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Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

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par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

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La transposition du droit de la Convention en droit interne

Toutefois étant donné que le juge constitutionnel n'est pas habilité par la Constitution à exercer un contrôle sur toute les lois votées mais uniquement sur celles qui lui sont déférées par l'une des autorités permises- le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs - aujourd'hui seulement environ 10 % des lois y sont déférées38(*). La protection constitutionnelle de la liberté de la presse s'en trouve donc forcément limitée: l'on peut s'interroger sur la réelle constitutionnalité de certaines lois adoptées sans avoir reçu la sanction des Sages. Étant donné qu'il n'existe pas à ce jour de contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois par les juridictions ordinaires, il semble bien que la Convention Européenne des droits de l'Homme soit un instrument indispensable pour combler cette lacune du droit. En effet, non seulement, la Cour Européenne de Strasbourg exerce par ses arrêts une influence majeure dans la protection des libertés fondamentales, mais, il faut aussi noter que du fait du contrôle de conventionnalité exercé par les juridictions internes, ces dernières ont trouvé une parade pour déjouer l'interdiction du contrôle constitutionnel des lois.

Le droit de la Convention européenne n'a pas eu besoin en France d'être transposé par l'intermédiaire d'une loi pour pouvoir s'appliquer directement et être invocable par les particuliers devant les cours. Il en va différemment de l'Écosse car le système britannique contrairement à la France se définit clairement comme dualiste entre l'ordre juridique international et l'ordre juridique interne: les sources internationales du droit ne peuvent être appliquées qu'après incorporation en droit interne par le vote du parlement d'une loi reprenant les dispositions internationales. Ceci est un corollaire du principe de la souveraineté du parlement (le parlement ne reconnaît pas de lois supérieures auxquelles il doit être lié et ne pourrait accepter l'application de règles juridiques de valeur législative sans son consentement préalable39(*)). Subséquemment, avant l'incorporation de la Convention Européenne des droits de l'Homme par l'Human Rights Act de 1998 et le Scotland Act de 1998, les cours écossaises refusaient de prendre en considération le droit européen dans leur jugement d'affaires concernant les libertés individuelles. Dans un arrêt de principe Surjit Kaur v Lord Advocate40(*), Lord Ross avait affirmé que « les cours écossaises ne peuvent pas tenir compte de la Convention jusqu'à ce que ses dispositions soient reprises dans un Statut ». Cet obiter dictum sera repris par la haute juridiction écossaise dans un arrêt Moore v Secretary of State of Scotland41(*). Cette approche restrictive a découragé toute référence à la Convention Européenne dans les jugements écossais pendant de nombreuses années bien que certaines allusions apparaissent dans le discours de la Chambre des Lords.42(*)

Ceci contraste avec l'attitude adoptée par les juridictions en Angleterre et en Pays de Galles. En effet, dans les arrêts anglais de la Chambre des Lords, il est établi que dans l'interprétation de dispositions nationales ambiguës, les cours devaient présumer que le parlement a voulu légiférer en conformité avec la Convention (doctrine du Lord Bridge)43(*).

Il faut noter toutefois que la Convention a commencé à avoir un impact indirect sur les cours écossaises du fait d'un certain nombre de décisions de la Cour Européenne des droits de l'Homme ayant trait au contentieux pénal écossais.44(*)

Lord Hope après sa désignation en tant que Lord President et Lord Justice-General a décidé dans le célèbre arrêt T, Petitioner de revoir le statut de la Convention dans le droit écossais en déclarant « l'opinion de Lord Ross (...) est de plus en plus considérée a la lumière d'une évolution subséquente comme étant dépassée et, selon mon opinion, (...) il est temps de l'abandonner expressément. ». Il a conclu que la distinction à ce sujet entre les cours écossaises et le reste du Royaume Uni ne pouvait plus être justifiée et a demandé l'adoption par les juridictions écossaises de la doctrine du Lord Bridge.45(*)

à partir de cet arrêt, la Convention a été citée de plus en plus fréquemment par les cours écossaises particulièrement par la High Court of Justiciary mais principalement comme une aide pour l'interprétation.46(*) Mais c'est avec le SA et l'HRA que la Convention est devenu invocable devant les tribunaux : la première loi permet d'éviter que le parlement écossais puisse voter une législation contraire à la Convention47(*) par une procédure complexe d'examen avant l'introduction du projet de loi au parlement écossais, par l'exécutif écossais et un officier indépendant et, avant l'envoi pour sanction royale48(*) par un comité judiciaire qui peut mettre fin à la procédure. En plus de ce contrôle a priori et abstrait le SA dispose que les juridictions doivent considérer lors de leur procédure si un acte du parlement écossais entre bien dans sa compétence49(*). Et, une personne peut soulever le moyen de la violation de ses droits inscrits dans la Convention par un tel acte à condition toutefois qu'elle en soit victime au sens de l'article 34 de la Convention50(*). Si une juridiction décide que l'acte du parlement écossais n'est pas une loi, elle a le pouvoir d'émettre un ordre qui en supprime ou limite les effets.51(*)

De la même façon pour l'exécutif écossais, le transfert des fonctions ministérielles existantes aux ministres écossais n'est possible que s'il n'est pas contraire à la Convention52(*) et, les membres de l'exécutif écossais n'ont pas le droit d'agir de façon incompatible avec la Convention53(*) et si c'est le cas, les cours pourront en traiter durant la procédure et émettre54(*) un ordre qui en supprime les effets.

Au plan central, l'HRA entré en vigueur un an après le SA permet aux habitants britanniques de revendiquer leurs droits inscrits dans la Convention devant les juridictions nationales et d'éviter ainsi d'augmenter coût et retard en allant devant la Cour Européenne des droits de l'Homme55(*). Cette législation a introduit l'obligation pour les juridictions de lire et de donner effet, `autant que possible`, à la législation de façon compatible avec la Convention56(*), de faire une `déclaration d'incompatibilité` lorsqu'elle constate la contradiction entre les deux textes57(*), de ne pas agir de façon contraire à la convention (tout comme les autorités publiques) et à la jurisprudence de la Cour Européenne dans leurs décisions58(*) et enfin d'exercer un contrôle de compatibilité des actes des autorités publiques (à l'exception du parlement écossais) si le requérant est victime au sens de l'article 34 de la Convention59(*).

La doctrine de la souveraineté du parlement britannique vient encore une fois limiter l'importance de cette réforme: contrairement aux actes du parlement écossais, les lois votées par le parlement de Westminster ne sont pas sujet au contrôle de constitutionnalité ni de conventionnalité. Avant que le projet ne devienne loi, le ministre parrain doit fournir une déclaration qui indique que la loi est conforme à la Convention des droits mais, si la non-conformité est déclarée elle n'a pas d'effet sur la procédure si le gouvernement veut faire passer la loi.60(*) Toutefois, cette déclaration sera prise en compte par les juridictions pour apporter la preuve que le gouvernement a agi consciemment en contradiction avec la Convention et empêchera de donner une interprétation conforme: Si les cours61(*) ont la capacité d'adresser une « déclaration d'incompatibilité » de cette loi, l'HRA affirme dans la section 3(2) b que sa validité et sa mise à exécution n'en seront pas affectées et, elle n'a aucun effet juridique même entre les parties au jugement62(*). Ainsi, même les actes de l'exécutif pris en application de cette loi ne pourront être sujets au contrôle de conventionnalité par les cours (c'est une sorte de théorie de la loi écran qu'on retrouve en France). Cette déclaration pourra être prise en compte par le parlement qui garde sa pleine souveraineté: le ministre en question a le pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures correctives en émettant ordre qui doit être approuvé par les deux chambres du parlement.63(*)

En France comme en Écosse donc, la Convention Européenne est appelé à jouer un rôle de « substitut » pour exercer un contrôle de constitutionnalité qui autrement est impossible: le juge est amené à interpréter à la foi Convention et droit national dans la mise en balance entre liberté de la presse et droits de la personne. Par conséquent, il reste nécessaire de scruter les législations nationales française et écossaise afin de connaître la différence dans la réception du droit européen et son rôle potentiel d'uniformisation des limites juridiques à la liberté de la presse par les droits individuels.

Pour ce faire il faut dans ce domaine faire la distinction entre d'une part la divulgation d'informations et d'autre part l'expression d'opinions car selon la Cour Européenne, si la première peut être soumise à l'exigence d'exactitude, la seconde connaît un régime juridique plus souple64(*). En effet, imposer la preuve de la matérialité des jugements de valeur revient en fait à porter atteinte à la liberté d'opinion du fait que cette exigence est irréalisable.65(*) Cette liberté d'opinion se heurte au droit de ne pas être outragé dans ses convictions religieuses, à la non discrimination et au droit de ne pas être attaqué sur des fondements racistes et enfin, à la protection de la moralité individuelle: dans ces domaines, la jurisprudence européenne paradoxalement laisse une large marge d'appréciation aux États. De ce fait, les pratiques juridiques entre France et Écosse dans ses domaines reflètent bien les différents choix de valeur sociétale (chapitre I). En revanche dans le domaine de l'information et particulièrement celle de nature politique, la Cour Européenne impose une plus stricte analyse de la compatibilité des limites inhérentes aux droits individuels avec les principes de nécessité et de proportionnalité: l'influence de la jurisprudence européenne dans la convergence des droits écossais et français est nettement plus prégnante dans la mise en balance entre la liberté d'information du public et les droits d'autrui. (Chapitre II)

* 38 N. Molfessis, « La dimension constitutionnelle des libertés et droits fondamentaux », p88 in Libertés et droits fondamentaux 2006 12ème éd. Sous la direction de R. Cabrillac M-A. Frison-Rocho T. Revet, Dalloz, p77-97.

* 39 J. H. Rayner Ltd v Dept of Trade and Industry 1990 2 AC 418.

* 40 Surjit Kaur v Lord Advocate, 1980 SC 319.

* 41 Inner House, Moore v Secretary of State for Scotland, 1985 SLT 38

* 42 Par ex. Lord Advocate v Scotsman Publications Ltd 1989 SC (HL) 122.

* 43 R v Secretary of State for the Home Department, ex p Brind, 1991 1AC 696 voir aussi Salamon v Commissioners of Customs and Excise, 1967 2 QB 116, Diplock L.J «there is a prima facie presumption that Parliament does not intend to act in breach of international law».

* 44 Les juridictions écossaises ont du prendre en compte la jurisprudence de la Cour voir notamment CEDH, Granger v United Kingdom, 1990 A174 et Bonner v UK, 1994 A 300-C.

* 45 T, Petioner, 1997 SLT 724-734.

* 46 McLeod v HM Advocate, 1998 SCCR 77.

* 47 SA 1998, s29 (2) d.

* 48 Ibid., s31 et s32.

* 49 SA 1998 Sch6 para1(a).

* 50 Ibid., s100(1).

* 51 Ibid., s102.

* 52 Ibid., s53.

* 53 Ibid., s57.

* 54 Ibid., s102.

* 55 White Paper Rights Brought home (cm 3782 (1997) p.1).

* 56 Human Rights Act, s3.

* 57 HRA, s4

* 58 HRA 6(1) pris avec 6(3) pour la Convention et s(2) pour la jurisprudence.

* 59 HRA 1998, s7.

* 60 HRA s19.

* 61 Ce n'est pas toutes les cours mais un certains nombre listées HRA s5.

* 62 HRA s6.

* 63 Ibid. s10

* 64 Lingens, précité, par. 46.

* 65 Voir aussi Oberschlick c/ Autriche, 1991 ; Schwabe c/ Autriche, rapport de la Commission du 8 janvier 1991 ; Dalban c/ Roumanie, 1999.

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