Section 2- Les obstacles d'ordre législatif,
administratif et judiciaire
I- Le droit des sociétés
Les normes législatives qui régissent le droit
des sociétés et les règles qui organisent les rapports de
travail au sein de l'entreprise ne reconnaissent aucune particularité
à la PME.
La réforme du Code de commerce, et surtout celle du
droit des sociétés, innove en introduisant la possibilité
de la constitution de la société unipersonnelle. Cependant, la
réforme du droit des sociétés ne tient pas compte de la
taille de la société considérée.
Le droit des sociétés prescrit des sanctions
pénales pour le non accomplissement d'un certain nombre de règles
de procédures, tant en ce qui concerne les formalités à
remplir lors de la constitution des sociétés que celles à
effectuer au cours de leur fonctionnement ou lors de leur dissolution.
Les sanctions pénales peuvent par exemple être
appliquées lors de l'absence de procès verbaux des
délibérations des assemblées. Or, si la
société anonyme constitue le type par excellence des
sociétés de capitaux avec tous les attributs qui s'y attachent et
justifie un tel encadrement juridique, ce n'est pas le cas de la
société à responsabilité limitée, ni des
sociétés de personnes, qui fonctionnent
généralement dans le cadre familial et qui sont
dotées d'une structure administrative légère, à
la dimension de leur activité. A la suite de la réforme du Code
des sociétés, un nombre significatif de sociétés
ont préféré prendre la forme de SARL pour éviter
les contraintes que leur faisait peser leur statut antérieur de
société anonyme.
II/ Le Code des douanes
Si la procédure de la « Déclaration
unique de marchandise » améliore considérablement la
lourdeur des formalités douanières, celles qui organisent les
modalités des exportations et des importations sont souvent
interprétées de façon restrictive par les agents douaniers
quant à la classification et l'évaluation des marchandises, ce
qui freinent les initiatives.
III/ La législation comptable et fiscale
Le Plan comptable est considéré par les
professionnels comme un document complexe et inadapté pour les PME. Les
obligations en terme de production d'informations financières sont
globalement lourdes pour les PME. Plus de trente formulaires contenant les
mêmes informations et devant être accompagnés des
mêmes pièces doivent être remis par les chefs d'entreprises
pour leurs déclarations fiscales. Les investisseurs estiment que la
complexité du système fiscal marocain mène souvent
à la confusion et à de nombreuses erreurs dans les
déclarations .
Il en résulte que le processus complexe des
déclarations fiscales impose aux investisseurs de recourir aux services
des fiduciaires et de cabinets de conseils. Pour les PME, le coût de ces
conseillers est très élevé et grève
considérablement leurs capacités financières. Ceci incite
bon nombre d'entre elles à l'évasion fiscale, engendrant
d'importantes pertes dans les recettes publiques.
IV/ Les procédures administratives et
judiciaires
Selon les conclusions de l'étude initiée par le
MAGG, « le problème le plus fréquemment mentionné par
les investisseurs au cours de chaque étape du processus de
démarrage de l'investissement est le manque de transparence des
procédures ».
Une telle situation est due à l'enchevêtrement
des compétences entre les différentes administrations, mais
parfois au sein d'une même administration. Ce phénomène est
perceptible dans l'ensemble des administrations et il surgit entre les
différents départements ministériels et entre leurs
services extérieurs (les délégations régionales).
Là où le problème de l'enchevêtrement des
compétences prend le plus d'ampleur, c'est à l'occasion du jeu de
navette auquel se livrent les autorités communales et leur
autorité de tutelle (province ou préfecture) dans l'étude
d'un dossier ou l'octroi d'une autorisation pour la réalisation ou
l'extension d'un projet de PME.
A l'enchevêtrement des compétences, il faut
ajouter les interprétations divergentes des procédures
légales, parfois subjectives voir même abusives de la part
des agents de l'administration. Ceci incite les entrepreneurs, et
particulièrement les PME, soit à faire valoir leur demande par
des moyens occultes, soit à poursuivre leur projet en marge des normes
et procédures légales, c'est-à-dire de manière
informelle, ce qui n'est pas favorable à la croissance de leur
activité, car cela leur interdit de répondre à des appels
d'offres ou de fournir des biens ou des prestations de services à des
clients qui demandent des factures.
En somme, les problèmes qu'engendre la complexité
des procédures administratives ne sont pas propres au Maroc, ce
phénomène existe même dans les pays les plus
avancés. En revanche, ce qui persiste encore au Maroc et constitue un
véritable obstacle à la liberté d'entreprendre, c'est
l'abus et l'excès de pouvoir que les autorités administratives
commettent dans l'interprétation et l'application des lois et
règlements qui fixent leurs compétences.
On retiendra que toute l'histoire du recours pour excès de
pouvoir, depuis la mise en place de la Chambre administrative de la Cour
suprême en 1957, jusqu'à la mise en place des tribunaux
administratifs en 1993, vise à en faire « un instrument mis
à la portée de tous, pour la défense de la
légalité méconnue ». Cependant, le recours pour
excès de pouvoir contre les décisions administratives entre
à peine dans les moeurs des citoyens marocains et la lenteur du
système juridictionnel continue à peser négativement sur
la promotion des affaires.
La liberté du commerce et de l'industrie est une
liberté publique qui a une valeur constitutionnelle. Cela signifie
que la loi qui aménage les modalités d'exercice de cette
liberté reste soumise à cette liberté constitutionnelle.
Cela signifie aussi que l'administration chargée par la loi d'exercer un
contrôle de légalité ou de conformité lors d'une
demande d'autorisation, ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation
discrétionnaire. Autrement dit, la consécration
jurisprudentielle du principe constitutionnel de la liberté du
commerce et de l'industrie implique que chaque fois que l'administration
exerce un contrôle de légalité ou de conformité sa
compétence reste toujours une compétence liée.
D'une manière générale, l'organe
juridictionnel marocain, composé de juridictions civiles,
pénales, commerciales et administratives, est doté de codes et de
règles de procédures très convenables. Il appartient donc
aux juges de faire valoir leur fonction pour que l'organe dont ils font partie
assume sa mission et contribue ainsi avec les autres pouvoirs publics au
renforcement de l'Etat de droit.
C'est dans cet esprit et cette logique que s'inscrivent toutes
les réformes amorcées depuis la dernière décennie.
Il s'agit de « réformes qualitatives post-ajustement structurel
»
Section 3- Les contraintes
intrinsèques aux PME face à
une concurrence accrue
Parmi les contraintes intrinsèques à la croissance
des PME, certaines tiennent aux techniques de gestion de l'entreprise,
d'autres, liées aux premières, tiennent à la
capacité des entrepreneurs à relever les défis de la
compétitivité, face à l'ouverture des marchés et
qui conditionnent le devenir et la viabilité de l'entreprise.
I/ Les méthodes de gestion des PME
marocaines : la qualité du « gérant
propriétaire »
Parmi les obstacles majeurs qui limitent le développement
des PME, on relèvera d'une part, le taux d'analphabétisme
particulièrement élevé parmi les dirigeants de PME, et
d'autre part, une gestion de l'entreprise très fortement
marquée par la personnalité du gérant qui en est
généralement le propriétaire.« Les
caractéristiques des gestionnaires », cependant, les pourcentages
sont biaisés en raison de l'échantillon des entreprises
touchées.
En effet, pour des raisons culturelles, les entrepreneurs sont
assez réticents à partager leur pouvoir et à
répartir les tâches entre divers centres de décisions. Il
en résulte que les dirigeants ont souvent une appréciation
erronée du risque à prendre, et que parfois l'extrême
prudence les amène à prendre des décisions
déraisonnables. De plus, faute de moyens financiers, les gérants
de PME ne s'entourent pas de cadres compétents pour renforcer leur
capacité de gestion ou compenser leurs lacunes techniques en
matière de marketing, comptabilité, finance,
approvisionnement, production ou gestion des stocks.
Pour des raisons encore culturelles, mais aussi
financières, les dirigeants sont réticents à faire appel
au conseil externe. Refusant d'admettre ou n'ayant pas conscience de
leur méconnaissance des techniques de gestion, ils s'obstinent à
ne pas percevoir l'intérêt du conseil, souvent par crainte de
révéler le secret de leurs affaires. A ceci, il faut ajouter les
divergences entre associés quant aux méthodes de gestion de
l'entreprise et des perspectives de son développement, qui souvent
dégénèrent en conflit et sont à l'origine de la
dissolution de certaines PME.
Enfin, pour des raisons toujours culturelles, ils n'ont pas
conscience que les différents stades de vie de l'entreprise sont
intimement liés à leur capacité d'organisation et que la
croissance de l'entreprise doit s'accompagner d'une gestion des ressources
humaines et d'une meilleure répartition fonctionnelle des tâches.
Ils ne perçoivent pas encore les bénéfices d'une
délégation d'une partie de leur pouvoir de décision
aux personnes compétentes et le fait qu'un investissement en
formation du personnel constitue un capital qui implique à terme des
retombées bénéfiques pour l'entreprise en termes de
qualité et de compétitivité.
Tous ces facteurs combinés nuisent aux capacités
des PME marocaines à suivre les progrès des méthodes de
gestion et à innover pour mieux s'adapter aux contraintes du
marché et aux besoins des clients.
II/ La compétitivité des PME
marocaines
Les mesures prises pour la libéralisation de
l'économie ont très largement contribué à
valoriser les activités exportatrices. Elles ont eu aussi un impact
favorable sur la compétitivité des entreprises marocaines qui,
exposées à la concurrence, sont amenées à
améliorer la qualité et l'efficacité.
La mondialisation des économies et la
stratégie d'ouverture du marché marocain sur
l'extérieur nécessitent impérativement la mise en place
d'une politique en faveur des PME. Or à la faveur de cette ouverture,
les exportateurs marocains (de textiles, d'habillement ou de l'agroindustriel)
vers le principal client du pays (l'UE), doivent s'attendre à
faire face à une concurrence étrangère accrue que ce
soit au niveau de leurs débouchés traditionnel ou sur leur propre
marché interne .
Etant moins équipées, moins organisées et ne
bénéficiant d'aucune politique spécifique de l'Etat, les
PME marocaines risquent d'avoir peu de chance de relever les défis de la
compétitivité face aux entreprises européennes et celles
des autres pays émergeants.
Toutefois, une stratégie de promotion des PME et de
croissance orientée vers les exportations peut leur être
bénéfique en raison de l'environnement commercial international
plus libéral si, d'une part, l'accord de libre-échange avec
l'Union Européenne est accompagné d'une réduction non
discriminatoire de la protection commerciale, afin de maximiser les gains du
Maroc, et si, d'autre part, compte tenu de la dépendance
vis-à-vis des droits de douanes, la poursuite du processus de
libération de l'économie marocaine est accompagnée de
réformes fiscales, afin de maximiser les gains au niveau de l'emploi
avec la réforme du marché du travail. La réforme du
marché du travail aidera probablement le secteur privé à
équilibrer l'offre et la demande de la main d'oeuvre entre les
entreprises exportatrices qui se développent par le biais de la
promotion des exportations, et celles qui sous-traitent suite à la
concurrence accrue des importations.
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