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Francis Ponge et Bernard Heidsieck: exemples d'un parti pris du banal en poésie contemporaine

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par Delphine Billard-Kunzelmann
ENS-lsh Lyon - DEA stylistique 2004
  

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1.2) Faire entrer en communication la poésie

Heidsieck revendique le banal et en fait une ligne de force de sa poésie. Il s'explique sur ce thème dans Notes convergentes98(*) : le poème est à la recherche d'un contact.

 Afin, mû par le désir d'être en prise concrète avec le monde, d'y injecter sa propre pulsation. Ou de le tenter. Ne serait-ce que l'espace de sa propre durée. La société ainsi, pour interlocuteur complice et matière première. Et d'en finir donc, avec, à son égard, cette gamme d'attitudes nobles, de refus et condamnations, de diatribes systématiques et sans appel. Ou pour le moins de créer une rupture dans leur cascade. 

Donc le monde n'est pas seulement un décor dans ce théâtre qu'est la vie. Il doit faire partie intégrante du poème. Heidsieck stigmatise en effet cette « commodité, sinon complaisance » qui consiste à « jeter l'anathème, enfin, en vrac, sur les évidences journalières d'un monde qui de toute évidence à chaque instant reste à faire ou à refaire. »,

 il incombe à la poésie, donc, aussi, de participer à cette course, aussi folle soit-elle sinon pour cette raison même. De vivre au rythme ambiant. Perpétuellement tendue. Et de jouer dans ce tourbillon un rôle de garde-fou, d'électro-choc ou d'anti-somnifère. 

La banalité du monde comprise comme acceptation de son inexorabilité est refusée par Heidsieck. Il s'agit de lutter contre ce sentiment d'attentisme global. Il s'agit de refuser de refuser le monde : le prendre en compte comme il est sans entrer dans la démarche banale de le rejeter sans chercher à le corriger.

Il y a même une certaine commodité, sinon complaisance, à se retrancher, par exemple, derrière le mythe d'une révolution attendue, restant à faire, pour en ignorer les indices quotidiens, refuser de voir ou rejeter les modifications radicales ou insensibles de chaque jour. A jeter l'anathème, enfin, en vrac, sur les évidences journalières d'un monde qui de toute évidence à chaque instant reste à faire ou à défaire, et fort d'un échantillon de constats désastreux, de leur opposer, à titre d'excuse pour n'y point toucher, ne pas s'y tremper, quelque absolu inflexible, mais pétrifié, ou un passé dans l'impossibilité de resurgir.99(*)

Sentiment d'appartenance à la société et refus de le nier.

« D'où ses tentatives pour redevenir orale. Donc audible plus que visible. » La poésie doit retourner à sa source sonore pour se faire au sens propre entendre. Car le poème doit prendre ce risque de s'extraire de la page et doit s'incarner en un

cri écartelé mais déchirure-charnière puisque, avec l'un et l'autre, un nouveau cycle, centrifuge, cette fois s'est ouvert à la poésie. Le poème se retourne à 180 degrés et s'ouvre au monde. Il est à réinventer. La force des mots avec lui. Leur sens. Celle, en somme, ou celui de la communication. Simplement. 100(*)

Le poème s'incorpore à la lettre dans la diction pour affronter le public. Heidsieck rappelle à plusieurs reprises le choc ressenti à l'écoute de la musique de la première oeuvre de musique électronique qu'il entendait : Les Chants des adolescents de Stockhausen et la prise de conscience immédiate d'un grand retard de la poésie sur la musique et la peinture. Il s'agissait, au début de 1955, des concerts du Domaine Musical, sous la direction de Pierre Boulez, les oeuvres de Varèse, de Stockhausen, de John Cage... Le tourbillonnement de cette musique lui donne l'idée de faire tourbillonner de la même façon les mots dans une salle de « concert » de mots. Il faut arracher la poésie à la page, il faut en faire des « partitions ». Le premier de ses poèmes-partitions, le Poème-Partition « N » est à cet égard symptomatique dans sa présentation même puisqu'il est imprimé sur du papier à bandes horizontales noires et blanches. Quant au Poème-Partition « V », il s'est voulu hommage à Edgar Varèse, compositeur franco-américain dont Heidsieck découvrait à l'époque « avec passion et admiration folles »101(*) la musique. Là encore une proximité musicale se dessine puisque le début du texte fait écho exact avec sa fin, signifiant la boucle de la journée qui peut ainsi se répéter indéfiniment mais également une sorte de « thème » musical. Une poésie nouvelle apparaît donc qui se donne pour but de prendre à rebours la « poésie blanche » et le Surréalisme. La première représentée par « la vacuité, la blancheur, l'iconoclasme radical de l'autre (un mallarméisme exténué) », la seconde caractérisée par une « inflation des images (...) (un surréalisme aggravé) »102(*).

* 98 Notes convergentes, Al Dante, coll. « Critique », 2001, p. 26-29.

* 99 Notes convergentes, Al Dante, coll. « Critique », 2001, p. 27.

* 100 Notes convergentes, Axe n°3, Anvers 1976.

* 101 Courrier daté du 25 septembre 2006.

* 102 J.-M. Gleize, À Noir, coll. « Fiction & Compagnie », Deuil, 1992, p. 115.

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