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Leibniz et la physique quantique

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par Mathieu Néhémie
Université de Clermont-Ferrand - Master 1 de Philosophie 2006
  

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2.2.2. La construction du formalisme

Fonction d'onde et vecteur d'état

L'idée d'une onde pilote ayant été posée, il restait pour la prouver à fournir un outil basé sur la notion d'onde capable de prédire la trajectoire d'une particule. En effet une telle conception, aussi novatrice et séduisante qu'elle paraisse, ne peut être rigoureusement adoptée que si elle passe l'épreuve de l'expérience, c'est-à-dire que ses prévisions soient avérées lors de constructions expérimentales appropriées.

Si de Broglie n'avait pas donné de moyen mathématique pour obtenir de telles prévisions, Edwin Schrödinger fut celui qui permit cette validation en fournissant l'équation qui porte son nom. La célèbre équation de Schrödinger est une équation d'onde, c'est-à-dire qu'elle permet de décrire et de prédire le comportement de l'onde associée à toute particule que de Broglie avait mis en évidence. Pour être exact il faut tout de même noter que Schrödinger avait d'ores et déjà complètement abandonné le concept de particule pour ne conserver que celui d'onde. Cela montre comment une telle association entre onde et corpuscule était particulièrement difficile à admettre à ce moment là. Pour Schrödinger, ce que l'on peut observer comme présentant quelques analogies avec une particule, comme l'aspect discret des transferts d'énergie, ce sont les minuscules paquets d'ondes qui y correspondent et qui donnent l'impression ou l'illusion d'un objet corpusculaire. Ainsi l'électron n'est pas un corpuscule qui gravite autour du noyau atomique mais une onde centrée sur celui-ci. Quoiqu'il en soit l'équation de Schrödinger fournit le moyen, encore utilisé aujourd'hui, de prédire l'évolution dans le temps des entités étudiées en physique quantique au moyen de fonctions d'onde.

La conception purement ondulatoire de Schrödinger montra tout de même ses limites. Plusieurs difficultés liées à la notion de fonction d'onde furent notées, comme la prévision de la réaction d'une telle onde lors de collision qui est en désaccord avec le comportement bien plus proche de celui d'un corpuscule qui est observé expérimentalement. L'abandon du concept d'onde permet de faire disparaître ce type de problèmes, mais, pour d'autres raisons, il est impossible d'y substituer une conception corpusculaire. Ainsi l'équation de Schrödinger produit ce que l'on appelle le principe de superposition, c'est-à-dire que, d'une manière analogue au comportement des ondes classiques, toute interaction de deux fonctions d'onde produit une nouvelle fonction d'onde qui réunit les deux premières et reste entièrement soumise au principe d'évolution de l'équation. Ce principe, non seulement rend caduque une conception corpusculaire, mais pose également une difficulté non négligeable à une théorie ondulatoire : une fonction d'onde évolue dans un espace à 3n dimensions, où n est le nombre de particules qu'elle décrit (ou paquets d'ondes dans le langage de Schrödinger).

On doit à Paul Dirac la reformulation du formalisme de Schrödinger qui est encore beaucoup utilisée aujourd'hui et que l'on qualifie souvent de point de vue orthodoxe. S'il y est usuellement fait référence à des particules, c'est davantage de système dont on parle car un système peut être composé de plusieurs particules. On ne se prononce d'ailleurs guère sur le statut de ces particules et sur leur nature fondamentale, elles ne bénéficient guère mieux que d'une définition essentiellement opératoire. Le concept de fonction d'onde est remplacé par celui de vecteur d'état, bien plus abstrait et neutre concernant la nature de l'objet considéré, et ces vecteurs d'état évoluent dans des espaces de Hilbert tout autant abstrait et dotés de n dimensions, où n est le nombre d'observables du système (ce qui revient au même que les 3n dimensions de la formulation précédente et permet de conserver sans problème le principe de superposition).

On peut dans un premier temps noter que cette reformulation n'est que la première, et dans un certain sens le modèle archétypal, des restructurations dont la physique quantique est perpétuellement l'objet. Les outils mathématiques sont globalement conservés mais les termes sont changés, plus souvent pour des raisons de cohérence logique et théorique qu'à cause de nouvelles données expérimentales. Dans le cas présent le formalisme évolue vers plus d'abstraction et vers les aspects consensuels de la microphysique, à savoir les succès opératoires qu'elle connaît, mais d'autres reformulations plus discutées et plus nombreuses seront proposées pour orienter la théorie quantique vers davantage de prétentions ontologiques. Ainsi certaines idées de de Broglie et Schrödinger, bien qu'ayant été mises en échec par les difficultés que nous avons évoquées, seront remises au goût du jour par des théories tentant de surmonter ces difficultés.

Enfin, malgré le langage parfois corpusculaire de la formulation orthodoxe de Dirac (avec les références faites à des particules), on peut remarquer que toutes les précautions sont prises pour qu'aucun avis ne soit donné sur la caractère ondulatoire et/ou corpusculaire des entités quantiques. De même aucune signification ni aucun explication n'est donnée à la présence dans un tel formalisme d'espaces dotés de plus de trois dimensions. Ce parti pris permit de construire un formalisme inattaquable et très efficace mais incapable de fournir un réel discours sur la nature des choses.

Probabilité et prévisibilité

Voyons comment la théorie quantique, dans sa formulation orthodoxe, peut être qualifiée de statistique ou d'ensembliste. Ces expressions peuvent s'avérer trompeuses dans certaines circonstances mais elles possèdent une part de vérité que nous allons dégager.

Dans un espace de Hilbert, un vecteur d'état (ou une fonction d'onde) ne correspond pas rigoureusement à un système précis mais à un ensemble de systèmes physiques que l'on peut considérer comme identiques. En d'autres termes, il décrit un dispositif expérimental reproductible et par conséquent se définit de manière très opératoire. Cela est encore plus clair si l'on remarque que la notion de grandeur physique est remplacée par celle d'observable pour des raisons que nous éclaircirons ultérieurement. Un vecteur d'état permet donc de prédire quelle valeur de tel observable sera mesurée, non pas sur tel système physique, mais sur un ensemble de systèmes. Il permet donc de calculer une fréquence statistique, c'est-à-dire le nombre de fois n que la valeur en question sera observée sur N dispositifs expérimentaux identiques. Dans le cas d'un système individuel, c'est-à-dire pour un dispositif expérimental particulier, la prédiction que pouvait fournir le vecteur d'état en terme de fréquences statistiques devient la probabilité d'obtenir telle ou telle valeur sur l`observable mesurée. Une réelle prédiction, c'est-à-dire la possibilité de prédire que telle valeur sera obtenue ou pas, sur un système individuel, n'est possible que dans les cas très particuliers où la probabilité en question est de 1 ou 0.

L'apparition d'une théorie des probabilités en physique n'a rien d'original, elle est très courante dans toute entreprise prévisionnelle où les données en possession de l'expérimentateur sont insuffisantes. En physique classique, les probabilités sont un palliatif lié à l'absence ou à l'imprécision de certaines données. Par exemple, si l'on ne peut mesurer la masse de chacun des éléments d'un ensemble observé, on prendra une moyenne et on sera alors en mesure de calculer la probabilité que tel élément de l'ensemble soit dans tel état. Mais la physique quantique ne dispose de rien d'autre que cette probabilité, la question se pose alors de savoir à quoi elle constitue un palliatif car nous ne disposons d'aucun autre moyen plus précis de quantifier un système microscopique que le formalisme que nous avons évoqué. De plus, par sa structure mathématique très particulière en espaces vectoriels avec un nombre de dimensions variable, la théorie des probabilités utilisée par la physique quantique est très différente de celle traditionnellement utilisée dans toutes les autres sciences, dans un certain sens elle utilise même la théorie classique comme sous-système. C'est pourquoi le point de vue orthodoxe, afin d'éviter toute forme de spéculation que les physiciens pourraient qualifier de manière quelque peu péjorative de métaphysique, se limite à cette seule formulation abstraite en termes de probabilités et d'ensembles statistiques, sans pour autant admettre qu'il s'agit de la seule réalité ou que la réalité est structurée ainsi.

Schrödinger a introduit son équation d'onde, sans y introduire le moindre concept de probabilité car il avait expulsé la notion de particule et avec elle celles de trajectoire et de position. Dirac, dans la reformulation qu'il en a fait, en réintroduisant des éléments corpusculaires à la théorie, a transformé un outil de calcul de l'évolution d'une onde en outil de calcul des probabilités d'observer une position ou une trajectoire (ou d'autres observables tout autant corpusculaires). C'est encore cet usage qui est fait traditionnellement de l'équation de Schrödinger et qui reste en désaccord avec l'esprit dans lequel elle a été découverte.

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