WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le concept d'Ontologie Sociale

( Télécharger le fichier original )
par Jules Donzelot
Université de Provence - Master 1 - Maà®trise de philosophie 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B) Deux distinctions fondamentales

De quoi l'ontologie invisible de la réalité sociale  se distingue-t-elle ? Est-elle subjective ou objective ? Les propriétés ontologiques sociales sont-elles de même nature que les propriétés ontologiques physiques ? Searle met en place deux distinctions conceptuelles fondamentales, d'une part entre l'objectif et le subjectif -à un niveau ontologique - et d'autre part entre les propriétés intrinsèques aux choses et celles qui dérivent de l'intentionnalité de l'observateur. Ces distinctions vont lui permettre, dans un second temps, de formuler de manière définitive le problème de l'ontologie sociale.

Objectif / Subjectif

Les notions de subjectif et d'objectif font généralement l'objet d'une opposition de type épistémologique. Des jugements qualifiés de subjectifs sont des jugements dont la vérité ne peut être déterminée objectivement. Les jugements esthétiques sont de cette sorte. Si je dis « Rembrandt est un meilleur artiste que Rubens », j'énonce une opinion qui ne peut acquérir le statut de proposition objective. Si par contre je dis « il y a toujours de la neige au sommet du Mont Everest », alors j'énonce une proposition objective, qui correspond à un fait. Le subjectif renvoie à ce dont le vérité ou la fausseté dépend de certaines attitudes, de certains sentiments ou autres évènements se produisant au sein d'une subjectivité particulière. L'objectif désigne de son côté ce qui correspond à des faits qui ne dépendent d'aucune subjectivité et dont par conséquent la vérité ou la fausseté peut être déterminée de manière certaine. Si l'objectif et le subjectif s'opposent à un niveau épistémologique, c'est donc dans le sens où le premier peut donner lieu à des énoncés vrais car vérifiables par un second observateur, alors que le second ne peut donner lieu qu'à des énoncés d'opinions invérifiables par un observateur extérieur.

L'objectif et le subjectif s'opposent aussi, selon Searle, à un niveau ontologique. « Au sens ontologique, «objectif» et «subjectif» sont des prédicats d'entités et de genres d'entités, et ils désignent des modes d'existence. » La peine et la tristesse sont des entités subjectives, car elle existent seulement à l'intérieur du sujet qui les ressent : leur mode d'existence est subjectif. Les montagnes, par contre, sont des entités objectives, car elles existent au-dehors des sujets qui les observent. L'observation d'une montagne par un sujet n'altérant en rien l'existence de celle-ci, on peut dire que le mode d'existence de la montagne est indépendant des états mentaux de celui qui la perçoit. La montagne existe de manière objective. L'objectif et le subjectif, d'un point de vue ontologique, désignent ainsi deux modes d'existence distincts : certaines entités existent indépendamment de la perception que les sujets peuvent en avoir, alors que l'existence d'autres entités dépend au contraire de cette même perception.

Propriétés intrinsèques et propriétés relatives à l'intentionnalité

La distinction qui suit est la plus importante. En effet, si Searle prétend rendre compte d'une ontologie des faits sociaux en particulier, ces derniers doivent posséder une caractéristique distincte, en tant qu'objets de connaissance, des objets de l'ontologie classique. Et si l'ontologie consiste en la connaissance des propriétés les plus générales de l'être, alors les faits sociaux doivent posséder certaines propriétés distinctes, du point de vue de l'existence, de celles des faits bruts. Dans cette optique, Searle propose de distinguer entre « ces propriétés du monde qui existent indépendamment de nous et celles qui dépendent de nous quant à leur existence même. »

Si la science consiste généralement en l'étude des propriétés objectives des objets extérieurs et qu'en ceci elle vise à s'émanciper le plus possible du point de vue subjectif de l'observateur pour mieux connaître son objet, l'ontologie sociale au contraire doit tenir compte de ce que les propriétés qu'elle étudie existent - comme nous l'avons vu- sur un mode subjectif et non pas objectif. Ce qui concernait tout à l'heure des entités particulières (les émotions, ainsi que tout ce qui relève du ressenti subjectif) s'applique maintenant à des propriétés (le fait que tel morceau de papier fonctionne comme de l'argent). Ces propriétés existent sur le mode subjectif dans le sens où elles sont relatives à l'intentionnalité des observateurs, des utilisateurs, etc. Searle distingue ainsi entre les propriétés intrinsèques (intrinsic) des choses et celles qui sont relatives à un observateur (observer-relative) : « C'est, par exemple, de manière intrinsèque que l'objet en face de moi possède une certaine masse et une certaine composition chimique. Il est fait en partie de bois, les cellules dont il se compose sont des fibres de cellulose, et aussi en partie de métal, qui se compose lui-même d'un certain alliage de molécules de métal. Toutes ces propriétés sont intrinsèques. Mais il est aussi vrai de dire du même objet qu'il est un tournevis. Et quand je le décris comme tel, je spécifie une propriété de l'objet qui est relative à l'observateur ou à l'utilisateur. (...) par conséquent la propriété est ontologiquement subjective. » (p. 9-10) Tous les objets constitutifs de la réalité sociale sont partagés entre des propriétés intrinsèques (objectives) et relative à l'observateur (subjectives). Le but de l'ontologie classique est de mettre à jour les propriétés objectives les plus générales des entités existantes, qu'elles possèdent ou non des propriétés subjectives. Le but de l'ontologie sociale est de découvrir les propriétés subjectives des objets de la réalité sociale, indépendamment de leurs propriétés objectives.

Il convient de s'écarter de la signification habituelle du terme de «subjectif». Par celui-ci, on désigne généralement quelque chose d'arbitraire sur lequel il est impossible de statuer de manière objective. Or, nous passons notre temps à nous accorder sur les propriétés subjectives des objets sociaux : personne ne doute que l'argent soit de l'argent et qu'un tournevis soit un tournevis. Tous ces faits, précise Searle, ne sont des faits que sur la base de l'accord humain qui les reconnaît en tant que tels. Dans la mesure où cet accord [agreement] a effectivement lieu, il convient d'admettre qu'il s'agit bien de faits qui existent subjectivement, dont les propriétés sont relatives aux observateurs, mais qui néanmoins présentent des propriétés objectives. La source de cette objectivité, toutefois, ne se situe pas, à la différence de celle des faits bruts, dans l'indépendance qu'ils entretiennent vis-à-vis de nous. C'est au contraire dans la dépendance vis-à-vis de l'intentionnalité humaine que les faits sociaux subjectifs puisent leur objectivité. Si un tournevis est bien un tournevis et si l'argent est bien de l'argent, c'est uniquement parce que certains humains les reconnaissent en tant que tels. En s'accordant entre eux sur la fonction des objets sociaux, les humains instituent la dimension objective de ces mêmes objets. La condition de possibilité d'une ontologie sociale se situe par conséquent dans leur institution subjectivo-collective. Nous pouvons les connaître, parce que nous savons tous ce qu'ils sont.

* *

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery