D. Propos sur l'application conjointe des
politiques américaine et "Brettonwoodienne" au Cameroun à l'aune
des P.P.T.E.
Dès lors que la congruence des intérêts
américains et Brettonwoodiens a été relevée, il
s'agit par le cas particulier du programme des PPTE de faire un examen de la
promotion de l'économie libérale au Cameroun. Il faut ne pas
perdre de vue que le postulat de l'instrumentalisation des institutions de
Bretton Woods par Washington a été posé ci-dessus.
L'examen dont il sera question ici n'aura pas la rigueur d'un économiste
puisqu'il s'agit surtout de dire que les PPTE illustrent mieux
l'instrumentalisation des IFI par Washington au Cameroun dans la Promotion
démocratique.
En 1996 au Sommet du G8 à Lyon, le programme PPTE est
lancé. Il constitue le dernier-né des programmes lancés
par les bailleurs de fonds pour permettre aux pays endettés de pouvoir
rembourser à leurs créanciers. Pour y être admis, il faut
être un pays pauvre très endetté ; c'est à dire
avoir une dette insoutenable et des populations qui vivent en dessous du seuil
de pauvreté (1dollar/jour). Il faut par ailleurs avoir signé un
accord avec le FMI au titre de FRPC (Facilité pour la réduction
de la pauvreté et de la croissance)et produire un DSRP (Document
stratégique pour la réduction de la pauvreté).
Dans la production du DSRP, il y a la nécessité de
consultation et constitution d'une société civile. Il s'agit de
rassembler les « forces vives » de la Nation pour
élaborer, une stratégie de réduction de la
pauvreté. Les exigences de bonne gouvernance sont une nouveauté
dans ce programme.
A l'origine de l'initiative PPTE, ce sont les institutions de
Bretton Woods qui par des missions régulières, viennent
vérifier l'application des conditionnalités au rang des quelles
la bonne gouvernance. Pendant que le Sénégal, le Mozambique, le
Bénin et l'Ouganda n'ont mis que trois ans pour parcourir l'ensemble de
la procédure, le Cameroun en a mis six. Et c'est là
l'intérêt, le point d'achèvement est atteint par le
Cameroun le 28 avril 2006 après les réunions des 26 et 27 avril
2006 à Washington. Ce, après une grande agitation diplomatique
entre autre de R. NIELS MARQUARDT, ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun. Il
faut rappeler qu'en 2005 le Cameroun n'a pas atteint ce point du fait d'un
dérapage budgétaire de 150 milliards. Il apparaissait donc aux
yeux des observateurs que le Cameroun peut produire des richesses, et donc peut
rembourser à ses créanciers mais doit pour cela adopter une
rigueur budgétaire ; D'où la nécessaire
démocratisation de la gestion des ressources du pays.
Au rang des points qui ont donné satisfaction aux
institutions de Bretton Woods, il y a :
- L'amélioration de la gestion budgétaire
- La limitation des dépenses publiques
- La transparence observée dans le fonctionnement du
budget.
- L'avancée de la gouvernance.
- La lutte contre la corruption ... il s'agit notamment de
pratiques qui sont propre à la démocratie. Elles relèvent
toutes ou presque de ce que Guillermo O'DONNELL appelle
«horizontal » et « vertical
accountabilities » (O'DONNELL, 1994). La démocratie
suppose la participation élevée du peuple à la gestion des
affaires de l'Etat. C'est-à-dire que le peuple qui mandate les
représentants doit être informé de tout ce qui concerne les
affaires de la République tant il est vrai que la
« res-publica » est la chose
publique ; « la chose du peuple ». PRZEWORSKI
pense que le mandat suppose que les citoyens disent aux gouvernants ce qu'ils
doivent faire alors que l' « accountability » suppose
que les citoyens jugent si le gouvernement a fait ce qu'il devrait faire
(PRZEWORSKI et alii, 1999 : 16). La difficulté dans la gestion
au Cameroun provient de ce que l'Etat était coupé en
deux ; d'une part une minorité de gens qui décident dans
l'unilatéralisme et de l'autre le peuple, la cohue de la misère
qui n'était nullement au courant du fonctionnement des institutions. Ce
d'autant plus que les medias étaient aussi affiliés à l'un
ou l'autre camp. Ainsi, il y a les médias du gouvernement et les
médias d'opposition. Le Cameroun présentait donc les traits de
l'Etat originel Mastropaolien ; C'est-à-dire l'Etat tel que
pensé à ses origines par Alfio MASTROPAOLO (1986).Il s'agit d'un
Etat qui émerge suite à la concentration du pouvoir de
décision par la caste des détenteurs des capitaux.Ces derniers se
distinguant,constituent l'Etat et le reste du peuple formant ipso
facto la société.
Depuis son arrivée au Cameroun en 2004 et
précisément dans le but poursuivi par le Cameroun en 2006
à savoir celui d'atteindre le point d'achèvement de l'initiative
PPTE, l'ambassadeur américain R. NIELS MARQUARDT, défendant la
position de Washington s'est beaucoup impliqué dans le combat pour la
bonne gouvernance. En cela, il rejoignait les institutions de Bretton Woods. Il
est vrai que les buts déclarés étaient différents.
Pour les institutions de Bretton Woods,il s'agissait d'amener le Cameroun par
une rigueur budgétaire à démontrer sa capacité
à créer des richesses. Et, pour Washington, il s'agit d'avoir un
partenaire commercial fiable, dans lequel les investissements sont en
sécurité ; un partenaire dans lequel le risque pays est peu
élevé.
Même si les buts déclarés divergent, dans
la pratique, aussi bien Washington que Bretton Woods insistent sur la
nécessaire démocratisation de la gestion des ressources publiques
pour le développement durable.
La démocratisation de la gestion des ressources
publiques suppose que les dépenses sont effectuées de
manière transparente et consensuelle. L'opacité observée
ces dernières années a conduit à
« l'enrichissement scandaleux » de certains Camerounais. Le
montant total de la dette du pays est inférieur aux avoirs à
l'étranger de quelques individus (avoirs estimés à 8 000
milliards de FCFA). La démocratie suppose aussi l'établissement
des normes et règles stables et connues qui rythment les
investissements. Il faut qu'un investisseur étranger qui arrive au
Cameroun ait l'assurance que le droit protège son investissement par
des règles justes et précises.
Avec l'atteinte du point d'achèvement en avril 2006,
c'est la victoire non pas seulement de la rigueur budgétaire mais,
surtout de la démocratie qui en s'implantant davantage, a changé
les règles du jeu.
En définitive, il paraît que l'examen de la
politique américaine au Cameroun en matière économique
conduit inévitablement à l'exploration des pratiques et exigences
que les institutions de Bretton Woods utilisent depuis 1986, ces exigences et
pratiques ont connu une évolution depuis 1996 avec la naissance de
l'initiative PPTE qui a crée la conditionnalité politique. Une
fois que cela a été dit, il convient de relever que c'est
à titre global, le cadre qui délimite les relations du Cameroun
avec le IFI et Washington. L'attention doit cependant être portée
sur le rapport précis et explicite que les Etats-Unis établissent
entre l'assistance économique au Cameroun et la consolidation
démocratique.
SECTION II :
L'assistance économique américaine et la promotion de la
démocratie au Cameroun.
Depuis la décennie 1990, l'Administration
américaine conditionne son assistance économique par la
nécessité de reformes institutionnelles. La politique africaine
disait Warren Christopher en Afrique du Sud le 12 octobre 1996
« consiste à promouvoir la démocratie, à
éviter les conflits, à stimuler la prospérité et
l'intégration économique et à soutenir le
développement durable » (extrait cité par Charles COREY
dans la revue Afrique/Etats-Unis N°05 d'octobre 1996).
Mme Susan RICE quant à elle relevait qu'il faut accélérer
l'intégration de l'Afrique dans l'économie mondiale. Cet
objectif implique l'engagement simultané de notamment « la
promotion des reformes économiques ... le soutien à la
démocratie, l'encouragement du respect des Droits de
l'Homme... ». Lors de ce discours prononcé le 11 septembre
1997 devant la commission sénatoriale des relations extérieures,
Susan RICE désignée par Bill CLINTON pour être
secrétaire d'Etat adjointe chargée des affaires africaines
faisait déjà un rapport entre la démocratie et le
développement économique. L'idée de la
conditionnalité politique faisait donc son chemin dans la politique
africaine des Etats-Unis. C'est dire que 2001 ne constitue pas l'année
zéro de la promotion démocratique au Cameroun ; c'est aussi
dire que l'assistance économique des USA vis-à-vis du Cameroun
relève d'abord du souci des américains de voir l'Afrique se
développer. Il s'agit d'un élan
d' « humanisme ». L'objectif c'est donc de
démontrer que la promotion de la démocratie par les Etats-Unis au
Cameroun conditionne le décollage économique par une
consolidation démocratique.
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