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Les obstacles à la bonne qualité de l'eau dans les rivières péri-urbaines. L'exemple du bassin versant de l'Azergues (Rhône)

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par Nicolas Talaska
Université Lumière Lyon 2 - Maîtirise de géographie 2007
  

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2.2.2 Dimension sociale du transit sédimentaire : La gestion conflictuelle des atterrissements

Si les seuils représentent un obstacle à la circulation des poissons, leurs ruines éliminent cet obstacle mais créent de nouveaux problèmes.

La présence d'un seuil dans le lit d'une rivière perturbe le transit sédimentaire et devient donc un élément de l'évolution du profil en long et en plan du cours d'eau. En interrompant le transit sédimentaire, les alluvions s'accumulent à l'amont des seuils et déterminent de nouvelles valeurs de pentes du lit. Les seuils, ayant perdu leurs usages initiaux, ne sont plus entretenus et ils se dégradent lentement. La rupture d'un seuil, lors d'une crue par exemple, remobilise les alluvions et en quelques années la masse accumulée transite vers l'aval jusqu'à des zones de dépôts généralement situées à l'amont d'un autre seuil. Ces augmentations du volume de matériaux dans le lit de la rivière sont perçues négativement par les riverains et les élus car ils sont susceptibles d'accroître les risques d'inondations (« ça fait sortir la rivière de son lit »). Pour cette raison, l'augmentation de la charge sédimentaire dans le lit de la rivière s'est presque toujours conclue par des curages qui en retour ont activé une érosion des berges. Ces érosions qui menaçaient les terrains riverains ont été traitées par des techniques lourdes de protection de berges : des enrochements. Ces aménagements n'ont fait qu'accroître la capacité érosive du cours d'eau et sont par ailleurs identifiés comme des éléments de la dégradation physique de la rivière (figure 24). Ils figent ses capacités d'évolution en plan. Ce schéma a été très fréquent dans la moyenne Azergues128(*) et est à cet effet critiqué par le président de la fédération de pêche « Y a 40 ans en arrière la rivière méandrait aujourd'hui elle passe tout droit. C'est ça le problème ».

Figure 24. L'Azergues à l'aval de Lozanne. Ce tronçon enroché est un exemple des « interventions lourdes » et systématiques jusqu'au début des années 1990. Sur la berge de gauche la Renouée du Japon colonise la ripisylve. L'accès à la rivière est difficile et dangereux. (Source : Nicolas Talaska, 2007).

Le contexte physique le plus dégradé de la rivière se situe dans sa partie aval. Les extractions de matériaux dans le lit de rivière au cours des années 1960-1970 ont profondément et durablement modifié la dynamique morphologique du cours d'eau. Le déficit sédimentaire a provoqué un enfoncement du lit de plusieurs mètres (figure 25). Ces activités sont pour partie responsables de la disparition du brochet qui ne trouve plus, dans cette partie de la rivière, ses conditions de reproduction. Par ailleurs, les aménagements du lit mineur (enrochements, remblais) ont favorisé le développement de la Renouée du Japon. Cette espèce, considérée comme invasive, a la particularité de s'installer sur des terrains physiquement dégradés. Sa prolifération, écologiquement et esthétiquement problématique, en Basse et Moyenne Azergues témoigne donc des perturbations physiques de la rivière. « L'invasion des renouées peut être considérée comme un signal d'alarme. Elle témoigne d'une altération du fonctionnement naturel entièrement dû aux surexploitations humaines »129(*). Les extractions ont également entraîné la déstabilisation de certains ouvrages. Pour ces raisons les communes de la Basse-Azergues ont créé le Syndicat Mixte de Réaménagement de la Plaine des Chères (SMRPC) en 1983 pour remettre la rivière en état.

Les perturbations engendrées par les extractions seront très longues à réparer. Les souilles ne sont toujours pas comblées et ce processus sera lent car le transit sédimentaire est assez faible dans cette partie de la rivière. Pourtant la rivière commence à reprendre un fonctionnement naturel. Cela se traduit par une reprise des érosions de berges et par des engraissements du lit en certains endroits. Ces nouveaux dépôts de matériaux augmentent à leur tour les érosions latérales par reprise d'un méandrement du cours d'eau (figure 25).

Figure 25. L'Azergues à l'amont d'Anse. L'incision du lit est importante comme en témoigne la hauteur de la berge de droite. Sur la partie gauche de la photo, l'atterrissement contribue au re-méandrement de la rivière et aussi à l'érosion latérale. Jusqu'à Anse, des jardins particuliers occupent une bande d'une vingtaine de mètres sur la rive gauche. (Source : Nicolas Talaska, 2007)

Bien que ces dépôts (atterrissements) soient un signe encourageant de restauration de la rivière, ils posent des problèmes car certains d'entre eux se situent dans des secteurs urbanisés. Les élus comme les riverains souhaitent enlever ces atterrissements qu'ils considèrent comme des éléments augmentant les risques d'inondations. Ces craintes sont par ailleurs assez vives après d'importantes inondations en 2003, et pour un élu de la Basse-Azergues « La qualité c'est aussi les inondations ».

Toutefois les interventions de type curage, systématique jusqu'au début des années 1990, sont aujourd'hui fortement réglementées à cause de leurs conséquences écologiques et socio-économique négatives lorsque ce type d'intervention est pratiquée de manière abusive. C'est ainsi que les demandes de travaux des élus sont rejetées ou fortement contraintes par la DDAF (Police de l'eau). Une solution pragmatique fut alors élaborée par le chargé de mission du contrat de rivière. Le principe est le suivant : puisque un excès de sédiments pose problème en certains endroits, il faut alors les enlever et les réinjecter là ou leur déficit est problématique (dans les anciennes souilles d'extraction). Cette solution avait donc un double objectif : prévenir les risques d'inondations dans les secteurs urbanisés et contribuer à restaurer le fonctionnement écologique des secteurs perturbés.

La Police de l'eau rejette cette solution et demande d'établir un « plan de gestion des atterrissement ». Concrètement il s'agit d'un document, basé sur une étude hydromorphologique la plus complète possible, visant à planifier l'entretien de la rivière en tenant compte des impératifs de non dégradation physique de la rivière. Cette exigence de la DDAF n'est que l'application réglementaire du principe « comprendre et connaître avant d'agir » du SDAGE.

Cette réglementation est perçue comme trop contraignante par les élus car elles les empêchent de mener à bien leur mission. A l'inverse la Police de l'eau estime que les travaux entrepris par les syndicats sont susceptibles de dégrader la rivière. Or la Basse-Azergues est déjà identifiée comme fortement perturbée.

Derrière ce conflit transparaît les représentations fort divergentes des acteurs sur ce qui fait la bonne qualité de l'eau. La forte volonté de protection globale des milieux aquatiques, exprimée par la DCE et appliquée strictement par les acteurs régionaux de l'eau, s'oppose à des situations locales dont les acteurs demandent des ajustements pragmatiques pour effectuer leurs missions d'entretien de la rivière.

Cette situation est du même ordre pour les éleveurs de la Haute-Azergues. Ils exploitent les zones humides de fond de vallée pour faire paître leurs troupeaux ou pour cultiver des plantes fourragères. Ils disent par ailleurs contribuer à entretenir ces espaces dont la fermeture est inéluctable sans intervention humaine. Toutefois leurs pratiques d'exploitation et d'entretien s'opposent aux réglementations actuelles. Le drainage des zones humides, strictement interdit dans ce type d'espaces, est la condition première pour leurs pratiques. Le drainage est même la condition sine qua non d'une prairie de bonne qualité. « Depuis que je suis tout petit j'ai toujours entendu les anciens dire qu'il faut enlever l'eau dans les joncs, évacuer les surplus d'eau. A l'école on a appris à faire ça aussi »130(*). Certains éleveurs ont déjà fait l'objet de procès verbaux pour leurs pratiques en fond de vallée. La situation est là aussi très tendue entre les agriculteurs et la Police de l'eau. La réalisation d'un inventaire des zones humides à l'échelle du département du Rhône est d'ailleurs perçue assez négativement. Les agriculteurs voient dans cet inventaire un outil réglementaire pour réprimander leurs activités dans les fonds de vallées.

* 128 Source : SOGREAH, 2001, étude morphodynamique de l'Azergues pour le volet B du contrat de rivière Azergues.

* 129 BRUN (A.), p 207, op. cit.

* 130 Entretien avec un éleveur de la Haute-Azergues. Le compte rendu d'entretien est en annexe.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon