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Leibniz et la physique quantique

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par Mathieu Néhémie
Université de Clermont-Ferrand - Master 1 de Philosophie 2006
  

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2.2.3. La notion d'observateur

Contrafactualité et contextualité

Définie par un vecteur d'état, une particule se trouve dans un état superposé lorsque plusieurs valeurs sont possibles pour l'une de ses observables, c'est-à-dire que plusieurs possibilités possèdent une probabilité supérieure à 0. De même une fois que deux particules sont entrées en interaction, elles doivent être décrites par un seul vecteur d'état qui n'est pas une simple addition ou un simple produit de leurs vecteurs d'état respectifs, elles sont alors dites dans un état enchevêtré.

Par exemple, de deux particules a et b enchevêtrées, leur vecteur d'état commun nous apprend que l'une sera observée dans une position x et l'autre dans une position y quoique, avant toute mesure, nous soyons dans l'incapacité de déterminer laquelle de a ou de b est dans la position x et de même pour y. Le vecteur d'état associe une chance sur deux à chaque particule d'être dans chaque position. Cela nous permet de prédire avec efficacité que sur un ensemble statistique de n mesures effectuées sur n paires de particules a et b dans des dispositifs expérimentaux identiques, on doit observer (si n est assez grand) une moitié de particules a dans la position x et l'autre moitié dans la position y et de même pour b. Comme les prédictions fournies par la mécanique quantique sont vraies, c'est bien ce résultat que l'on obtient, et on est alors tenté d'en conclure qu'avant ces mesures la moitié des particules a étaient bien dans la position x et l'autre dans la position y. C'est ce qu'on appelle la contrafactualité et ce type de raisonnement ne pose aucun problème en physique classique comme dans toutes les autres sciences empiriques.

Cependant ce raisonnement s'expose à de graves contradictions logiques et mathématiques en physique quantique de sorte que l'on est obligé d'en conclure que ni a ni b n'avaient avant la mesure de position prédéfinie. Elles étaient chacune à la fois en x et en y, ou du moins affirmer qu'elles étaient chacune dans une seule position n'a tout simplement pas de sens. Les prévisions de la mécanique quantique portent toujours sur la valeur qu'aura une observable après la mesure, parler de la valeur qu'elle a avant est dénué de sens. On doit à Bohr la première et la plus célèbre formulation de l'impossibilité de la contrafactualité en théorie quantique. Il affirme sans complexe qu'une particule n'a pas de position, de trajectoire ou n'importe quelle autre grandeur physique indépendamment du contexte qui permet son observation. Cela le rapproche de la position positiviste tenue par le Cercle de Vienne et qui consiste à ne définir aucune propriété physique sans préciser le ou les contextes expérimentaux qui permettent de la réaliser ; bien que les philosophes de cette obédience aient été davantage motivés par le souci de limiter tout contenu cognitif aux possibilités offertes par la logique formelle. On appelle cette caractéristique très spécifique de la théorie quantique la contextualité.

Ainsi, si en physique classique plusieurs expériences complémentaires peuvent en général être librement associées et leurs résultats ajoutés via quelques transformations et corrections mathématiques, la physique quantique ne jouit pas d'une telle liberté. Toute description d'une entité à l'échelle quantique doit préciser le contexte expérimental qui a permis son observation. De plus, comme certaines observables sont mathématiquement incompatibles, les expériences qui les mettent en lumière le sont également. Enfin l'ordre dans lequel les différentes mesures son effectuées est primordial.

C'est pourquoi on n'admet aucune grandeur physique existant en soi mais on définit des observables dans un espace de Hilbert dont les valeurs propres sont les valeurs que ces observables peuvent prendre lors d'une éventuelle mesure. Cela explique également que chaque vecteur d'état correspond à une préparation expérimentale bien particulière. L'équation de Schrödinger permet alors de calculer l'évolution d'un vecteur d'état entre le début de la préparation et le moment où survient l'opération de mesure.

Le problème de la mesure

Nous allons maintenant voir en quoi l'opération de mesure revêt un aspect tout particulier en physique quantique, mais rappelons tout d'abord comment elle est généralement traitée dans les sciences physiques. L'influence que peut exercer une mesure sur un système étudié est un fait fort connu des scientifiques et ceux-ci disposent de moyens très efficaces pour gommer cette perturbation de leurs résultats. Pour cela une mesure est considérée comme n'importe quelle action physique et il suffit qu'une expérience préalable ait pu quantifier cette influence pour que de simples opérations mathématiques permettent de restituer en propre ce qui revient au système étudié. Malheureusement la théorie quantique ne peut, pour plusieurs raisons, appliquer une telle méthode.

En l'absence de tout observateur, un vecteur d'état est soumis à une loi d'évolution définie par l'équation de Schrödinger. Cette dernière permet de tenir compte de l'influence que peut subir une particule ou un système, de prévoir les effets d'interactions entre entités microscopiques, etc. Malgré la forme mathématique très particulière qu'elle revêt, cette partie du formalisme quantique est presque aussi bien maîtrisée que toute autre loi d'évolution en physique. Le problème apparaît avec le principe de réduction du paquet d'ondes. Comme nous l'avons vu, un vecteur d'état, sauf cas particuliers, est un état superposé qui définit des probabilités d'observation, c'est-à-dire que pour une observable, chacune de ses valeurs propres est associée à une probabilité comprise entre 0 et 1. Cependant, lorsque le système sera effectivement mesuré, une seule valeur précise pour cette observable sera obtenue. Outre l'aléatoire qui caractérise cette détermination et sur lequel nous reviendrons, nous avons vu que l'impossibilité de la contrafactualité en physique quantique nous interdit d'en conclure que l'observable avait bien cette valeur avant qu'un instrument de mesure rentre en interaction avec lui. Au contraire, la théorie quantique conventionnelle, qui ne définit un système que par le formalisme du vecteur d'état car seul celui-ci s'avère efficace, ne peut tenir compte d'une opération de mesure que par une modification soudaine du vecteur d'état, qui cesse d'être dans un état superposé, et au cours de laquelle toutes les valeurs propres de l'observable tombent à 0, sauf une qui prend la valeur 1. Tout le problème réside dans le fait qu'une telle modification du vecteur d'état ne semble pas du tout être prévisible au moyen de l'équation de Schrödinger.

Non seulement il est particulièrement gênant en physique que deux principes d'évolution soient nécessaires pour rendre compte de l'influence que peut subir un système, mais cela pose un grave problème épistémologique que la séparation entre les champs d'application de ces deux principes soit aussi floue. En effet le premier principe définit l'évolution `'normale'' du système tandis que le second s'applique spécifiquement à toute opération de mesure. Celle-ci se trouve alors dans en position d'exception et il est nécessaire d'établir une définition précise de ce qu'est une opération de mesure, un instrument de mesure et un observateur. C'est un problème qui a fait couler beaucoup d'encre et il semble impossible d'obtenir une solution qui ne soit pas fortement dualiste ou complètement anthropocentrique. Si les plus positivistes des physiciens peuvent être prêts à faire ce type de concessions, les scientifiques qui ont foi en une réalité indépendante de nous ne peuvent que difficilement s'y résigner.

Il y a cependant un moyen de réunifier ces deux principes d'évolution pour ne garder que celui de l'équation de Schrödinger. Comme, après tout, l'instrument de mesure comme l'observateur lui-même sont effectivement composés de molécules, d'atomes et donc de particules, il est complètement envisageable de faire intervenir dans les calculs ces entités macroscopiques comme des systèmes quantiques composés d'un grand nombre de particules. L'observateur et son instrument de mesure peuvent donc en théorie être définis comme un système S ayant un vecteur d'état qui est un état enchevêtré de toutes leurs particules. Aussi, lors d'une opération de mesure effectuée sur le système étudié E, les système S et E entrant en interaction doivent par la suite composer un grand système G décrit par un seul vecteur d'état qui est l'enchevêtrement de toutes les particules de l'observateur, de l'instrument de mesure et de la préparation expérimentale. Le premier problème qui se pose alors est que dans ce grand système G, puisqu'il est dans un état enchevêtré inséparable, il n'est plus possible d'établir une distinction rigoureuse entre l'observateur, l'instrument de mesure et le système étudié et cela nous interdit de déterminer ce qui, des résultats de l'expérience, revient en propre à chaque élément. Ce point est l'autre fondement de la contextualité de la physique quantique et explique que celle-ci ait le plus grand mal à fournir un discours sur la nature des choses indépendamment de nous. Le second problème est qu'un tel état enchevêtré est également à coup sûr un état superposé. Comme seule la réduction du paquet d'ondes pouvait rendre compte du fait qu'un tel état doit soudainement changer pour prendre une valeur définie, avoir expulsé ce principe nous ferme cette possibilité. Nous devons donc par exemple considérer que, pas plus que la particule, ni l'observateur ni l'instrument de mesure n'ont de position bien définie.

Apparaît un problème récurrent de la physique quantique et que nous avons déjà évoqué : comment faire le lien entre les lois du monde macroscopique et celles radicalement hétérogènes du monde microscopique sachant que les deux théories sont confirmées expérimentalement mais que la seconde est censée décrire le détail des éléments de la première ? Pour illustrer ce point Schrödinger avait fourni un célèbre paradoxe qu'il est intéressant de résumer ici. Il suffit d'imaginer une particule qui est dans l'état superposé des deux états possibles A et B. Un dispositif qu'il n'est pas nécessaire de décrire a pour conséquence d'émettre un gaz mortel si la particule est dans l'état A. Accompagné d'un chat, tout cela est placé dans une boîte fermée afin d'éviter toute observation pour que l'état en question reste superposé. Un raisonnement identique à celui du paragraphe précédent doit nous faire conclure que puisque la particule est à la fois en A et en B le chat doit à la fois être mort et vivant. Il ne devrait connaître un état défini que lorsque nous ouvrirons la boîte et réduirons le paquet d'ondes. La question se pose alors de savoir d'un côté, si les lois quantiques sont ainsi transposables aux entités macroscopiques, et de l'autre, puisque la conscience semble jouer un rôle clé dans la réduction du paquet d'ondes, si l'observation que le chat effectue spontanément de son propre état peut suffire. Dans tous les cas le principe de réduction du paquet d'ondes semble difficile à mettre de côté.

Une célèbre théorie, communément admise dans la communauté des physiciens, a souvent été proposée comme solution au problème de la mesure, il s'agit de la décohérence. Celle-ci montre que l'état de superposition d'un système quantique est lié à sa cohérence interne. Là encore nous ne rentrons pas dans les détails mathématiques d'une telle théorie mais il faut juste noter qu'elle consiste à prendre en compte, outre celle de l'instrument de mesure, l'influence de l'environnement. Si dans un dispositif expérimental de quelques particules il est possible d'isoler le système de l'environnement extérieur, pour des raisons physiques liées à leur niveau d'énergie et à la constante de Planck, il est impossible d'isoler les systèmes macroscopiques de la sorte. Seul un système isolé peut être dit cohérent tandis que l'effet qui se manifeste quand on augmente d'échelle est justement la décohérence. Celle-ci a pour conséquence d'approcher toutes les valeurs propres d'une observable aussi proche de 0 qu'on le veut, sauf une qui par conséquent s'approche de 1 de la même manière. Ainsi, pour les systèmes macroscopiques, l'influence de l'environnement a pour conséquence de limiter les états de superposition car en pratique la valeur propre majorée peut être considérée comme égale à 1 et les autres à 0. Ainsi on tend à expliquer pourquoi les objets macroscopiques nous apparaissent comme ayant une position et une trajectoire bien définies. Mais, en toute rigueur, l'état de l'objet reste superposé et aucune de ses valeurs propres n'a une probabilité d'être observée de 1. Donc, pour expliquer qu'au moment d'une mesure c'est bien telle ou telle valeur qui est observée, il est nécessaire de réintroduire le principe de réduction du paquet d'ondes. La décohérence est une théorie confirmée par l'expérience qui a le grand mérite de nous aider à mieux comprendre le comportement quantique des entités macroscopiques, mais rigoureusement elle ne résout pas cet épineux problème que pose l'opération de mesure en physique quantique.

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