Chapitre3: Les contraintes au développement Des
PME
Représentant près de 95% de l'ensemble des
entreprises, les PME-PMI apparaissent comme le type d'unité de
production le mieux adapté à la dimension de l'économie
marocaine. Elles pourraient contribuer pour une part importante à la
croissance et à l'emploi si elles faisaient l'objet de plus de soutien
de la part de l'ensemble des acteurs économiques.
En effet, si le Maroc dispose d'un secteur privé dynamique
qui contribue à plus de 80% de la valeur ajoutée, l'absence d'un
cadre juridique spécifique à la PME entrave son
développement dans la mesure où les réformes des mesures
ne peuvent pas cibler spécifiquement ces unités.
L'ensemble des observateurs admet que les hommes d'affaires
sont sans cesse confrontés à de multiples contraintes de
natures diverses. Les unes tiennent à des facteurs
extérieurs à l'entreprise et sont d'ordre (I) financier et (II)
législatif, administratif et judiciaire, les autres sont (III)
intrinsèques à la PME et tiennent à leur
compétitivité, c'est-à-dire tiennent à des
contraintes liées à leur capacité d'affronter la
concurrence sur les marchés, ce qui constitue une menace importante
à leur viabilité.
Section 1- Les contraintes financières
Le problème du financement des PME est intimement
lié au marché des capitaux. Comme les grandes et moyennes
entreprises (GME), les PME acquièrent des facteurs et des inputs pour
réaliser leur production, l'accès au capital constitue donc une
étape importante. De plus, bien que les PME soient essentiellement
utilisatrices de main-d'oeuvre (fonction de production intense en travail),
elles ont besoin d'un équipement minimum pour démarrer leur
activité.
Avant de présenter la perception du fonctionnement
des banques par les gestionnaires de PME, il convient de décrire
l'évolution et les effets des réformes du marché des
capitaux au Maroc.
A/ Description du marché marocain des capitaux
Ce paragraphe cherche à savoir si les réformes
du marché des capitaux au Maroc comportent des distorsions qui
défavorisent les PME, en accroissant leurs coûts, comparativement
aux GME.
1- Les réformes du marché financier et le
soutien aux investissements
Le Maroc a toujours opté pour l'économie de
marché. Cependant, au cours des années 1960 et 1970, la place et
le rôle de l'Etat s'est accru, d'une part du fait de la création
d'entreprises publiques et d'offices et d'autre part, du fait de
réglementations nombreuses et en particulier au niveau des prix et des
échanges extérieurs.
Cependant, l'inefficacité de ces structures et
des interventions ont nui à l'ensemble de l'appareil productif.
Conjugué avec des conjonctures internationales défavorables, ces
facteurs ont entraîné une exacerbation des
déséquilibres macro-économiques et une crise
d'endettement. Les tensions qui ont en résulté ont conduit le
Maroc à adopter des réformes pour un ajustement des structures
économiques.
Les mesures entreprises par le Ministère de
l'Economie et des Finances dans le secteur financier font suite à une
politique d'ajustement structurel entre 1983 et 1992. Les mesures
adoptées visaient à :
Assainir les finances publiques et réduire les
déficits intérieurs et extérieurs;
Restructurer les entreprises publiques (programme PERL
soutenu par la Banque Mondiale) en vue de réduire leur
déficit de gestion et par-là, la contribution de l'Etat à
leur financement. (pour certaines de ces entreprises, il fallait les
préparer à être privatisées);
Réformer le système fiscal en vue de le rendre plus
efficace et de l'harmoniser avec les standards internationaux : introduction de
la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de l'impôt sur les
sociétés (IS) et de l'impôt général sur le
revenu (IGR). L'objectif était de simplifier le système fiscal
et de réduire les taux pour favoriser un élargissement de
l'assiette fiscale;
Libéraliser l'économie : prix intérieurs,
échanges extérieurs et mouvements des capitaux;
Réformer et moderniser le secteur financier au Maroc en
réduisant l'intervention du Gouvernement dans le secteur bancaire et
en renforçant le rôle du marché dans l'allocation des
ressources financières.
Ainsi, le contrôle quantitatif du crédit,
instauré en 1976, a été supprimé en janvier 1991.
La libéralisation des taux d'intérêt a commencé en
1990 (pour le crédit à moyen et long terme) et en 1991 (pour le
court terme), avec le maintien de taux plafonds débiteurs (avec leurs
effets pervers) jusqu'en 1995.
Ce n'est que depuis 1996 que les taux d'intérêt
sont libres. De plus, depuis septembre 1996, les banques sont autorisées
à calculer leurs réserves, non plus sur une base mensuelle ou
hebdomadaire, mais quotidienne ; cela leur confère davantage de
flexibilité dans la gestion de leur liquidité et encourage les
opérations d'open market. C'est en 1995 que les derniers guichets de
réescompte de Bank Al Maghrib ont fermé et que la
régulation est effectuée par l'open market qui comprend quatre
opérations, explicitées dans une circulaire du 24 mai 1995.
Parallèlement à ces réformes à
caractère général, les institutions financières
spécialisées comme le Crédit immobilier et hôtelier
(CIH) ou la Caisse nationale de crédit agricole (CNCA) ont vu leur
activité élargie et interviennent maintenant librement comme les
autres banques. On soupçonne cependant le système bancaire
d'être insuffisamment concurrentiel.
Les préoccupations posées par le chômage et
la persistance d'un pourcentage élevé de la population vivant en
dessous du seuil de pauvreté incitent les décideurs à
chercher le moyen de créer une dynamique de production, d'épargne
et d'investissement.
Selon un ancien rapport de la Banque mondiale, 10%
seulement des entreprises figurant dans le portefeuille des banques ont un
ratio « fonds empruntés sur fonds propres » inférieur
à 5% (83% de fonds empruntés, 17% de fonds propres), ce que les
banquiers considèrent comme le minimum pour qu'une structure de capital
soit saine. Les règles prudentielles suivies en Amérique du Nord
et en Europe retiennent un ratio de 1,8 (65% de fonds empruntés pour 35%
de fonds propres).
Ce paradoxe (sous endettement de l'économie et
surendettement des entreprises « bancables ») est plus frappant
par le fait que les banques sont en surliquidités. Il apparaît
ainsi qu'une grande partie des entreprises marocaines y compris celles du
secteur formel, n'a pas accès au capital, pourtant disponible. Les
raisons de ce paradoxe semblent de tenir à L'insuffisante circulation
de l'information.
Il semble que si les banques « ne sont pas de réels
partenaires » (aux dires des promoteurs et bureaux d'études), c'est
parce qu'elles « ne disposent pas de visibilité et d'information
sur les secteurs ». Parmi les mesures d'accompagnement
nécessaires à la portée des réformes,
signalons à ce propos, la future création de l'Observatoire des
industries. Les traitements des données qu'il réunira
permettront de fournir des informations de synthèse, comme le
rendement moyen par secteur, par dimension des unités de production,
etc.
2- Les effets des réformes du marché financier :
des distorsions défavorables aux PME
Au Maroc, le marché du capital a été
à la fois rationné et segmenté. Cette
réalité ne lui est pas propre ; dans les pays en
développement (PED), la plupart des études insistent sur la
segmentation des marchés . Dans le cas du Maroc, le rationnement
provient de l'encadrement du crédit qui a été en vigueur
pendant longtemps, jusqu'à la fin du PAS en 1992. Pour être bref,
on signalera que ce rationnement a épargné certaines
activités telles que les activités exportatrices ou encore celles
de l'immobilier. La politique monétaire a ainsi « légalement
» instauré une segmentation du marché.
Avec la libéralisation progressive, des taux plafonds
débiteurs ont été en vigueur jusqu'en 1995. Cette
faiblesse des taux d'intérêt débiteurs décourage la
rémunération des dépôts et donc l'épargne.
Face à un excès de demande de crédits,
les banques et les autres institutions financières ont répondu
par un rationnement ` des crédits (fonds peu abondants). Elles donnaient
la priorité aux entreprises de grande dimension et les PME
étaient défavorisées, leurs demandes étant
considérées en dernier lieu.
Plusieurs études montrent qu'une partie du
différentiel de taux auquel font face les PME comparées aux GME,
représente le risque plus élevé des prêts aux PME et
des coûts de transaction plus importants pour instruire leur dossier.
Les méthodes utilisées par les banques
commerciales pour faire face aux risques d'impayés ne sont pas
adaptées au financement des PME. Selon une étude de Rhyne E. et
Otero M., ces méthodes comprennent :
l'étude du dossier de demande de crédit et la
recherche d'un maximum d'informations sur les caractéristiques du client
potentiel ;
L'évaluation du projet pour lequel le prêt est
demandé ;
La nécessité de contreparties demandées
à la PME pour garantir le prêt.
Ainsi, les GME ont pu emprunter auprès des banques et
d'autres institutions du secteur financier, alors que les PME comptent presque
exclusivement sur leurs fonds propres ou le crédit-bail.
Au Maroc, le crédit-bail a été
doté par le législateur et les autorités
monétaires, d'un régime juridique et fiscal approprié.
La profession se félicite de la concurrence qui prévaut.
Cependant, dans les financements extérieurs des PME-PMI, les
sociétés de crédit-bail sont insuffisamment
présentes, comme c'est le cas en Espagne, au Portugal et même en
France. En conséquence, le financement par le leasing ne
représente actuellement que 5% de la FBCF, 15 à 20% en Europe.
L'explication nous semble résider dans le fait que les
PME-PMI au Maroc qui ne disposent pas des garanties nécessaires pour
accéder à un financement extérieur, ont quelques marges de
manoeuvre et recourent au crédit bancaire traditionnellement moins cher
(autour de 12% actuellement, contre 15,63% pour les sociétés de
crédit-bail ; mais pendant longtemps, ces sociétés
étaient à 24% alors les banques pratiquaient des taux entre 15 et
18%). Il semble qu'il y ait un phénomène d'inertie qui
s'estompera au fur et à mesure que le différentiel de taux va
diminuer. L'information des opérateurs est peut-être insuffisante
également.
L'introduction d'une « culture » de l'information
est un moyen efficace de dynamiser l'activité économique. A
côté de l'effet sur l'octroi de crédit par les banques ou
les sociétés de crédit, il y a également un effet
sur l'amont. L'obligation de publier les comptes certifiés permettra au
marché de reconnaître les performances réelles de celles-ci
et la mobilisation de fonds (via le lancement d'obligations) sera
facilitée.
Les besoins de financement des PME concernent soit les
investissements lors de la création ou l'extension, soit le fonds de
roulement en cours d'activité, cela rejoint les travaux de Liedholm qui
a décrit les besoins de financement des PME au cours de leur «
cycle de vie ». Durant la première phase, il s'agit de besoins
à long terme pour financer les équipements. Ensuite, les besoins
en fonds de roulement sont les plus pressants. Si la PME se maintient, des
besoins de financement à moyen et long terme vont se faire à
nouveau sentir, pour permettre une extension des capacités de
production. Dans la même logique, Mc Cleod a lié l'âge et la
réputation de la PME à l'origine de son financement.
On observe ainsi que plus la PME donne une image de
pérennité, plus l'accès au financement par des tiers
devient possible : les crédits fournisseurs d'abord, les banques
ensuite, quand l'entité est une « petite entreprise
». .
B/ La perception des banques par les gestionnaires des PME
Les résultats des études faites à la base
d'une enquête ont montré qu'à propos des relations avec les
banques font valoir que les problèmes posés aux PME concernent
plus l'accès au financement (garanties excessives exigées par les
banques, retard dans les études de dossier) que le niveau des taux
d'intérêt, et que les gestionnaires souhaitent aussi des
délais de grâce, le temps que leur activité prenne une
« vitesse de croisière ».
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