ligne éditoriale qui est parfois
ambiguë, car elle n'est toujours pas liée à
l'identité du média, mais à l'identité de celui qui
fait vivre l'entité médiatique. Ceci donne lieu au
deuxième élément.
- L'élément financier : le choix du fait
à mettre en information dépend également de sa
capacité à générer des revenus additionnels, non
seulement basé sur la pertinence, mais sur la cohérence aux
attentes de l'idéologie en souche.
- L'actualité qui s'applique à toute forme de
journalisme.
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observation
|
Cette grille de réponse nous permet de comprendre la
fabrication d'une information politique sur un plan spécifique. Ceci
dit, une information politique entretient sa propre ligne de conduite. Il
garde tout de même de principes généraux à
l'écriture journalistique, néanmoins l'importance du domaine dans
lequel il émerge impose une autre façon de faire.
Avec une autre perception, nous comprenons que l'information
politique est à un niveau considérable, une marchandise dont sa
fabrication est purement pensée. Dans le cas du second critère de
sélection, plusieurs autres pratiques découlent de ces derniers.
Cette grille nous permet d'ouvrir les prochaines observations.
Elle était une porte d'entrée, en de termes humbles, ils
questionnent le comment avant de passer à l'implication du journaliste
lui-même.
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Tableau 2 : au sujet de l'usage des
éléments de langage de politique et de l'implication du
journaliste
Usage des EDL et implication du journaliste
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Interviewé(e)s
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Thèmes
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Questions
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Variables
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Tous
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Réactions escomptées
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Quelle réaction espérez-vous obtenir à la
suite de la publication d'un article qui comporte un de ces termes ?
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La première réaction qu'espère un
journaliste à la suite de la publication de son article est la
consommation de cette information. Néanmoins, il est utile
d'ajouter que chaque journaliste entretient sa propre ambition.
L'utilisation de l'un de ces mots intervient lorsque le
journaliste veut respecter l'heure du temps et inscrire sa présence dans
l'évolution de la société. Dans ce cas, une
réaction que l'on peut espérer est le souvenir.
À côté de ceux-ci, le journaliste
espère créer le débat au sein de la
société. Le débat favorise le retour de
l'information et sa permanence e.
Il sied de noter qu'il n'existe pas une ambition mythique,
fétiche. Ceci veut dire que le journaliste n'use de ces termes pour se
créer une identité à des fins de popularités ou de
vedettisme.
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Intention du journaliste
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Avez-vous l'ambition de marquer l'esprit du lecteur ?
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L'ambition de marquer l'esprit du lecteur est quelquefois
péjorative, car il peut se traduire par « faire la
star » que la déontologie déconseille.
D'une part, il est presque impossible de supprimer cette
ambition de marquer l'esprit parce que si l'on observe l'évolution de la
société congolaise, plusieurs faits ou réalités
marquent quotidiennement l'esprit de la population. L'impossibilité
s'installe au niveau où le journaliste exerce un métier qui exige
de faire connaître ses faits et ou de discuter autour de ceux-là.
Aussi, dans le cas de moments importants et décisifs,
un contexte historique s'installe spontanément, et influence même
l'imaginaire linguistique collective. Par exemple lors de la période
électorale, le rassemblement, les marchés, etc.
Surtout cela, l'ambition de la pratique du métier, et
dans le cadre de l'usage de ces termes est de rendre fidèlement les
faits
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Mode de récupération
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Comment effectuez-vous la récupération de ces
termes ?
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Il est délicat de récupérer des termes
produits en politique. Le premier problème qui se pose est celui de se
retrouver collé à une idéologie politique et biaiser la
neutralité journalistique. Il faut donc de formules de distance qui sont
investies dans l'écriture journalistique. Ces formules sont
donc ;
- Le guillemet : le journaliste met entre guillemet le
mot qu'il a récupéré pour ne pas prendre position et
aussi attirer l'attention du lecteur.
- la formule de responsabilité : le journaliste
utilise une formule phraséologique pour faire montre au public qu'il
n'est pas auteur d'un terme ou d'un terme. exemple : Félix
Tshisekedi annonce le déboulonnage du système actuel, selon ses
propres mots.
- L'emploi formel : l'emploi formel intervient lorsque le
journaliste a la certitude que le mot ou terme et son contexte qu'il utilise
sont ancrés dans la mémoire du lecteur. Cela devient alors un
code formel qui cadre avec la réalité de la
société. Il utilise alors pour recourir à l'effet que ce
mot a déjà produit dans la société.
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Utilisation et/ou réutilisation
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Avez-vous connaissance de la réutilisation de ces
termes dans la société congolaise ?
|
En règle générale, lorsqu'un terme est
récupéré pour de buts soulevés ci-hauts, il est une
évidence que l'impact de celui-ci sera apparent. D'où il y a une
connaissance préalable de l'usage de ces termes au niveau de la
société, car le journaliste lui-même étant citoyen,
est en relation avec la communauté avec laquelle elle partage le
même code.
Il y a tout de même une surprise. Celle de constater la
reconfiguration du terme reçu après lecture d'un article de
presse. C'est-à-dire que l'on constate un usage qui ne cadre pas
toujours avec le contexte de création. Le sens est présent mais
le contexte change. Exemple: Glissement.
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Création littéraire, signification et
contexte d'utilisation
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Y a-t-il de termes que vous avez créés ?
Quels sont leurs significations et leur contexte
d'utilisation ?
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Oui et non.
Il existe dans la pratique du métier de journaliste,
une compétence d'innovation en termes de mots. Cette création
traduit un manque de terme efficace pour qualifier une réalité de
la société congolaise, qui elle-même possède un
talent d'innovation observée dans la société.
Au niveau de l'exercice il y a deux situations, soit
l'innovation traite du métier lui-même (le cas de jargon
journalistique congolais). Soit l'innovation vient d'un procédé
d'adaptation dans ce même objectif de créer l'actualité.
- Oui : le cas du mot
« Coupage », qui est né d'abord
dans un contexte de conditionnement d'un traitement de l'information. Mais
dont le contexte d'usage transgresse l'éthique et s'emploie pour
désigner le dû obtenu à la suite d'un travail
journalistique (appelé populairement le transport).
- Non : certains mots ne sont pas
directement l'oeuvre du génie journalistique. Le contexte qui fait
naître de l'innovation existe déjà, mais les journalistes
trichent pour désigner un élément du monde. C'est
l'exemple type du mot « Pangistans » venu
du Kikongo Pangi signifiant frère. Le terme pangistan est
utilisé pour désigner un partisan ou un militant politique du
camp d'un candidat avec des origines kongo ou l'équivalent.
Employé fréquemment pour désigner le candidat à
la présidentielle 2018 Martin FAYULU MADIDI. Dans cet ordre, nous avons
également de termes comme, « Kamerhisme
« qui désigne toute une idéologie politique
spécifique inspirée des actions de l'acteur politique Vital
Kamerhe.
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Usage et exemple d'un nouveau lexique
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Y a-t-il des expressions ou termes politiques à la
manière de ceux-ci, que vous utilisez dans la pratique de votre
métier ? Pensez-vous que l'intervention du travail journalistique
est sine qua non pour leur dynamisme ?
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Oui.
- Putschiste
- Penalty
- Coup sur coup
Tous ces mots sont l'oeuvre d'une partie de la
société qui à l'heure actuelle, avec les nouvelles
technologies de l'information et de la communication, peuvent directement
toucher les publics et créer le même effet. Néanmoins, en
qualité de leader d'opinion par exemple, le discours journaliste apporte
plus de crédit.
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Affirmation d'une variété du
français
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Observant la pratique de votre métier, pensez-vous
qu'il soit temps de parler d'une variété du français
congolais ?
|
Oui et non.
Les avis sont partagés. La variété du
français congolais n'apparaît pas comme une évidence. Car
notre code est tâté d'une déformation de la langue
française. Le problème se posera à la conservation de
qualité de cette langue et la perte de la valeur qu'elle a et accorde
dans certains domaines comme le domaine éducatif.
Oui parce que l'évolution de la société
congolaise fait montre de cette compétence de créativité.
Il faudrait alors exposer les avantages et désavantages pour donner le
rythme.
|
observation
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Nous avons posé ces questions dans le but d'obtenir les
avis de journalistes sur leurs travaux mais aussi le rôle qu'ils jouent
dans la formation des identités culturelles en République
Démocratique du Congo, en se focalisant sur l'usage du français
dans la presse. Cela permet à notre interprétation d'être
complète et de nous faire déboucher aux diverses perspectives.
|
* 107 J-J., QUINTIN, Cours
d'Analyse de données qualitatives : outils de production de
données qualitatives et méthode d'analyse, Lyon,
Université Lyon 2. p44, (En ligne), URL :
https://www.//apprendre.auf.org./wp-content/opera/13-BF-Refrences-et-biblio-RPT-2014/
consulté le 17 Juin 2O23 à 18 :19
* 108 J.-J., QUINTIN,
Op.cit. pp 46.
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