2.2) La banalité à vivre
Le banal ne se contente donc pas d'être un sujet
d'étude, ou un sujet de description, ou un sujet de définition.
Heidsieck ne définit rien, ne décrit rien. Il n'entre absolument
pas dans les attentes de la poésie habituelle ou encore, malheureusement
unanimement et banalement comprise.
Le banal n'est pas seulement
« prétexte » d'écriture, il est rendu dans
son « être-là ». On pourrait dire qu'il est le
début, le milieu et la fin du travail. Début en tant que
« biopsies » parfois menées au hasard de ce banal
jamais complètement prévisible. D'où cette énorme
difficulté à en rendre compte, car il est une donnée
fluctuante et non maîtrisable. Milieu car le poète doit
s'imprégner par la sémantique (qu'il opposera à
François Dufrêne) de ce banal : comment le mettre en sons, en
rythme, en cris, voire en mots complets ou tronqués. Et enfin,
« fin », pour autant qu'elle soit possible car les textes
qui rendent vraiment compte d'une boucle fermée sont rares, dans la
transmission à un public. Seule cette imprégnation finale du
public qui permet une réciprocité du texte, du lecteur-Heidsieck
et du public teste l'efficacité du poème. Cette trinité de
la banalité pose un point quasi final à sa perfectibilité.
Il s'agit bien d'une poésie centrifuge, happante, inclusive, grâce
à ces petites saynètes de mise en situation du banal. Certes, ce
banal est une sorte de concentré de banal dans la mesure où
l'engagement du poète n'est pas à démontrer. Il choisira
ce qui produit du son et du sens, en une accumulation de divers
procédés qui ont pour but de créer un monde de
banalité.
Donc on ne peut pas parler comme Ponge d'une
« transfiguration » du banal mais d'une
« phono-signifiance » du banal, à la fois comme mise
en sons et comme compte-rendu sonore. Nous verrons qu'il s'agit aussi d'une
sublimation.
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