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L'optimisme de Leibniz

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par Jérémy Lebègue
Université Sorbonne Paris 4 - Maitrise 2005
  

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2/ L'aséité divine : l'unité de Dieu, ses attributs

Quelle représentation Leibniz se fait-il de l'aséité divine? Nous avons vu avec la preuve ontologique qu'à l'essence de Dieu il appartient d'exister, cependant, il convient de préciser la position de Leibniz dans la conception de l'aséité puisqu'on distingue généralement deux conceptions de l'aséité : l'aséité <<positive>> et l'aséité <<négative >>. Les partisans de l'aséité positive disent de Dieu qu'il est <<causa sui >>, c'est-à-dire qu'il semble s'engendrer luimême. Le principe de son essence étant son existence même, il est permis de dire que l'essence a une priorité de nature sur l'existence. Ceux qui défendent une aséité négative pensent que Dieu n'a pas de cause, qu'il n'a tout simplement pas affaire avec ce que les créatures appellent <<relation causale >>. C'est ainsi que St. Thomas rejette l'aséité positive et se range donc au côté de l'aséité négative en affirmant que la simplicité de Dieu doit nous obliger a ne pas faire de distinctions en lui comme celle qui est faite entre son essence et son existence; de plus Dieu ne saurait avoir de cause ni même être cause de soi car être causé, c'est participer a l'être de la cause, or Dieu est l'Etre par excellence, il n'a donc pas de cause, il est inengendré (on ne peut même pas dire que son essence est la cause de son existence). Si Leibniz semble parfois se ranger au côté du thomisme puisqu'il fait de l'essence et de l'existence une seule et même chose en Dieu et qu'il concoit la substance divine comme l'être Un par excellence, les principes généraux de sa métaphysique nous indiquent le contraire. En effet, lorsque l'on dit que Dieu est <<cause de soi>>, le mot << cause >> ne possède pas le sens qu'il a pour les créatures, a savoir celui de production, de génération, il signifie que Dieu est lui-même sa propre raison d'être et la théorie de l'inhérence de l'existence dans l'essence nous le démontre parfaitement. Avec Leibniz, la causalité est intériorisée dans l'essence, et selon l'exigence du principe de raison, l'existence de Dieu doit elle aussi avoir une raison. Ne pouvant être extérieure a Dieu, la raison doit être interne a son être même, c'est-à-dire être contenue dans son essence en tant que l'essence de Dieu est celle qui exige infiniment l'existence. Le principe de raison fait qu'il nous est impossible de refuser a l'essence une priorité de nature sur l'existence, mais cette priorité ne nuit pas a l'unité de l'essence et de l'existence puisque l'essence de Dieu est d'être. A propos de l'exigence du principe de raison, Jalabert écrit:

<<Le rationalisme exigeant de Leibniz entraIne sur le plan de l'être une sorte de toute puissance des lois logiques. C'est en vertu d'une exigence logique et ontologique tout a la fois, que Dieu existe de toute éternité et nécessairement. >>1

Le dynamisme de l'essence explique la priorité de l'essence sur l'existence en Dieu, mais en Dieu, cette priorité de l'essence se confond avec l'existence étant donné l'exigence infinie de celle-ci, il ne peut donc pas être reproché a Leibniz d'introduire un dualisme en Dieu. jalabert conclut sur ce point:

<<L'existence est l'aspect dynamique de l'essence. Chez les êtres finis, c'est l'existence virtuelle qui s'identifie a l'essence, considérée sous sons aspect dynamique; mais en Dieu, l'existence en acte s'identifie a un dynamisme de l'essence, qui, en vertu de son caractère, se réalise sans obstacle. >>2

C'est donc l'unité qui est ici la marque de l'Etre par excellence (le débat sur l'aséité positive et négative portant sur l'exigence de sauvegarder l'unité de Dieu) et Dieu est a la fois un en tant qu'être mais également un en tant qu'infini. En Dieu, les perfections sont compatibles et sont parfaitement en adéquation avec l'unité divine. Chez Leibniz, si l'unité peut être de l'ordre de l'infini c'est parce qu'il n'y a pas de nombre infini possible, pas de quantité infinie, l'infini véritable est donc de l'ordre de la qualité, c'est la perfection absolue.

<<L'unité divine n'est pas l'unité arbitraire du nombre un; c'est l'unité concrète d'un Etre souverainement réel et vivant, c'est une unité substantielle. Notre habitude de compter et d'abstraire fait du nombre un le symbole de la pauvreté et de la sècheresse d'être ; mais il n'y a rien que l'on puisse compter en Dieu, car il est qualité pure. >>3

Cette citation nous invite a préciser que la distinction qui est communément faite pour distinguer les facultés de Dieu en entendement et volonté doit davantage être prise pour une distinction de convenance, elle n'est pas effective en Dieu comme si il y avait de la multiplicité en lui, de la composition, elle est en réalité une manière pour l'intelligence finie d'appréhender la substance suprême ; les facultés de Dieu sont des <<puissances dérivatives>>

1 j. jalabert, Le Dieu de Leibniz, Paris, Presse Universitaire de France, 1960, P.128 2lbidem

3lbidem, P.136

nous dit Jalabert, c'est-à-dire des manières d'être, des aspects de l'unité de la substance suprême. Il en va de même pour les attributs divins, toutes les distinctions verbales que l'on peut faire ne sont en réalité effective que sous l'angle de la relation, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit pour Dieu d'agir sur des objets. Cependant, avec Leibniz, nous ne pouvons dire que cette multiplicité en Dieu est uniquement le fait de notre esprit. Contrairement a ce que pense Descartes, les perfections divines ne sont pas uniquement distinguables dans les créatures finies, du moins ces distinctions ne sont elles pas sans fondement dans l'essence divine et Leibniz se fait fort de nous le montrer lorsqu'il affirme, tout en maintenant la distance entre le degré de perfection divine et celui de la perfection des créatures, que notre manière de raisonner est en adéquation avec la nature de ce qui est et que la différence de degré (notamment entre Dieu et les créatures) ne change rien a la nature des choses. Leibniz se refuse <<a considérer le passage a l'infini comme un saut dans l'inconnu >>1, il applique ici le principe scotiste de l'univocité de l'être qui nous enseigne les caractères de l'être en général, donc a la fois les caractères de Dieu et ceux des créatures raisonnables. Malgré le fait que ce soit l'absolu qui soit objet de nos recherches et de nos spéculations alors que nous ne pouvons saisir que le relatif, il faut affirmer que l'absolu exprimé sous l'angle du relatifn'en reste pas moins compréhensible: notre connaissance des perfections de Dieu est certes imparfaite car celles-ci ont un caractère absolu mais, exprimées sous l'angle du relatif leur absoluité n'en reste pas moins compréhensible. L'analogie entre les facultés de Dieu, ses attributs avec les facultés des créatures est donc réelle. Jalabert écrit:

<<C'est encore l'univocité de l'être qui conduit Leibniz a considérer Dieu comme une Monade et a lui attribuer les caractères généraux de l'essence monadique. (...). Mais cela signifie également que cette participation du fini a l'infini autorise une certaine compréhension de la Monade suprême, a la lumière des propositions essentielles de la monade créée, qui est faite a l'image de la divinité. Elle fournit la clé de la Théologie naturelle chez Leibniz. Elle ne se contente pas d'affirmer la dépendance des êtres relatifs et l'existence d'une analogie de principe dont il est impossible de tirer des conséquences. Elle est au contraire un principe fécond de métaphysique, qui nous permet de connaItre d'une certaine manière, exacte quoique imparfaite, les attributs divins. >>2

1 J. Jalabert, Le Dieu de Leibniz, Paris, Presse Universitaire de France, 1960, P.140 2lbidem, P.141

La perfection divine comprend des attributs métaphysiques relevant de la grandeur de Dieu, elle-méme s'exprimant a travers l'omnipotence et l'omniscience et des attributs moraux relevant de la bonté divine. L'omnipotence, c'est la perfection de la puissance, autrement dit c'est une capacité d'agir a laquelle rien ne peut s'opposer, c'est un acte pur sans limite (méme si chez Leibniz la puissance est << limitée >> par la volonté qui a pour objet le bien antécédemment et le meilleur conséquemment). La toute puissance de Dieu fait qu'il est par soi, totalement indépendant par rapport aux autres choses, a la fois dans son être (il est donc seul a pouvoir décider, rien d'autre ne peut l'influencer, nile déterminer que lui-même, il est naturellement et moralement libre) et dans son activité. Cette puissance fait que tout dépend de lui, les possibles (renfermés dans son entendement) comme les êtres en acte (qui dépendent de la puissance divine dans leur existence et leurs actions, ordinaires ou miraculeuses) puisque celle-ci prend pleinement son sens en étant puissance créatrice et en étant opératoire a tout instant (l'omniprésence est la présence de l'action divine sur sa création a travers la création continuée). Chez Leibniz, la perfection ne s'exerce pas aveuglément, l'entendement propose un objet a réaliser et la volonté donne l'ordre a la puissance de passer a l'acte ou non. On assiste a une coopération de l'entendement qui a pour objet le vrai, de la volonté qui a pour fin le bien et de la puissance qui va a l'être. Cependant, la puissance est ici ce qui est dirigée, notamment par la volonté, elle-méme éclairée par l'entendement, lieu des vérités et du possible. Si la puissance doit être contrôlée, c'est parce qu'elle est plus <<ample>> que la volonté, elle va a plus de choses que la volonté guidé par le bien (la puissance de Dieu va a tous les biens mais la volonté de Dieu, après réflexion, va au meilleur, suivant la logique des compossibles). Si Dieu est dit moralement indépendant, il ne décide pas de ce qui est bien ou mal, vrai ou faux par le seul décret arbitraire de sa volonté, en lui se trouve déjà le bien et le vrai, par suite il n'a plus qu'à les suivre sans que cela puisse nuire a son indépendance puisque ce qui le détermine, c'est son essence méme. L'omniscience est en un sens une forme de l'omnipotence puisque la connaissance est une puissance et une condition de l'omnipotence car Dieu ne pourrait créer sans avoir connaissance de tous les possibles (uniquement valable si on concoit, comme Leibniz, que Dieu ne peut créer arbitrairement le monde ; pour Descartes l'omniscience se réduit a la science de ce que Dieu crée). Cette omniscience s'étend a tous ce qui est possible, Leibniz parle ici de science <<de simple intelligence >>, science connaissant les possibles avant le décret de la volonté et qui s'oppose a la science <<de vision >>, science grace a laquelle Dieu connaIt, de manière intellectuelle et non sensible, ce qui a été réalisé par la connaissance méme de son décret. A cela, les partisans de la liberté d'indifférence, les molinistes ont

ajouté une science <<moyenne>> ayant pour objet les possibles contingents ou futurs contingents, science qui n'est pas utile chez Leibniz car avec les deux premieres sciences, la totalité du pensable est déjà circonscrite, aussi bien ce qui est nécessaire, que ce qui est contingent, aussi bien l'actuel que le possible et parce que la science <<moyenne>> des partisans de l'indifférence implique une conception des futurs contingents (et de la liberté) qui ne se trouve pas chez Leibniz. Les futurs contingents seraient en fin de compte des possibles indéterminés, pouvant se réaliser ou non suivant le passage a l'acte de certaines conditions. Or, chez Leibniz, même le contingent a sa raison a priori dans l'entendement de Dieu, et la liberté n'est pas l'indétermination face a diverses possibilités, c'est l'agir intelligent et spontané, déterminé par des motifs qui sont contenus dans la notion complete de l'individu en question de toute éternité. Cependant, en conciliateur, Leibniz accepte cette troisième science mais en redéfinit le sens: <<Ainsi, la science de pure intelligence sera prise dans un sens plus restreint, a savoir comme traitant des vérités possibles nécessaires, tandis que la science moyenne traitera des vérités possibles contingentes et la science de vision des vérités contingentes actuelles. >>1

En ce qui concerne les attributs moraux de Dieu, la bonté est en fait l'attribut moral par excellence, celui qui conditionne tous les autres, elle est la perfection de la volonté2 en tant que celle-ci est rendue droite par l'omniscience et efficace par l'omnipotence. La volonté est elle-même divisée en << antécédente >> et << conséquente >>, en <<productive >> et <<permissive >>. Il faut voir que l'objet de la volonté antécédente est le bien en tant qu'elle veut produire tout le bien possible et exclure totalement le mal de la création, cela résulte de la logique de l'exigence des essences suivant leur degré de perfection. Mais comme toutes les volontés antécédentes ne sont pas compatibles dans leur objet, la volonté conséquente intervient et choisit ce qui peut procurer le maximum d'effet suivant la sagesse et la puissance de Dieu. La bonté de Dieu se manifeste également pour Leibniz en ce que Dieu, lorsqu'il formule son décret, a en vue le bonheur des créatures rationnelles ou <<esprit >>. Certes il ne s'agit pas du but essentiel que Dieu se propose lorsqu'il crée le monde mais Leibniz nous dit que c'est l'un des principaux. La bonté de Dieu se manifeste donc dans la création d'un monde oü les esprits sont susceptibles d'être heureux et oü ils doivent l'être sous prétexte de ne pas être digne de leur créateur. Avec Leibniz, la bonté divine n'est plus essentiellement définie, comme elle l'est avec la tradition scolastique, par l'amour de soi, c'est-à-dire par l'amour que Dieu porte a ses perfections. Au contraire, la bonté de Dieu chez Leibniz est envisagée dans

1 Leibniz, Causa Dei, § 17 2lbidem, §18

son rapport aux créatures, même si celui-ci est d'accord pour dire que l'amour que Dieu se porte lui est essentiel. Mais le point important qui contrebalance cette <<difficulté>> réside dans la gloire de Dieu: comme Dieu aime ses perfections, il veut les manifester, les faire connaItre et aimer des créatures (le motif de gloire l'incite sans le nécessité a créer le meilleur) et pas seulement tirer sa gloire de la contemplation de ses propres perfections, il trouve donc son intérêt en étant <<proche>> des êtres qui sont capables de lui renvoyer son image, Dieu ne pouvant vouloir sa gloire sans vouloir le bonheur des esprits. C'est par les créatures intelligentes que Dieu peut réaliser le but de la création, sa gloire.

Les autres attributs moraux sont la justice et la sainteté, la justice étant une conséquence directe de la bonté et de la sagesse de Dieu. Toutes deux sont en rapport avec les créatures. La justice se distingue de la bonté en tant que la bonté est générale et pas seulement relative aux créatures alors que la justice intervient dans la particularité du gouvernement des esprits et représente un cas particulier de la providence divine. La sainteté est un attribut essentiellement divin car Dieu est pur de tout péchés et possède une perfection morale sans failles, il veut et fait le bien selon l'excellence de sa nature et n'a pas a dominer de mauvais penchants comme les créatures le doivent. La sainteté de Dieu se manifeste au final dans le fait qu'il exècre les péchés et veuille les éradiquer, surtout chez les créatures, en les sanctifiant par sa grace.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire