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L'optimisme de Leibniz

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par Jérémy Lebègue
Université Sorbonne Paris 4 - Maitrise 2005
  

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3/ Le rôle de la raison : contrôler et défendre les mystères révélés.

Quelle doit donc être l'attitude de la raison face aux mystères de la foi ? La deuxième partie de la citation nous indique que la raison a un role de crible, celle-ci est chargée de montrer l'absurdité d'un dogme lorsqu'il est effectivement problématique pour toute pensée qui raisonne selon les règles de la logique vulgaire. Si la raison n'a pas la puissance nécessaire pour une explication minutieuse du mystère, elle peut tout du moins les expliquer suffisamment pour les faire croire, le bon raisonnement ne détournant pas de la foi, mais au contraire, y conduisant. La raison a donc essentiellement une attitude défensive par rapport aux mystères, elle ne peut les prouver mais peut les défendre contre les objections afin de montrer qu'il est raisonnable de les croire. Leibniz procède d'ailleurs a une distinction dans les termes que nous venons d'employer car ils sont selon lui source de confusion en philosophie et en théologie:

<<(...) ils confondent expliquer, comprendre, prouver, soutenir. (...). Les mystères se peuvent expliquer autant qu'il faut pour les croire ; mais on ne les saurait comprendre ni faire entendre comment ils arrivent; (...). Il ne nous est pas possible non plus de prouver les mystères par la raison; car tout ce qui se peut prouver a priori ou par la raison pure, se peut comprendre. Tout ce qui nous reste donc, après avoir ajouté foi aux mystères sur les preuves de la vérité de la

1 St Bonaventure distingue <<comprendre>> et <<appréhender >>. <<Comprendre>> consiste a embrasser un objet dans sa totalité, chose impossible pour un esprit fini et << appréhender >> consiste a entrer en contact avec la chose, l'objet se manifestant a nous d'une certaine manière sans que son mystère puisse être sondé en profondeur. Selon Leibniz, <<pour comprendre quelque chose, il ne suffit pas qu'on en ait quelques idées ; il faut les avoir toutes de tout ce qui y entre, et il faut que toutes ces idées soient claires, distinctes, adéquates>> (Discours, §73). C'est ce qui fait dire a Leibniz qu'en réalité nous ne possédons que peu d'idées car la plupart du temps nous ne poussons pas assez loin leur décomposition afin de voir si il n'y a pas en elles quelques inconséquences.

2Discours, §23

4/ L'objection de Bayle pour appuyer son rejet de l'implication de la raison en théologie: la raison détruit plus qu'elle n'édifie de vérités. La réponse de Leibniz appuyée par la pensée d'Origène.

Ici la philosophie se montre davantage la servante de la théologie que sa maItresse mais c'est sous-estimer le rôle protecteur de la raison, qui, dans sa position défensive, continue cependant a fortifier et a édifier le temple de la vérité. Cet argument répond a Bayle pour qui la raison est davantage capable de réfuter et de détruire que de prouver et d'édifier, surtout lorsqu'elle s'occupe des questions relevant d'ordinaire de la théologie. Afin d'appuyer la thèse selon laquelle l'usage de la raison doit être rejeté en théologie, Bayle fait appel a de multiples autorités en la matière2. Il fait successivement appel aux Ecritures, au Nouveau Testament, aux Pères de l'Eglise (St. Augustin a travers Arnaud), aux scolastiques, a Luther et a Calvin. Tous disent plus ou moins la méme chose, du moins concernant notre sujet: on ne saurait soumettre les mystères au <<tribunal de la raison>> sans par là méme se montrer téméraire dans la volonté de comprendre ce que Dieu a pourtant décidé de ne pas révéler a ses créatures. Selon eux, l'attitude a adopter serait un aveu d'impuissance afin d'éviter a la raison de s'égarer dans des polémiques sans fin. A cela, Leibniz répond premièrement que l'objection faite par Bayle pour blamer la raison (la raison serait essentiellement destructrice) est, a l'inverse de ce qu'il paraIt, a son avantage, car en réalité << lorsqu'elle détruit quelque thèse, elle édifie la thèse opposée >>.3 Ce qui est en jeu ici est la thèse selon laquelle il peut exister ou non des objections insolubles pour la raison concernant une vérité, méme de la foi. Bayle le nie. Deuxièmement, selon Leibniz, le recours de Bayle a ces autorités ne suffit pas a prouver <<l'insolubilité des objections contraires a la foi >> par conséquent la raison doit pouvoir lever les objections faites contre les mystères.

Leibniz fait, de son côté, appel a Origène, Père le l'Eglise grecque, afin de le rapprocher des objecteurs que Bayle a cité (pour montrer leur point commun) mais pour mieux aussi l'en démarquer. En effet, Origène a montré que le christianisme était raisonnable, c'est-à-dire fondé en raison, mais que pour autant il était préférable pour les chrétiens de croire les dogmes sans

1 Discours, §5

2lbidem, §45 à49 3#bidem, §80

les examiner (le rapprochement est ici fait en ce que Origène <<souhaite>> l'ignorance des croyants -il la conseille- comme les opposants font de l'ignorance une condition de l'homme). Il justifie son propos en assurant que la raison, loin d'être opposée au christianisme, y conduit assurément et va même jusque le fonder en tant que Religion; la raison est dite conduire a la religion chrétienne pour qui parvient a mener a terme les réflexions nécessaires a la compréhension des dogmes (la compréhension apportant la foi), mais une restriction est apportée: les réflexions nécessaires pour parvenir, par ce chemin, a la foi, sont longues et difficiles. C'est un fait que dans les plus anciennes philosophies, l'atteinte de la sagesse, de la vertu, spécialement dans la philosophie antique, nécessite un mode de vie particulier, un mode de vie paisible oü il est possible de méditer a souhait sans avoir soucis des vicissitudes extérieures, sans avoir de responsabilités contraignantes, provoquant sans arrêt l'interruption des recherches intellectuelles. Ici, Origène ne dit rien d'autre que cela: le court ordinaire des choses fait que peu de personnes ont la possibilité de s'adonner longuement a la réflexion nécessaire a la compréhension des dogmes principaux, et la capacité de chacune d'entre elles étant plus ou moins limitée, cette voie d'accès leur est quasiment fermée. Origène écrit:

<<S'il était possible que tous les hommes négligeant les affaires de la vie s'attachassent a l'étude et la méditation, il ne faudrait point chercher d'autre voie pour leur faire recevoir la religion chrétienne. >>1

Face a cette difficulté de taille, Origène pense donc qu'une foi toute nue portant au bien demeure suffisante pour les chrétiens en général. Leibniz le suit d'ailleurs lorsqu'il écrit:

<<Cependant tout le monde n'a pas besoin d'entrer dans des discussions théologiques; et des personnes, dont l'état est peu compatible avec les recherches exactes, doivent se contenter des enseignements de la foi, sans se mettre en peine des objections (...). >>2

Selon Origène, la conversion est le moyen que Jésus Christ a donné a l'homme pour lui permettre de revenir vers Dieu facilement, sans faire d'efforts spirituels et pour se délivrer des vices dans lesquels il se vautre. Il pousse même la réflexion en demandant quel chemin est préférable pour l'homme en général, le chemin oü l'on est tiré des vices en croyant les dogmes sans examen, en croyant qu'il y a un paradis pour les bons et un enfer pour les méchants ou

1 Origène, Défense de la religion chrélienne, Livre 1, chapitre 2 2Discours, §40

bien celui oü la conversion vient après l'examen du fondement des dogmes ? Origene ne cache pas ses doutes quant au deuxième chemin:

<<Il est certain qu'à suivre cette méthode, il y en aurait bien peu qui en viendrait jusqu'oü leur foi toute simple et toute nue les conduit, mais que la plupart demeureraient dans leur corruption.>>

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