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Les obstacles à la bonne qualité de l'eau dans les rivières péri-urbaines. L'exemple du bassin versant de l'Azergues (Rhône)

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par Nicolas Talaska
Université Lumière Lyon 2 - Maîtirise de géographie 2007
  

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3. La politique de réduction des pollutions des eaux par les pesticides utilisés dans la viticulture se heurte à la crise économique de la filière viticole Beaujolaise

La viticulture est à l'origine de deux types de pollution de l'eau. L'activité viticole génère des pollutions indirectes par l'utilisation diffuse de pesticides. L'activité vinicole produit des rejets directs dans le milieu aquatique issus des déchets de la transformation du raisin en vin. Ces deux sources de dégradation de la qualité des cours d'eau font l'objet de programmes d'actions visant à réduire les pollutions des eaux de surface à l'échelle du vignoble du Beaujolais. La mise en oeuvre des programmes se heurte au contexte économique difficile et durable de la viticulture Beaujolaise mais aussi à la difficile acceptation de la remise en cause des pratiques viticoles telles qu'elles existent depuis plusieurs décennies.

3.1. La vigne, forte consommatrice de produits phytosanitaires

Comme toutes les productions végétales, la vigne est vulnérable aux maladies, aux insectes ravageurs et aux adventices (`mauvaises herbes'). Parmi les plus répandues on peut citer huit maladies et une dizaine d'insectes néfastes à la vigne. Pour limiter la vulnérabilité de la vigne, les viticulteurs utilisent trois types de pesticides : les fongicides contre les champignons représentent 80 % de la consommation totale, les herbicides contre les mauvaises herbes et les insecticides contre les insectes. La vigne est une grosse consommatrice de pesticides. Alors qu'elle représente 3 % de la SAU nationale elle capte 20 % de la consommation totale de pesticides. Une vingtaine de traitements sont effectués chaque année. Ils s'étalent généralement entre le mois d'avril et le mois d'Août131(*).

Si l'utilisation de pesticides vise à protéger les vignes, la migration des molécules dans le milieu naturel génère des effets néfastes pour l'homme et les écosystèmes et notamment les écosystèmes aquatiques. Les substances actives des pesticides ainsi que leurs métabolites migrent vers les cours d'eau par ruissellement lors des épisodes pluvieux et contribuent à la dégradation de la qualité des eaux de surfaces. Les pesticides altèrent la qualité de l'eau en soi, par une dégradation physico chimique, et contribue aussi à l'altération de l'écosystème aquatique via les effets toxiques sur les organismes vivants. Enfin, et c'est sans doute un des points les plus importants, la pollution toxique par les pesticides peut remettre en cause des usages non agricoles de l'eau et notamment la production d'eau potable. Les propos alarmistes du MEDD révèlent sans ambiguïté la problématique liée aux pesticides. Le MEDD parle de « la contamination préoccupante des eaux de surfaces ainsi que des eaux souterraines » par les pesticides. La question apparaît d'autant plus préoccupante que la France est une grosse consommatrice de pesticides. Alors que l'Europe est le premier acheteur mondial de pesticides (29 % du marché mondial), la France consomme à elle seule 1/3 des pesticides vendus dans tous les pays européens, soit une moyenne de 100 000 tonnes par an. Cette quantité fait de la France le troisième consommateur mondial de pesticides. Cette utilisation massive entraîne une pollution des cours d'eau plus ou moins fortes selon les aires géographiques, mais globalement elles sont généralisées et importantes. En 2004, sur 607 stations mesurant la teneur en pesticides des cours d'eau, la moitié présentait une qualité moyenne à mauvaise et 10 % une qualité impropre à la production d'eau potable et pouvant affecter de manière importante les équilibres écologiques. Cette contamination remet en cause l'atteinte du « bon état » demandée par la DCE. A titre d'exemple, le diuron132(*) fait partie de la liste des 41 substances prioritaires entrant dans l'évaluation de l'état chimique des eaux. L'état chimique est mauvais si la moyenne de concentration d'une seule des substances analysées dépasse la valeur seuil fixée par la DCE. Pour le diuron cette valeur seuil est fixée à 0.2ug/l d'eau. Or lors d'une campagne d'analyse des pesticides dans les rivières du Beaujolais menée mensuellement en 2002 et 2003 la concentration moyenne du diuron était de 1.079ug/l. La concentration moyenne du diuron dans les eaux superficielles du Beaujolais est donc 5 fois supérieure au seuil maximum fixé par la DCE pour atteindre le bon état chimique. Ce seul paramètre peut aboutir à la non atteinte du « bon état » général des masses d'eau concernées.

La publication d'études sur les effets sanitaires et environnementaux néfastes des pesticides, ainsi que l'inquiétude croissante des consommateurs sur les risques alimentaires, ont favorisé la mobilisation des pouvoirs publics européens et français. Depuis 1980, l'Union Européenne a élaboré plusieurs directives concernant les pesticides, et la préparation d'une directive cadre sur les pesticides (DCP) témoigne de l'attention croissante portée à cette question. En France, la prise de conscience est plus récente comme en témoigne la retranscription tardive en 1989 d'une directive européenne datant de 1980 établissant des concentrations maximales en pesticides pour la production d'eau potable. Toutefois le début des années 1990 marque un engagement plus fort. Depuis 1996, des groupes régionaux « phyto » coordonnent des actions de lutte contre la pollution des eaux par les pesticides sous la responsabilité des services régionaux déconcentrés de l'Etat (DIREN, SRPV). Ces groupes identifient des secteurs très impactés dans la région et animent des actions de lutte contre les pollutions phytosanitaires sur des « bassins versants pilotes». Depuis 1998, le MEDD mandate l'IFEN pour réaliser un suivi annuel de la contamination des eaux par les pesticides. Les résultats assez préoccupants ont donné lieu dès 2000 au lancement, à l'échelle nationale, du « plan phyto », poursuivi depuis 2006 par le Plan Interministériel de Réduction des Risques liés aux Pesticides. Ce deuxième plan semble révéler une montée en puissance du dispositif puisqu'il associe 4 ministères contre 2 pour le premier plan. Ces deux programmes visent à réduire l'utilisation des pesticides les plus dangereux et les pollutions qu'ils génèrent. A côté des mesures nationales, les actions régionales sont renforcées. Ces actions ciblées sur des « bassins versants prioritaires » doivent être largement basées sur le volontariat, et depuis 2004 les ministères de l'environnement et de l'agriculture demandent expressément que ces actions recouvrent un caractère très opérationnel orienté vers la modification des pratiques agricoles et non agricoles.

En Rhône-Alpes, les actions sont mises en oeuvre sous l'égide de la Cellule Régionale d'Observation et de Prévention des Pollutions par les Pesticides (CROPPP). La « labellisation CROPPP » des actions proposées permet de bénéficier de financements. Jusqu'en 2004 le financeur principal était l'Etat mais, depuis 2005, c'est l'Agence de l'Eau RMC.

Les études de l'IFEN et le travail de la CROPPP ont identifié le Beaujolais comme très impacté par les pesticides. L'ensemble du Beaujolais viticole fait partie des 26 bassins versants prioritaires en Rhône-Alpes. Il est concerné depuis 2002 par le programme Qualité des Eaux dans le Beaujolais Viticole (QEBV) mené par la Chambre d'Agriculture du Rhône. Ce programme se compose de trois volets. Un premier volet, important par les crédits qu'il mobilise, consiste à suivre la contamination de 12 rivières du Beaujolais par des analyses mensuelles. Prévues initialement sur toute la durée du programme (5 ans), elles n'ont couvert que deux années suite à l'arrêt du financement par l'Etat. Une campagne de mesures sera menée à la fin du programme pour évaluer son efficacité. Un second volet consiste à mettre en oeuvre des actions tests sur des petits bassins versants afin d'évaluer leur efficacité et leur capacité à être généralisées à l'ensemble du Beaujolais viticole. Ces actions sont essentiellement orientées vers la création de « zones tampons » permettant de réduire la migration des pesticides dans les cours d'eau par ruissellement. L'enherbement des chemins d'exploitation, et des rangs de vigne est largement privilégié par l'Agence de l'Eau. Enfin un important travail de sensibilisation à destination des professionnels de la viticulture vise à faire changer les pratiques actuelles quant à l'utilisation des pesticides. Cette action se double d'une large communication sur les possibilités de subventionnement pour la réalisation de travaux de mise aux normes devenus nécessaire au gré d'une réglementation en évolution rapide.

Le suivi de la contamination de l'eau par les pesticides est allé bien au-delà des analyses de l'IFEN et a mis en évidence la forte pollution des rivières du Beaujolais133(*). Si la contamination apparaît moins forte dans le sud du Beaujolais que dans le nord, elle reste très importante dans l'Azergues. A Lucenay (Azergues aval), le suivi mensuel sur deux années met en lumière une qualité de l'eau très altérée par les pesticides. Sur 24 meures mensuelles, 11 présentent une qualité très mauvaise (figure 13). La viticulture n'est pas seule en cause dans cette contamination, mais le graphique montre bien la corrélation entre les pics de pollutions et les périodes de traitements.

Figure 26. Pour réaliser ce graphique, les données issues de la campagne de mesures mensuelles sont comparées aux classes de qualités par altérations aux pesticides du SEQ-Eau (version 2, 2003). Il est à noter que les seuils par altérations aux pesticides correspondent à ceux utilisés pour les classes d'aptitudes à la production d'eau potable.

* 131 Aubertot (J.N)., Barbier (J.M), Carpentier (A), Gril (J.J), Guichard (L) , Lucas (P), Savary (S), Savini (I), Voltz (M), (éditeurs), 2005, Pesticides, agriculture et environnement. Réduire l'utilisation des pesticides et limiter leurs impacts environnementaux, Expertise scientifique collective, synthèse du rapport, INRA et Cemagref (France), 64 p. (Document consulté et téléchargeable sur le site Internet de l'INRA : http://www.inra.fr )

* 132 Cette substance entre dans la composition de nombreux herbicides utilisés en viticulture mais aussi pour des usages non agricoles (jardins, voiries, etc.)

* 133 Chambre d'Agriculture du Rhône, mars 2005, Caractérisation et suivi de la qualité des eaux en Beaujolais viticole, année 2.

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