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Les obstacles à la bonne qualité de l'eau dans les rivières péri-urbaines. L'exemple du bassin versant de l'Azergues (Rhône)

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par Nicolas Talaska
Université Lumière Lyon 2 - Maîtirise de géographie 2007
  

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3.3. Les obstacles à la mise en oeuvre des actions environnementales

La dégradation durable des milieux aquatiques par l'agriculture intensive, alors que la DCE demande d'atteindre le « bon état » des cours d'eau pour 2015, a contribué au renforcement de la réglementation environnementale française sur les pratiques agricoles. La viticulture est concernée à double titre par l'utilisation importante de pesticides d'une part, et la production de gros volumes d'effluents issus des différentes étapes de la vinification, d'autre part. Les rivières du Beaujolais sont particulièrement altérées par les pollutions viti-vinicoles. Prises en considération par les pouvoirs publics, ces pollutions Beaujolaises sont aussi dénoncées par les écologistes136(*). Dans le Beaujolais la réduction des pollutions liées à la viticulture fait l'objet de deux programmes concernant chacun des deux types de pollutions. La prise en considération des pollutions viti-vinicoles se traduit donc par la mise en oeuvre d'actions opérationnelles de nature correctives et préventives. Mais dans la pratique, des entretiens avec les chargés de missions des deux programmes et un viticulteur se dégage un constat. La volonté accrue et récente de réduire la dégradation des milieux aquatiques pour satisfaire aux exigences de la DCE se traduit par une réglementation environnementale exigeant des viticulteurs une rapide modification de leurs pratiques qu'ils sont peu enclins à réaliser pour plusieurs raisons.

Les pratiques agricoles mises en cause aujourd'hui ont été érigées au sommet du progrès technique durant 40 ans. L'utilisation massive des fongicides dans la viticulture depuis les années 1970 a effectivement permis d'améliorer la sécurité des récoltes, mais leurs effets néfastes sur l'environnement et la santé n'émeuvent les pouvoirs publics que depuis peu et les pratiques effectives aujourd'hui remises en cause ne changent que lentement. Une enquête de l'ISARA137(*) menée en 2004 auprès des viticulteurs du Beaujolais sur leurs pratiques phytosanitaires fait ressortir que plus de la moitié des viticulteurs ont « moyennement ou pas conscience » de la dégradation des eaux par les pesticides. Cette méconnaissance se répercute sur les pratiques. A titre d'exemple, la même enquête montre que presque 20 % des viticulteurs déversent leurs reliquats de traitements soit dans la nature soit au tout à l'égout. Ces pratiques sont à l'origine de pollutions ponctuelles plus ou moins importantes alors même que les connaissances sur les risques de ces pratiques ne sont plus ignorées. L'enquête s'est déroulée deux ans après la mise en oeuvre du programme QEBV, et quatre ans après la mise en oeuvre à l'échelle nationale du « plan phyto ». Ceci montre bien que les temporalités sont diverses entre la formalisation de la connaissance scientifique, l'institutionnalisation des volontés de changements de pratiques et les changements effectifs sur le terrain. Ce décalage de transmission du savoir scientifique à destination des `profanes' conduit à la difficile acceptation des réglementations qui se situent, elles, entre la formalisation du savoir scientifique et sa diffusion auprès des profanes. Prenons le cas du traitement des effluents vinicoles des caves particulières. L'obligation de traitement n'a pu être légitimé auprès des viticulteurs que par un important travail de « communication » de la chambre d'agriculture. Il s'agissait en réalité de transmettre aux viticulteurs un savoir scientifique leur permettant de connaître l'impact réel de leurs effluents sur la qualité des cours d'eau. Les viticulteurs ne comprenaient pas l'obligation qui leur était faite de traiter leurs effluents. Pour eux, les rejets qu'ils génèrent sont faibles et la composition des effluents est organique, donc « biodégradable ». Les techniciens de la chambre d'agriculture ont donc expliqué aux viticulteurs le processus d'auto-épuration des rivières et en quoi les rejets vinicoles contribuent à perturber ce processus.

Au-delà des obstacles liés à la communication d'un savoir scientifique pour faire changer les comportements, la crise économique actuelle du vignoble du Beaujolais est aussi un facteur limitant les changements de pratiques.

La volonté récente de limiter les risques de pollutions des eaux par les effluents viti-vinicoles s'impose aux viticulteurs du Beaujolais dans un contexte économique et social difficile. Il est demandé aux viticulteurs d'investir dans des équipements à plus value environnementale alors que « le litre de Beaujolais ne vaut pas plus cher qu'un timbre ». Un arrêté du ministère de l'agriculture datant du 12 septembre 2006138(*), impose de nouvelles mesures réglementaires concernant l'utilisation des pesticides en vue de réduire les pollutions diffuses et ponctuelles ayant des impacts sur la qualité des eaux. Avec cet arrêté, des pratiques favorisées sous la forme du volontariat deviennent obligatoires. Cet arrêté impose notamment la mise aux normes des lieux de stockages des produits phytosanitaires ainsi que l'aménagement d'aires conçues pour le remplissage et le nettoyage des appareils de pulvérisations. Ces aménagements nécessitent des investissements relativement importants alors même que certains viticulteurs travaillent aujourd'hui à perte. Toutes les aides publics possibles pour faciliter la réalisation des travaux sont regroupés au sein d'un plan unique dont la vocation explicite est « la reconquête de la qualité des eaux » dans le cadre de la DCE. Le Plan Végétal pour l'Environnement139(*) peut apporter des subventions pouvant atteindre 40 % des investissements réalisés. Le taux de subventionnement est donc assez élevé mais le montant minimal d'investissement est lui aussi très élevé (4 000 euros) et peu adapté aux difficultés économiques que connaissent un nombre important de viticulteurs dans le Beaujolais et particulièrement dans le sud du vignoble. Cet obstacle économique se retrouve aussi dans les opérations d'enherbement du vignoble puisqu'elles nécessitent l'achat de machines spécifiques. En outre ces nouvelles réglementations entraînent de nouvelles pratiques qui augmentent la charge de travail. A titre d'exemple, dans le cadre du traitement des effluents vinicoles plusieurs techniques sont possibles dont la création d'une cuve souterraine pour récupérer les effluents et les épandre ensuite sur les parcelles en herbe ou dans la vigne. Cette technique demande donc une vidange régulière de la cuve pendant la période très chargée des vendanges. En ce qui concerne l'entretien de l'enherbement dans les vignes, certains viticulteurs y voient une régression technique. Alors que les herbicides ont permis d'abolir le désherbage mécanique pratiqué dans le passé, « on nous (les viticulteurs) demande aujourd'hui de revenir à l'époque de nos grands-parents »140(*).

Les obstacles que rencontrent les programmes de réduction des pollutions viti-vinicoles sont donc liés à la conjonction des contraintes économiques et environnementales que subit le vignoble du Beaujolais. D'un côté la crise de méventes génère des problèmes de trésorerie pour les exploitations qui sont accentués d'un autre côté par l'obligation d'investissements liés aux injonctions environnementales. Ces investissements sont d'autant plus mal acceptés par les viticulteurs qu'ils ne créent pas de plus value économique pour l'exploitation d'une part, et qu'ils augmentent la charge de travail d'autre part. Les viticulteurs ont ainsi le sentiment que « tout leur tombe sur la tête » en même temps. Ce sentiment risque de ne pas favoriser les objectifs affichés par la DTA et le SCOT, mais aussi ceux de la DCE. Conserver une agriculture garante de « paysages ruraux-patrimoniaux »141(*) contre un processus accentué d'urbanisation dans le sud du Beaujolais ne se fera pas sans les agriculteurs. Ce constat vaut aussi pour la réduction des pollutions. « La reconquête de la qualité de l'eau se fera avec les agriculteurs et grâce à eux, ou ne se fera pas »142(*).

* 136 Dans un article de novembre 2003, l'association écologiste Robin des Bois écrivait : « dans le Beaujolais, on produit plus d'eau polluée que de vin » et « les rivières qui traversent le vignoble sont sinistrés par les pesticides ». La très forte concentration d'arsenic dans les sédiments de l'Azergues est également attribuée à l'utilisation de l'arsénite de soude comme fongicide dans la viticulture.

* 137 ISARA Lyon, travail de fin d'étude, 2004, Les pratiques phytosanitaires dans le Beaujolais viticole.

* 138 Arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits visés à l'article L.253-1 du code rural.

* 139 Circulaire DGFAR/SDEA/C2006-5047/DE/SDMAGE/BPREA/ 2006, définissant les conditions de mise en oeuvre du Plan Végétal pour l'Environnent.

* 140 Discussion avec un viticulteur à Bagnols, avril 2007.

* 141 Classification paysagère du Beaujolais viticole, DIREN Rhône-Alpes, Cartes, (Page consulté le 02 mai 2007) [En ligne]. Adresse URL : http://www.rhone-alpes.ecologie.gouv.fr

* 142 MIQEL Gérard. (Page consultée le 10 mai 2007). La qualité de l'eau et de l'assainissement en France (Rapport de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Techniques, 2003), [En ligne].

Adresse URL : http://www.senat.fr

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote