L'élimination des
gaspillages
L'absence de gaspillage
sur un marché de contestabilité parfaite recouvre plus de choses
qu'on ne pourrait le dire à première vue. L'inefficacité
dans l'allocation des ressources est évidemment exclue- c'est le type
gaspillage que la théorie économique étudie volontiers.
Elle exclut l'emploi du facteur x par la firme A et du facteur y par la firme
B si x donne un produit de valeur plus grande que s'il est employé par
B, et y une valeur plus grande s'il est employé par A. Par ailleurs,
l'absence de gaspillage qu'impose la contestabilité parfaite interdit
l'inefficience- x, ce phénomène sur lequel Harvey Leibenstein a
attiré l'attention et qui englobe toutes les formes
d'inefficacité en dehors de la mauvaise allocation des ressources
qu'étudie souvent la théorie économique courante: il
s'agit, par exemple, du gaspillage du à une direction
incompétente, à des erreurs, au manque d'initiative entre autres.
La contestabilité parfaite, de même, est incompatible avec la
perte d'efficacité due à des retards dans l'adoption
d'améliorations technologiques, car ces délais entraînent
eux aussi des coûts que l'on aurait pu éviter. Cela signifie que
la contestabilité demande exactement que les nouvelles techniques de
production soient adoptées dès qu'elles deviennent disponibles
(mais elle ne règle pas le problème du « passager
clandestin » qui va pair avec le développement des connaissances ou
les inventions nouvelles, de sorte qu'elle ne garantie pas un niveau
socialement optimal des dépenses de recherche ou un flux optimal
d'innovations).
L'élimination des
pratiques de prix artificiellement bas
Le troisième
avantage heureux de la contestabilité parfaite est qu'elle interdit tout
système de « prix de prédateurs » et de
prix artificiellement bas ; c'est la une propriété
essentielle dans la perspective du contrôle des monopoles et des
entreprises disposant d'un pouvoir sur le marché, lorsqu'il s'agit
notamment d'éviter que celles-ci ne renforcent encore leur position
dominante.
Il y a des prix de
prédateurs quand une firme en place pratique des prix qui impliquent une
perte délibérée de profit, afin, soit de chasser du
marché un concurrent, soit d'empêcher l'entrée d'un nouveau
rival. Une fois cela obtenu, le prédateur peut révéler ses
prix pour retrouver les profits excessifs qui compenseront ceux qu'il a
antérieurement sacrifiés. Comme la perspective des profits futurs
excessifs est inhérente à la prédation, et que la
contestabilité parfaite, en assurant par des coûts d'entrée
nuls une pression concurrentielle permanente, ne permet pas aux profits
d'être excessifs, la prédation perd alors tout attrait. Les
« subventions croisées », la seconde bête
noire des théoriciens du monopole, posent des problèmes plus
subtils. La « subvention croisée » existe quand un
ensemble de clients d'une firme peut acheter certains produits à un prix
qui entraîne une perte pour la firme et que cette perte est couverte par
des prix excessifs imposés à d'autres clients. On dit alors que
ces derniers accordent aux premiers une subvention interne.
Cela est, en général, une accusation lancée
par une firme qui se plaint d'une concurrence déloyale parce qu'elle
doit faire face à des prix anormalement bas financés par une
telle subvention interne, tandis que la firme accusée compense les
subventions qu'elle pratique par les prix qu'elle impose sur les produits
où elle détient un monopole.
Nous voulons montrer maintenant comment la contestabilité
parfaite empêche ces subventions. Pour cela, remarquons d'abord,
qu'aujourd'hui, les économistes suggèrent de prendre le
coût total supplémentaire lié à la fourniture d'un
nouveau produit comme critère de l'inclusion ou de l'absence d'une
subvention interne dans le prix de ce produit. En d'autres termes, si ce prix
est tel qu'il engendre un revenu total au moins égal au coût total
supplémentaire lié à la fourniture du produit
c'est-à-dire à l'augmentation de coût total supporté
par la firme due à la fabrication de ce produit- on peut dire que les
acheteurs de celui-ci ne bénéficient pas d'une subvention
interne, car ils paient la totalité du coût supporté par la
firme pour la fabrication de ce produit. Mais, dans le cadre de la
contestabilité parfaite, tout prix engendrant un revenu inférieur
à ce coût total supplémentaire est incompatible avec
l'équilibre, et par conséquent, une subvention interne ne peut
exister. Un exemple fera bien comprendre ce raisonnement.
Considérons une firme qui fournit trois produits x, y et
z, et supposons que le revenu tiré de la vente de x soit
inférieur au coût total supplémentaire correspondant. Un
entrant peut alors survenir et n'offrir à la vente que y et z à
des prix légèrement inférieurs à ceux de
l'entreprise en place. En s'abstenant de produire x, l'entrant abandonne le
revenu provenant de x, mais évite de supporter l'augmentation de
coût, plus élevée que ce revenu, due à cette
fabrication ; il en résulte une addition nette aux profits de
l'entrant, qui dépassent ceux de l'entreprise en place.
Ainsi, la subvention interne permet à l'entrant de dégager
un profit en s'emparant des profits des marchés
bénéficiaires de l'entreprise en place, et en partageant avec les
acheteurs de ces produits des recettes qui allaient auparavant dans la
subvention interne.
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