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Dépenses Militaires, Gouvernance et Efficience Economique: le cas de l'Afrique sub-Saharienne

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par Thérèse Félicitée AZENG
Université de Yaoundé 2-SOA - DEA 2008
  

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chapitre 3 :

THEORIE SUR LA GOUVERNANCE ET L'EFFICIENCE DES DEPENSES PUBLIQUES

Le concept de la gouvernance a reçu une dimension nouvelle dans le discours sur le développement de l'Afrique lorsque, dans ses perspectives à long terme sur le développement de l'Afrique, la Banque mondiale en 1985 constatait que la mauvaise gouvernance était le principal obstacle au développement du continent. Selon ce rapport, «c'est la crise de gouvernance qui est à la base de la litanie des problèmes de développement en Afrique». A ce jour, il est possible de recenser près de 140 bases de données ou indicateurs permettant d'éclairer divers aspects de la gouvernance. Il s'agit généralement d'évaluations subjectives produites par des agences privées de notation du risque, des organisations multilatérales, des centres de recherche ou encore des organisations non gouvernementales (Duc et Lavallée 2004). Nous présenteront d'abord les différents types d'indicateurs disponibles, puis nous nous intéresserons aux mesures de deux aspects emblématiques de la gouvernance cadrant avec notre analyse : la stabilité politique et la corruption.

SECTION 1 : LA GOUVERNANCE COMME DETERMINANT DE L'EFFICIENCE DES DÉPENSES PUBLIQUES

1.1. Théorie de la gouvernance.

Depuis la fin des années 1990, la promotion de la bonne gouvernance est une priorité pour les grandes organisations internationales, telles que le Fonds Monétaire International ou la Banque Mondiale, dans leurs programmes de lutte pour le développement et pour la réduction de la pauvreté. La gouvernance regroupe « les traditions et les institutions par lesquelles l'autorité est exercée dans un pays pour le bien commun. Cela inclut le processus par lequel les gouvernements sont choisis, contrôlés et remplacés, la capacité du gouvernement à élaborer et mettre en place des politiques judicieuses, ainsi que le respect des citoyens et l'état des institutions gouvernant leurs interactions économiques et sociales » (Kaufmann, Kraay et Zoido-Lobaton ; 1999 p.1). Une saine gestion des dépenses publiques est indispensable pour une prestation de services efficace. Pour améliorer l'efficacité de la prestation des services publics, il ne suffit pas d'améliorer la discipline financière et l'efficacité des affectations ; il faut aussi obtenir une plus grande efficacité opérationnelle de la part des institutions publiques chargées de la prestation de services. L'Etat doit aussi assurer une meilleure gouvernance dans l'objectif d'améliorer la qualité de ses dépenses publiques afin de les rendre plus efficientes, stimuler la croissance économique et atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (Romdhane, 2006). Toutefois, parler de gouvernance mérite préalablement que l'on définisse l'aspect qui agit directement sur l'efficience des dépenses militaires.

1.1.1. La bonne gouvernance : nouvelle exigence de la problématique du développement

Par « gouvernance », on entend généralement l'action de piloter, de diriger et de gouverner les affaires d'une organisation. Cette dernière peut être un pays, un groupe de pays, une région, une collectivité territoriale ou une entreprise publique ou privée. La gouvernance met l'accent sur les formes de coordinations, de concertation, de participation et de transparence dans la décision. Elle favorise le partenariat des acteurs et la convergence des intérêts. Dans le modèle de gouvernance, les frontières entre secteur public et privé tendent à s'estomper et la séparation des fonctions politiques et économiques dans le processus de développement est inopérante (Boutaleb 2004). Ceci dit, aux niveaux macroéconomique et politique, il est assez difficile de définir de manière précise le concept de gouvernance ; cependant, on s'entend, généralement, pour reconnaître qu'il couvre un champ plus large que celui de la notion de gouvernement, auquel il était assimilé dans la mesure où il faisait référence à l'action ou à la manière de gouverner. Longtemps son usage est ainsi resté circonscrit aux questions constitutionnelles et juridiques concernant la conduite des affaires de l'Etat.

En effet, selon Boutaleb (2004) la notion de gouvernance s'inscrit dans une problématique assez large d'efficience et d'efficacité de l'action publique, et concerne les rapports entre l'autorité et le pouvoir. La gouvernance implique ainsi une nouvelle organisation du pouvoir et une nouvelle façon de gouverner la société. En somme, la gouvernance renvoie ici à ce qui pourrait être qualifié de nouveau paradigme de la gestion publique. L'objectif d'une meilleure gouvernance actuellement poursuivi par les gouvernements comprend à la fois le désir d'une direction politique davantage capable, légitime et responsable et le projet d'une exécution administrative, techniquement correcte, moins coûteuse et plus efficace que celles auxquelles on s'était accoutumé. Le caractère hétérogène de la notion de gouvernance revêt aujourd'hui de multiples significations et se prête à de multiples usages.

Pour la Banque mondiale, « la gouvernance est une affaire de management ou de reformes institutionnelles en matière d'administration, de choix de politique, d'amélioration de la coordination et de fourniture de services publics efficaces ». La Banque mondiale endosse ainsi les principes de l'efficience et de la responsabilisation et y réfère de manière prescriptive pour désigner les institutions et les pratiques politiques théoriquement nécessaire au développement. Elle associe la notion de gouvernance à une saine gestion du développement assurant un cadre prévisible et transparent de la conduite des affaires publiques et obligeant les tenants du pouvoir à rendre des comptes.

Le PNUD souligne d'emblée pour sa part le sens qu'il entend donner au concept de gouvernance : « La bonne gouvernance se définie, parmi d'autres caractéristiques, comme participative, transparente et responsable ; elle est également efficace et équitable : elle favorise le respect de la légalité. ». La bonne gouvernance se définit d'ailleurs comme « un ensemble d'institutions sociétales qui représentent pleinement la population, qui sont reliées par un réseau solide de réglementation institutionnelle et de responsabilité (vis-à-vis du peuple, en dernier ressort) et qui ont pour objectif de réaliser le bien-être de tous les membres de la société ».

La démarche de bonne gouvernance met l'accent sur la production économique par le secteur privé dans les conditions de libre concurrence. Mais elle considère que le marché a ses limites. Le gouvernement n'est plus perçu comme un consommateur irresponsable de ressources publiques, dont l'importance et les fonctions doivent être en principe réduites. Il devient à nouveau essentiel pour le développement économique comme gestionnaire, planificateur et prestataire de services indispensables pour la croissance économique à long terme : enseignement, santé publique, infrastructure économique et état de droit.

1.1.2. La bonne gouvernance, condition nécessaire de l'efficience économique

La bonne gouvernance est un élément important de tout développement économique durable (Haering 2000 ; Afonso et al 2003 ; Ndinga 2002 ; Ben Romdhane 2006). Sachant que dans le court terme la croissance économique est également possible sans bonne gouvernance, nous soulignons qu'à longue échéance le développement ne peut être durable que dans un cadre de bonne gouvernance. En ce qui concerne le développement économique durable, la lutte contre la corruption a le rang de priorité le plus élevé. D'où la nécessité pour les Etats et les organisations internationales de suivre une politique cohérente et de coordonner leurs actions.

L'Afrique sub-saharienne fait face, depuis deux décennies, à de graves problèmes économiques qui sont aussi liés à l'absence de bonne gestion des affaires publiques (PNUD 1997 ; Banque Mondiale 2002). Le développement économique piétine dans nombre de domaines et l'intégration dans l'économie mondiale est insuffisante, principalement parce que les conditions nécessaires pour attirer les investissements ne sont pas réunies et que la corruption et la criminalité organisée se sont, par contre, de plus en plus répandues. L'état de droit, la rationalisation d'administrations improductives, la transparence et la lutte efficace contre la corruption sont d'importants moyens d'améliorer la situation, de lancer des initiatives et de rétablir la confiance de la société civile dans l'Etat. De telles mesures créeront les conditions nécessaires pour encourager l'initiative économique privée et prévenir les migrations et l'exode des compétences.

Tout développement économique ayant pour point de départ des ressources financières et du savoir-faire, ces deux éléments sont pour ainsi dire le moteur du progrès économique et seule leur mobilisation permet un accroissement considérable de la production de biens et de services. Pour assurer durablement la croissance économique, il faut réunir des conditions propres à encourager les investissements afin de garantir des apports constants de ressources financières et de savoir-faire. Il faut créer des conditions propices aux activités et investissements du secteur privé du pays même d'une part et aux investissements étrangers de l'autre.

Les institutions et dispositifs appliquant les normes juridiques dans le respect des principes de l'état de droit comptent aujourd'hui parmi les services de base que l'Etat moderne doit absolument proposer dans le cadre d'un système économique orienté vers le marché. Un secteur privé économiquement actif a besoin d'un cadre juridique qui fasse sa part à la dynamique sociale et économique et offre stabilité et ordre public. La confiance ainsi créée permet aux citoyens de prospérer et de se développer et débouche, à long terme, sur une économie viable bénéficiant d'apports réguliers d'investissements. Le fonctionnement harmonieux d'une infrastructure matérielle et publique favorise l'activité économique, en réduisant les coûts pour l'entrepreneur, ce qui stimule l'investissement et suscite la croissance. Une administration publique efficace, efficiente et transparente est une composante importante de l'infrastructure étatique. Par ailleurs, une croissance optimale n'est possible que si les ressources publiques sont elles aussi utilisées de manière efficiente et efficace pour fournir certains services essentiels.

La mauvaise gouvernance décourage les entrées des IDE. Elle contribue, en effet, à : réduire la confiance des investisseurs dans l'économie à cause des distorsions et des incertitudes qu'elle crée, encourager la fuite des capitaux en augmentant le coût des investissements, élever le coût des frais généraux des affaires courantes, faire disparaître les perspectives d`investissement et de croissance de l'entreprise investie à cause des pratiques non transparentes, de l'inefficacité du système judiciaire (Ndinga 2002).

A cet effet, la corruption freine la croissance économique, en perturbant la production par une mauvaise répartition des ressources. Les ressources ne sont pas utilisées là où elles peuvent le mieux servir l'économie nationale. Dans les pays en développement, et notamment en Afrique, la corruption est une cause importante de sous-développement et de pauvreté. Les pratiques de corruption amoindrissent non seulement l'efficacité de la politique de développement, mais faussent aussi de plus en plus la concurrence. Tout cela décourage les investissements et débouche sur une répartition peu efficiente des facteurs de production. Les mesures visant à lutter contre la corruption contribuent ainsi à une croissance économique durable.

Un cadre stable est indispensable pour quiconque veut réussir durablement dans le domaine économique. L'activité économique ne prospérera dans un pays, contribuant ainsi à la croissance durable, que si le gouvernement et sa politique, constante et sûre, inspirent confiance. Les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont indispensables pour garantir cette stabilité. Il faut également renforcer la société civile et l'associer au processus décisionnaire. Tous ces facteurs contribuent à l'aptitude d'un Etat à résoudre les conflits ou crises par des moyens pacifiques et à maintenir un environnement stable. Du point de vue économique, la liberté d'opinion a une importance spéciale, parce qu'elle crée un climat favorable à l'éclosion d'idées nouvelles, ce qui est vital, les innovations adoptées dans un environnement concurrentiel étant la force motrice du développement économique. D'ailleurs, selon de nombreux experts, la performance économique d'un pays dépend principalement de son cadre politique, institutionnel et juridique (OCDE, 2001).

Dans le même ordre d'idée, la bonne gouvernance est une condition nécessaire du bien-être de la collectivité. En effet, la bonne gouvernance doit garantir à tous les membres de la société un accès équitable aux ressources publiques. Reconnaissant la responsabilité individuelle, l'Etat a l'obligation d'assurer à tous les citoyens une sécurité sociale adéquate. Dans ce sens, la bonne gouvernance renforce la confiance de la population dans l'Etat et en même temps la cohésion de la société. Par ailleurs, la bonne gouvernance est un outil de l'action en faveur de la société civile, car elle permet à la société civile de jouer son rôle à la fois de partie concernée responsable et de force motrice dans les processus de réforme et de développement.

Romdhane (2006) procède à une petite simulation qui révèle l'importance de l'amélioration de la gouvernance pour la promotion de l'efficience notamment dans l'éducation et la santé. Ainsi, une amélioration de la qualité de la gouvernance de 10% entraîne une amélioration de l'efficience des dépenses publiques d'éducation de 1% pour le Kenya, 1.4% pour le Mali, 1.5% pour le Niger, 2.2 % pour le Lesotho et pour le Népal, 2% pour la Tunisie, 2.6 % pour le Togo, 3% pour le Rwanda et 8.8% pour le Zimbabwe. Ses résultats confirment ceux d'autres travaux qui montrent que les pays africains tendent à être inefficients au delà des effets des autres variables. En d'autres termes, il existe dans les pays africains d'autres handicaps qui réduisent l'efficience des dépenses publiques. Ainsi, elle met en évidence l'importance de la bonne gouvernance pour l'amélioration de l'efficience dans l'éducation. Il ne suffit plus, par exemple, d'investir des ressources rares dans le secteur de l'éducation, il faut que ce secteur soit géré par un système de bonne gouvernance, susceptible d'augmenter le rendement des dépenses d'éducation.

1.2. Les indicateurs de la gouvernance

1.2.1. Typologie des indicateurs les plus utilisés

Selon le PNUD (2000), il est possible de recenser les différentes approches utilisées pour mesurer la gouvernance. En effet, quantifier et mesurer la qualité de la gouvernance est un problème redoutable. Les tentatives effectuées diffèrent considérablement quant à ce qui est mesuré. Nous présentons ici certaines de ces tentatives et leur définition de ce qu'il faut entendre par bonne gouvernance.


· Évaluation des politiques et des institutions d'un pays.

Les évaluations de la politique et des institutions d'un pays menées par la Banque mondiale, couvrent l'ensemble des choix de politique et les structures institutionnelles.


· Freedom House.

Le classement établi par cet organisme utilise des enquêtes qui cherchent à mesurer les libertés civiles et politiques dans le monde.


· International Country Risk Guide.

Il s'agit d'un classement des pays en fonction des risques politiques, économiques et financiers qui s'attachent à eux. Les risques politiques concernent : la stabilité du gouvernement, la situation socioéconomique, le climat des investissements, la corruption, le conflit, la qualité de l'administration, l'obligation démocratique de rendre des comptes, l'ordre public, et l'influence de la religion et des militaires sur le gouvernement. Les différentes mesures du risque économique comprennent le PIB par habitant, la croissance du PIB, l'inflation et les politiques budgétaires.


· Le groupe des experts de gouvernance de la Banque Mondiale.42(*)

Les données produites par le groupe de la Gouvernance mondiale à l'Institut de la Banque mondiale, classent les pays sur la base de six aspects de la gouvernance : la participation à la vie politique et l'obligation de rendre des comptes, la stabilité politique, l'absence de violence, l'efficacité du gouvernement, la qualité de la réglementation, le respect de la légalité et la lutte contre la corruption.


· Transparency International.

Il s'agit d'un classement des pays sur la base de l'indice de perception de la corruption, indice composite qui mesure la corruption, telle qu'elle est perçue comme étant pratiquée par les fonctionnaires et les politiciens du pays.

Duc et Lavallée (2004) qualifient ces divers indicateurs de composites ou d'agrégés car ils sont élaborés à partir de résultats d'enquêtes et de ratings d'experts portant sur la corruption et les autres aspects de la gouvernance. Le principe fondamental de construction de ces indicateurs est le suivant : rééchelonner les données disponibles et en calculer la moyenne. Même si les procédures d'agrégation utilisées par Transparency International ou par la Banque Mondiale sont distinctes, elles donnent, pour chaque pays, un indicateur d'un ou plusieurs aspects de la gouvernance, ainsi qu'une mesure de la précision des indicateurs produits pour chaque pays et chaque période. Mesurer la gouvernance importe tant au point de vue de la politique nationale, que des relations économiques internationales ou encore de la recherche en sciences économiques et politiques. En effet, les indicateurs de gouvernance ont permis de mieux connaître les causes et les conséquences de la mauvaise gestion des affaires publiques. Ils ont aussi contribué à faire pression sur les gouvernements et les sociétés pour qu'elles agissent. Par exemple, l'indice de perception de la corruption de Transparency International a aidé à inscrire le problème de la corruption dans l'agenda politique international.

Les indicateurs utilisés peuvent être des indicateurs objectifs, ou bien être fondés sur les perceptions subjectives d'observateurs qualifiés. Ces données subjectives sont de fait très utiles car elles permettent de prendre en compte des réalités vécues sur le terrain que des indicateurs tirés de chiffres brut, objectifs, ne peuvent mesurer ou ne mesurent que très imparfaitement. Ces indicateurs ont montré leur utilité dans l'analyse de la croissance. Si l'analyse de la croissance sur très longue période est délicate et pose des problèmes d'identification économétrique délicats sur lesquels nous reviendrons plus bas, les résultats sur les quarante dernières années sont plus solides. Dollar et Kraay (2003) montrent par exemple dans leur étude sur les liens entre institutions, échanges internationaux et croissance que les régressions qu'ils testent sont raisonnablement bien identifiées quand la qualité institutionnelle est prise en compte de façon exogène.

* 42 Kaufmann, Kraay et Zoido-Lobaton (1999 ; 2000), et Kaufmann, Kraay et Mastruzzi (2007).

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo