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L'optimisme de Leibniz

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par Jérémy Lebègue
Université Sorbonne Paris 4 - Maitrise 2005
  

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PREMIERE PARTIE

Nécessité d'établir la conformité de la foi avec la raison avant toute discussion

A - La raison en théologie, la polémique en question, justifications.

Vouloir traiter de l'optimisme de Leibniz, c'est obligatoirement passer par l'établissement de thèmes métaphysiques chers a son système et par là même cruciaux pour qui souhaite en déterminer l'essence: la liberté (quels sont les réquisits qui font qu'une personne peut être dite << libre>>? Les choses peuvent elles être dites << libres >> ?), la nécessité (comment s'exerce-t-elle? Peut-on la concilier avec la liberté? Sa distinction en <<nécessité hypothétique>> et <<nécessité absolue ou géométrique >>) l'origine du mal (y a-t-il une <<substance>> du mal, un principe ou n'est il pas plutôt une privation d'être? Qui est la cause du mal ? Dieu ? L'homme ?).

C'est aussi se rendre compte que le 1 7e siècle, dans lequel s'insère Leibniz (né en 1646 et mort en 1716), est fait de religiosité et qu'on y débat sans cesse autour de questions théologiques : la prédestination (chaque individu semble destiné avant tout temps et hors de la considération des bonnes et mauvaises actions, a la damnation ou au salut, ce qui pose des problèmes quant aux raisons de Dieu dans l'élection de ses créatures et laisse entrevoir une sorte de fatalisme), la prédétermination (elle résulte de la prescience de Dieu et de sa toute puissance et correspond a une nécessité éternelle des évènements; il est question ici des causes qui déterminent les créatures dans leurs actions et est posée en ces termes: comment la détermination de tout acte par des raisons antérieures peut elle se concilier avec la liberté au présent qui exige que l'acte accompli soit du ressort de la créature, du sujet ?), la grace (elle concerne aussi la manière dont Dieu choisit ceux qui bénéficieront de son aide et qui, parce qu'ils sont aidés, verront la vérité comme personne et ce qui doit être fait pour réaliser le dessein de Dieu), le péché originel (qu'a-t-il pour cause? Sa raison d'être et sa place dans la détermination de Dieu a créer), la querelle du pur amour (peut-on aller vers Dieu, l'aimer sans être intéressé par les bienfaits dont il peut être la source, l'amour de Dieu doit-il être nécessairement désintéressé ?), la Trinité (cette question pose le délicat problème de l'un et du multiple, de la consubstantialité, donc de l'unité divine malgré sa désignation dans les Ecritures en trois personnes distinctes: le Père, le Fils et le Saint Esprit), la transsubstantiation (la présence de Jésus-Christ dans l'eucharistie, c'est-à-dire la transformation de la substance du pain et du vin en celle de son corps et de son sang).

Cela étant, le 1 7e siècle est aussi l'ère du rationalisme et de la mise en avant du pouvoir de la raison, de ses prétentions a connaItre ce qui est dit << être >>. Avec Leibniz, la raison est plus que jamais mise en première ligne, plus que jamais celle-ci prétend encercler le domaine de l'être et du connaissable, elle conquiert tout domaine oü la vérité peut être trouvée a force de

réflexions. La philosophie de Leibniz est un asservissement de tout ce qui est ou peut être au pouvoir de rationalisation de l'esprit. Pour Leibniz, le domaine de l'être est en droit, et en fait, analysable selon la méthode rationnelle que nous divulgue le principe de raison suffisante. La formulation par Leibniz du principe de raison - qu'Heidegger nous dit être la première et véritable formulation, la <<naissance>> du principe de tous les principes après le <<temps d'incubation>> qui lui a été nécessaire afin de se révéler a la pensée - est l'élément déclencheur et le point central de la philosophie de Leibniz: si le principe de raison sert a Leibniz pour l'édifice de son système et pour rendre compte de ce qui est, il nous sert (a nous) pour montrer que la <<raison>> du principe de raison (le principe de raison a-t-il une raison?) est l'exigence même de raison qui se fait jour dans la pensée alors même que cette exigence est demeurée enfouie pendant des millénaires. Que dit le principe de raison? Ceci: <<rien n'est sans raison >>, il assimile ainsi l'être et la raison - la raison pouvant être dite distributive des perfections, on parle d'être tel ou tel ou encore être dite existentielle auquel cas il s'agit de la possibilité d'être ou de ne pas être. A. Robinet écrit dans ce sens:

<<Il y a deux modalités de la raison suffisante [il fait du principe de la raison nécessaire et de la raison suffisante deux principes distincts] : l'une qui concerne l'ordre distributif du tel ou tel; l'autre qui décide de l'existence ou de la non-existence du tel ou tel. >>1

et Heidegger:

<<D'une facon générale, c'est-à-dire en règle générale, tout étant possède une raison, quelle qu'elle soit, de ceci qu'il est et qu'il est tel qu'il est. >>2

Le principe de raison suffisante encadre donc tout le domaine du réel mais sa force réside également en ce que le domaine du simplement possible c'est-à-dire de ce qui est pensable sans contradiction est lui aussi tenu par l'appel du principe de raison a fournir la raison des choses possibles en tant que telles. L'exigence du principe de raison est posée au moyen d'une double négation << rien ne ... sans ... >>, l'existence d'exception, c'est-à-dire de choses qui seraient sans raison, n'est même pas pensable, tout ce qui est possède une raison d'être plutôt que de ne pas être et d'être ainsi plutôt que autrement. La philosophie de Leibniz est un Panlogisme, tout est

1 A. Robinet, Justice et terreur - Leibniz et leprincipe de raison, Paris, Vrin, 2001, p.131 2M. Heidegger, Le principe de raison, Paris, Gallimard, 1962, p.49

rationnel et intelligible a celui qui sait correctement percevoir la série des raisons ainsi que leur enchaInement, tout est logique et déductible des premiers principes:

<<Pour caractériser cette métaphysique d'un seul mot, écrit Couturat, c'est unpanlogisme >>1

Nous disions que le principe de raison était le point central de la philosophie de Leibniz, de sa métaphysique; il est en effet présent dans chaque raisonnement que Leibniz fait, dans chaque idée maItresse, il est comme le garant de la véracité des assertions faites. Il sert ainsi a la démonstration de l'existence de Dieu, a la compréhension de son essence, a l'explication du mécanisme métaphysique qui s'exerce dans la création de l'univers mais aussi a la compréhension de la création elle-méme, du rapport entre elle et Dieu et nous informe en tant qu'il prétend nous amener a une justification suffisante des actes divins. Le principe de raison est le maître incontesté du système leibnizien.

Cependant, alors méme que la raison prétend pouvoir résoudre ces questions difficiles touchant Dieu et la création (en s'exprimant a travers le principe de raison), une autre puissance faisant autorité lui refuse toute légitimité et prétend que les questions auxquelles elle certifie pourtant avoir droit d'accès sont pour elles hors de portée et méme contraire a son mode de recherche, qu'elle ne saurait trouver de vérités si elle se lance sur ce chemin réservé. Il s'agit ici de la confrontation de la foi avec la raison et plus généralement de la philosophie avec la théologie, de la science avec la Religion.

En effet, ces questions ne sont elles pas du ressort de la foi? Comment la raison pourrait-elle prétendre fournir des connaissances sur des questions oü la Révélation a déjà établi son autorité? Pour qu'il en soit ainsi, il faudrait que la raison en ait les moyens et c'est, selon Leibniz, le cas. Nous l'avons dit, c'est le principe de raison et par suite la raison elle-méme qui s'immisce au sens propre du terme, elle intervient dans un domaine déjà régit par la foi, donc dans un domaine qui est la compétence d'un <<autre>> et se présente comme investigatrice sur chaque question qui avant son <<entrée>> relevait d'une autre puissance, d'un autre mode d'accès aux choses, c'est-à-dire de la foi. Nous en voulons pour preuve (avec Leibniz) le fait méme que le principe de raison soit indissociable de la preuve de l'existence de Dieu, cela tient au fait qu'aucun des êtres créés ne possèdent en lui-même sa raison d'exister, par conséquent cette raison doit se trouver dans un être nécessaire, raison de toutes choses.

1 L. Couturat, La logique de Leibniz, Alcan, 1901, Préface p.11

<<Or nous n'avons point besoin de la foi révélée, pour savoir qu'il y a un tel principe unique de toutes choses, parfaitement bon et sage. La raison nous l'apprend par des démonstrations infaillibles ; (...). >>1

Comment, dès lors que la raison nous mène a Dieu, refuser qu'il soit légitime a celle-ci de s'attacher aux questions de même ordre ? A regarder la philosophie de Leibniz, on ne peut s'y opposer. Cependant, cette incursion de la raison pose le délicat problème du rapport entre la foi et la raison et on a vite fait de penser a un rapport conflictuel (dans la définition de la foi, on voit déjà en quoi elle et la raison ne saurait s'entendre: adhésion ferme de l'esprit, toute subjective - alors que la raison est <<l'enchaInement des vérités>> selon Leibniz, menant a l'objectivité - mais aussi forte que celle qui constitue la certitude, elle est cependant incommunicable par la méthode démonstrative). La foi est du domaine de la croyance, la raison du domaine du savoir, de la connaissance.

Pourtant, la foi est loin d'être en total contradiction avec la raison, M. Blondel écrit d'ailleurs a ce sujet:

<<Mais ce n'est pas a dire que la foi <<s'oppose>> au savoir ou a la raison: la foi n'est ni antiraisonnable ni a-raisonnable; elle ne méconnaIt ni ne renie le savoir: elle se fonde sur des raisons qui sont telles que la raison, une fois consultée, s'achève en une attestation de confiance dont il serait ridicule et presque odieux d'établir les preuves par un raisonnement en forme. >>2

Il y a donc certains sujets qui sont sans aucun doute fondés en raison mais non sur des raisonnements logiques car, dans leur cas, une simple confiance ferme est suffisante et l'expression sous forme démonstrative, inutile et blessante pour la foi.

1 Leibniz, Essais de Théodicée, Discours de la conformité de lafoi avec la raison §44, Paris, 1969, GF

2 A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, art. <<Foi >>, Paris, 1926, PUF

- Le Discours sur la conformitéde lafoi avec la raison.

1/ La foi et la raison, deux sources de vérités.

Il s'agit maintenant d'examiner comme il se doit la position de Leibniz au sein de cette polémique tout en gardant a l'esprit le fait que Leibniz va s'opposer a Bayle. Le début du Discours sur la confor,nité de la foi avec la raison, texte précédent a juste titre la Théodicée, nous invite a voir qu'en bon conciliateur, Leibniz n'est ni pour les seuls partisans de la foi, ni pour les seuls partisans de la raison. En effet, Leibniz fait de la foi et de la raison deux sources de vérités, or comme les vérités ne sauraient se contredire entre elles, il en sera de méme pour la raison et la foi ; il les définit ainsi:

<<L'objet de la foi est la vérité que Dieu a révélée d'une manière extraordinaire, et [que] la raison est l'enchaInement des vérités, mais particulièrement (lorsqu'elle est comparée avec la foi) de celles oü l'esprit humain peut atteindre naturellement, sans être aidé par les lumières de la foi. >>1

La raison est donc ici définie comme puissance capable d'accéder a la vérité et ce quelque soit le type d'objet auquel elle peut avoir affaire. Si vérité il y a a trouver dans un domaine quelconque, la raison peut s'y exercer sans se voir reprocher des prétentions qui lui sont contraires. La suite du texte nous conforte dans cette direction en ce qu'elle établie une distinction et méme une opposition entre la raison définie plus haut et une raison productrice de vérités que nous pourrions appeler <<mixtes>> étant le fruit des data de l'expérience et de la réflexion de la raison. Leibniz définit donc initialement une raison <<pure et nue >>, distincte de l'expérience, trouvant par elle-méme des vérités c'est-à-dire par la seule faculté de réflexion et par conséquent différente de la raison que Leibniz rapproche de la foi, elle-méme fondée sur l'expérience, c'est-à-dire sur ceux qui ont vu les miracles et sur les Ecritures saintes transmis a travers les siècles (la foi naissant a l'occasion de ces deux motifs).

On voit clairement ici que Leibniz entend aussi bien défendre les droits de la raison que ceux de la foi car il reconnaIt leur autorité individuelle. Cependant, étant donné que c'est la raison qui, dans la polémique générale est prise a mal du fait de son <<intrusion>> dans un domaine réservé jusqu'alors a la théologie et a la foi, tous partis confondus, Leibniz s'attache dans les

1 Discours, §1

paragraphes du Discours a justifier davantage le droit de la raison dans les matières qu'il va être contraint d'aborder étant donné sa Théodicée.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery