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Naturalisme et philosophie de l'esprit

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par Lucas GUILLEMOT
Université de Provence - Maitrise de philosophie 2002
  

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d) Première définition de l'esprit

Adoptons néanmoins une première définition très sommaire de l'esprit : l'esprit désigne l'ensemble des propriétés mentales d'une substance physique, que l'on peut appeler la personne ou l'agent. Mis à part les difficultés déjà rencontrées, l'usage du terme de « propriétés » peut déjà être discuté car il présuppose que les états mentaux sont des états réels, et non de simples attributions d'un observateur / interprète. Nous conserverons néanmoins cette définition parce que leur réalité n'est pas mise en doute dans notre psychologie ordinaire et quotidienne.

Maintenant qu'il est sommairement défini, nous pouvons nous intéresser à la façon dont on a tenté d'expliquer ou de décrire ce phénomène.

e) Naturalisation de l'esprit et explication causale

On peut concevoir la naturalisation comme un certain type d'explication ou de tentative d'explication de l'esprit ou de la présence constatée de phénomènes mentaux, c'est-à-dire d'états ayant pour la plupart d'entre eux un certain contenu (« il va pleuvoir » étant le contenu de la proposition « il croit qu'il va pleuvoir »). Elle vise alors à expliquer les phénomènes mentaux ou propriétés mentales par leurs causes et par leurs effets, comme on le fait pour n'importe quel autre phénomène naturel, en intégrant les phénomènes mentaux comme un maillon nécessaire de la chaîne causale, sans lequel l'explication de nos comportements semble devoir être insuffisante ; c'est en tout cas de cette façon que Joëlle PROUST la définit : « ...il s'agit d'établir si une notion comme celle de représentation, ou de conscience, généralement considérées en philosophie comme des notions irréductibles, voire constitutives du domaine sémantique, peuvent en fait recevoir une explication de type ordinaire, c'est-à-dire être expliquées causalement comme n'importe quel phénomène naturel » 1(*). Dans cette optique, les représentations sont conçues à la fois comme des causes de nos comportements et/ou comme des effets/conséquences provenant de la sélection naturelle ou d'un apprentissage.

f) Naturalisation et réduction

Mais les tentatives de naturalisation sont confrontées à une double exigence : elles ont à la fois besoin des phénomènes mentaux pour expliquer nos comportements, mais il semble qu'elles doivent en même temps les réduire à des phénomènes physiques pour que la causalité entre les premiers phénomènes et les seconds soit possible. Une naturalisation de l'esprit ne pourra-t-elle être autre chose qu'une tentative de « réduire l'intentionnel à du physique », comme semble le penser Joëlle PROUST ? 2(*)

Comme l'expose très clairement Pierre JACOB dans l'Introduction aux sciences cognitives3(*) : « Traditionnellement - depuis Descartes -, le problème de l'influence causale des états mentaux a revêtu la forme d'un «  trilemme » qu'on peut aujourd'hui formuler de la manière suivante :

(A) (a) Il existe des entités (processus, phénomènes, états, etc.) matérielles ou physiques révélées tant par le sens commun que par les sciences   « physiques » (ou sciences de la nature)

(b) Il existe des entités (processus, phénomènes, états, etc.) mentales révélées tant par l'introspection ordinaire que par les sciences cognitives.

(B) Principe d'interaction causale : seules les entités qui obéissent à des principes tels que la conservation de l'énergie - donc les entités physiques - peuvent exercer une action causale.

(C) Les entités mentales interagissent causalement tant entre elles qu'avec les entités physiques. »

Il s'agit d'un « trilemme » car nous ne pouvons pas soutenir les principes (A), (B) et (C) en même temps, à moins de faire des états mentaux des entités inefficaces causalement, ou efficaces seulement en tant qu'ils sont physiques.

On peut se demander quelles conséquences nous devons tirer de cette formulation du problème. Ne pouvons-nous faire autre chose que réduire les entités mentales à des entités physiques pour expliquer la causalité qu'il semble y avoir entre les premières et les secondes ? Nous verrons que cette réduction n'est pas suffisante car elle ne rend pas compte de certains faits.

Même si l'on acceptait ce point de vue, devrons-nous privilégier un réductionnisme fort ou un réductionnisme faible ? Il faudrait encore préciser ce que nous entendons par réductionnisme. Jusqu'ici, il s'agissait d'ontologie, mais c'est une des ambiguïtés de ce qu'on appelle la naturalisation de l'esprit, qu'elle puisse être comprise à la fois comme un réductionnisme ontologique (il s'agit de réduire des entités mentales à des entités physiques) et/ou comme un réductionnisme conceptuel (il d'agit de réduire principalement nos explications en termes mentaux à des explications en termes physiques) ; Pascal ENGEL définit d'ailleurs les deux thèses du naturalisme de la manière suivante : « l'une est ontologique et dit qu'il n'y a pas d'états, de propriétés, d'évènements, ou de processus mentaux au-delà des entités physiques identifiées par les sciences physiques... ou, tout au moins par des sciences naturelles comme la biologie. » ; « la seconde thèse est méthodologique. Elle requiert que le langage et les concepts mentaux usuels soient expliqués ou réduits en termes de concepts considérés comme valides dans les sciences physiques ou naturelles. »1(*). Nous nous intéresserons plus particulièrement au naturalisme méthodologique, la naturalisation de l'esprit devant être ici comprise comme la mise en pratique de cette méthodologie vis-à-vis des propriétés mentales plutôt que sémantiques1(*).

* 1 (p. 10-11 / Comment l'esprit vient aux bêtes / éd. Gallimard.)

* 2 (p.62 / Comment l'esprit vient aux bêtes / éd. Gallimard).

* 3 (p.321 / Introduction aux sciences cognitives / Le problème du corps et de l'esprit aujourd'hui / éd. Gallimard - Folio essais)

* 1(p.9 / Introduction à la philosophie de l'esprit / Engel / éd. La découverte).

* 1 Nous considérons en effet que l'intentionnalité des propriétés sémantiques est dérivée de l'intentionnalité des propriétés mentales et renvoyons à l'argument de Joëlle PROUST qui nous apparaît convaincant  : « Le fait qu'un ordinateur puisse être interprété de manière intentionnelle est lié au fait qu'il a été conçu pour émuler des suites d'états intentionnels ; mais cette intentionnalité est dérivée de son concepteur et de ses utilisateurs successifs. Il en va de même des phrases d'une langue : elles ne sont pourvues de contenu représentationnel que pour autant qu'elles sont utilisées par un système qui les charge d'intentionnalité. » (p.33 / Comment l'esprit vient aux bêtes / Proust)

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld