WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le concept d'Ontologie Sociale

( Télécharger le fichier original )
par Jules Donzelot
Université de Provence - Master 1 - Maà®trise de philosophie 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

UNE THÉORIE DE L'INTENTION PARTAGÉE - MICHAEL BRATMAN.

Chaque individu connaît un certain nombre d'autres individus. Ces individus à leur tour connaissent encore d'autres individus. Et ainsi de suite... Les gens se connaissent lorsqu'ils ont été en relation les uns avec les autres. Et ils accroissent leurs connaissances au fur et à mesure qu'ils entrent en relation avec de nouveaux individus. Chaque individu tisse sa toile sociale, son réseau de connaissances. Parfois les réseaux se recoupent, parfois ils s'ignorent. Mais ils existent. Et les phénomènes de groupe, soutient Bratman, existent à leur tour comme phénomènes d'interrelation humaine. Ils ne sont rien de plus que des relations de coopération entre des individus qui se rencontrent ou qui se connaissent. Comment, sur cette base, est-il possible de rendre compte des intentions de groupe ? Il y a action de groupe, nous dit Bratman, lorsque deux individus en interrelation coopèrent afin de réaliser un certain objectif. L'intention des individus de réaliser ensemble un objectif commun, Bratman lui donne le nom d'intention partagée. « Les intentions partagées sont les intentions de groupe. »66(*)

Comment les individus en viennent-ils à former des intentions partagées ? Tout d'abord, deux individus ne peuvent pas former une telle intention l'un indépendamment de l'autre. Toute intention partagée suppose une sorte d'accord entre les personnes concernées. Pourtant, cet accord n'est pas nécessairement explicite. Bratman fait ici appel à un exemple de David Hume et commente ainsi le cas de deux rameurs s'accordant dans leurs mouvements respectifs : « les deux individus rament ensemble alors qu'ils n'ont passé aucun accord l'un avec l'autre »67(*). Ils s'observent mutuellement et adaptent leurs gestes à ceux de l'autre. L'accord des individus semble alors plus relever d'une attitude concrète que d'un accord verbal. Ce ne sont pas les individus qui s'accordent mais leurs attitudes. Les phénomènes d'intention partagée dénoteraient ainsi des « situations où chaque individu manifeste des attitudes appropriées vis-à-vis des autres participant au sein de leurs interrelations. »68(*)

Le propre des intentions partagées serait de faciliter les actions de groupe : Elles faciliteraient la coordination de nos actions intentionnelles individuelles ; Elles permettraient la mise en place d'une planification des tâches, de sorte que les actions des individus soient complémentaires ; Enfin, elles feraient apparaître la nécessité de négocier ensemble sur ce que chacun préfère faire. L'exemple préféré de Bratman est celui de deux individus qui partagent l'intention de peindre une maison. Leur intention partagée, déclare-t-il, est cause qu'ils tiennent compte, dans leur action, de ce que l'autre est en train de faire. Par ailleurs, elle les pousse, avant de commencer à peindre, à s'accorder sur qui va peindre telle et telle partie de la façade. Enfin, elle donne lieu à diverses négociations concernant les préférences de chacun : l'un des individus préférant peindre le bas et ne pas monter sur l'escabeau et l'autre préférant peindre le haut, la négociation trouve facilement son issue. Finalement, l'action de peindre la maison ensemble aura eu lieu de manière appropriée parce qu'au départ les individus possédaient l'intention partagée de peindre la maison. Quelles sont les conditions nécessaires à l'intention partagée ? Comment deux individus en viennent-ils à former l'intention partagée de peindre la maison ensemble ? Autrement dit, comment l'intention individuelle se transforme-t-elle en intention partagée ? Voici les conditions proposées par Bratman :

Nous avons l'intention de peindre la maison si et seulement si :

1. a. J'ai l'intention de peindre la maison.

b. Vous avez l'intention de peindre la maison.

2. J'ai l'intention de peindre la maison en accord avec et parce que 1a et 1b ; vous avez la même intention.

3. 1 et 2 sont de savoir mutuel entre nous.

La première chose à remarquer dans cette description théorique de l'intention partagée est qu'il est nécessaire que deux individus soient présents pour qu'une intention collective puisse être formée. Cette condition peut paraître évidente, mais nous verrons avec John Searle que ce n'est pas forcément le cas. Une seconde chose à remarquer est la similitude apparente du contenu intentionnel des deux individus : Bratman se limite ici à « intention de peindre la maison », mais dans la réalité chaque individu aura une intention à la fois similaire et différente des autres participants : il aura l'intention de peindre la maison d'une certaine manière alors que les autres envisageront la même action d'une manière sensiblement différente. Pourquoi deux intentions ne pourraient-elles pas s'accorder parfaitement ? Car, remarque Stoutland - le principal critique de Bratman - les intentions d'autrui ne sont jamais sous mon contrôle. Par conséquent, je ne peux pas avoir d'intention de Nous, mais uniquement des intentions de Je toujours différentes des intentions de Je des autres. Enfin, la théorie de Bratman désigne comme principal caractère des intentions de groupe la coordination. L'intention partagée marque la volonté respective de s'accorder avec l'autre avant et au cours de l'action. L'intention partagée met donc surtout en oeuvre des capacités cognitives : observer l'autre, imaginer une action complémentaire à la sienne, anticiper les actions des autres participants, etc. Or, les intentions collectives gagnent, selon de nombreux auteurs, à être décrites sous l'angle de leur normativité. L'idée est que le fait de partager une intention avec autrui donne lieu à un certain nombre d'obligation : Je ne peux pas aller peindre précisément à l'endroit où l'autre individu est en train de peindre ; Je ne peux pas non plus quitter subitement le chantier ; Je ne peux pas utiliser la couleur de mon choix. Ce qui est décrit chez Bratman en termes de coordination, on s'accorde généralement à le décrire en termes de droits et d'obligations. Or la théorie de Bratman est incapable de rendre compte de l'existence de ces obligations : elle ne voit que des volontés respectives de s'accorder autour d'une action. Mais... si les individus sont forcés d'agir ensemble, on ne pourra pas faire reposer l'accord de leurs gestes sur une volonté commune de faire quelque chose ensemble. Un autre principe explicatif sera alors requis. Voyons maintenant si Raimo Tuomela parvient à fournir un tel principe, qui rend compte aussi bien de la dimension volontaire de l'accord collectif que de sa dimension normative.

* 66 Bratman Michael, Faces of Intention, p. 143. - 2004.

* 67 Id. p. 111.

* 68 Id.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld