2/ La distinction entre ce qui est au-dessus de la raison
>> et ce qui est contre la raison>> montre qu'aucune
vérité n'est contraire a la raison, par conséquent la
raison peut s'occuper des vérités de la foi.
Pour ce faire, Leibniz met en rapport une double
distinction1: la première correspond a la
célèbre séparation entre la
<<nécessité hypothétique>> et la
<<nécessité absolue ou géométrique>>
(par cette distinction Leibniz pense d'ailleurs que toute polémique sur
la liberté, la détermination se trouve résolue),
l'hypothétique concernant les choses dont le contraire est logiquement
possible, concevable sans contradiction dans la pensée (ainsi il est
contingent que César ait franchit le Rubicon, le contraire est tout a
fait possible), l'absolue ayant pour domaine ce qui ne peut être
autrement qu'il n'est, ni ne pas être du tout, c'est-à-dire dont
la pensée de la non-existence ou de l'existence différente
implique contradiction (ainsi il est nécessaire
géométriquement que 2+2=4 et contradictoire que 2+2=5). La
deuxième distinction s'accorde avec la première, elle consiste a
séparer ce qui est<<au-dessus de la raison>> et ce qui est
<<contre la raison >>. Le parallélisme avec la
première distinction consiste en ceci: ce qui est <<au-dessus de
la raison>> écrit Leibniz, c'est ce qui <<est contraire
seulement a ce qu'on a coutume d'expérimenter ou de comprendre>>
et ce qui est <<contre la raison >>, c'est, nous dit Leibniz, ce
qui est << contre les vérités absolument certaines et
indispensables >>2, autrement dit, ce qui est contre la
raison, ce sera ce qui est logiquement impossible, ce qui implique
contradiction, ce sera <<tout sentiment qui est combattu par des raisons
invincibles, ou bien dont le contradictoire peut être prouvé d'une
manière exacte et solide. >>3
L'établissement du droit de la raison par rapport aux
matières sensibles qui font le quotidien des théologiens passe
par l'affirmation qu'aucune vérité n'est contraire a la raison,
par conséquent il ne reste plus que des vérités
accessibles a la raison et celles qui dépassent les habitudes de
manipulation (mais qui ne lui sont pas contraires), ce qui n'est pas sans
remède. Par conséquent, la raison, en modifiant son mode
d'approche peut tout a fait s'occuper de ce qui relève uniquement de la
foi selon les objecteurs (nous verrons comment par la suite). A ce sujet
Leibniz écrit:
1 Discours, §2 et 23
2lbidem, §23 3lbidem, §60
<<Une vérité est au-dessus de la raison
quand notre esprit, ou même tout esprit créé, ne la saurait
comprendre1 ; et telle est, a mon avis, la sainte Trinité,
tels sont les miracles réservés a Dieu seul, comme, par exemple,
la création; tel est le choix de l'ordre de l'univers, qui dépend
de l'harmonie universelle et de la connaissance distincte d'une infinité
de choses a la fois. Mais une vérité ne saurait jamais être
contre la raison; et bien loin qu'un dogme combattu et convaincu par la raison
soit incompréhensible, l'on peut dire que rien n'est plus aisé a
comprendre ni plus manifeste que son absurdité. >>2
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