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Le Réseau Formation Fleuve au Sénégal : pour une régulation participative de l'offre de formation agricole et rurale

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par Xavier MALON
Université Toulouse 1 Sciences sociales - Diplôme d'Université - Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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I.4- LA VALLÉE DU FLEUVE SÉNÉGAL : UNE RÉGION ENTIÈREMENT À PART

I.4.1- L'UTOPIE SÉCULAIRE D'UN POTENTIEL STRATÉGIQUE13(*)

Après la double période d'occupation anglaise, la France récupère ses anciennes colonies ; la société coloniale africaine, fondée par des négociants bordelais, affrète une expédition de quatre navires destinés à acheminer la nouvelle administration (et les soldats) au Sénégal.

Cette aventure restera gravée dans l'Histoire : l'un des quatre bâtiments est en effet la frégate La Méduse, à bord de laquelle se trouve le nouveau gouverneur de Saint Louis, le colonel Schmaltz.

Le 2 juillet 1816, à la suite d'une erreur de navigation, La Méduse se brise sur un banc ; les naufragés les plus élevés dans l'échelle sociale embarquent sur des chaloupes, remorquant un radeau imposant sur lequel est entassé le petit peuple. Le commandant Duroys de Chamareis, pour accélérer l'allure des embarcations, finira par couper les amarres du célèbre radeau, condamnant à une mort lente la plupart de ses passagers.

Quelques mois plus tard, une première expérience de colonisation agraire par des métropolitains tournera court : deux cent colons en feront les frais, victimes du climat et des moustiques.

Le souvenir de cet échec cuisant devait cependant s'effacer, dans un contexte marqué par l'abolition de la raite, devant une volonté politique forte de « compenser la suppression du trafic de bois d'ébène par la revalorisation des produits traditionnels », selon la formule utilisée par le ministre de la Marine, Portal.

D'un cantonnement classique à quelques comptoirs de la côte Atlantique, on passe alors à la prospection vers l'intérieur des terres, en longeant le Fleuve Sénégal et en sécurisant par des accords avec les chefs locaux cette voie de navigation indispensable pour acheminer les produits d'exportation jusqu'au port côtier.

La voie ainsi libre permet d'esquisser la mise en oeuvre de la colonisation agricole, dont la réussite repose sur une représentation idyllique du potentiel démographique et es potentialités des zones riveraines du fleuve, sur plusieurs centaines de kilomètres jusqu'à Bakel. L'idée était double : approvisionner la métropole en produits exotiques appréciés (café, indigo, coton), et assurer une dépendance croissante et irréversible des populations indigènes.

Il n'est pas superflu de rappeler que le Pacte Colonial consistait d'abord en l'obligation faite aux colonies de commercer exclusivement avec la puissance colonisatrice. (accessoirement, il leur interdisait également de transformer sur place leurs produits agricoles).

Bien vite, les ambitions doivent être revues à la baisse ; en effet, les attaques répétées orchestrées par les populations Maure et Bambara obligent le colonisateur à se rabattre sur un territoire plus aisément maîtrisable, limité entre Saint Louis et Dagana (ce que l'on appelle aujourd'hui le delta du fleuve Sénégal).

Les troubles inter-ethniques, les négociants qui s'opposent au système de monopole, et l'adversité Maure auront finalement raison de l'implantation des colons.

Entre alors en scène le baron Roger...

En 1822, Jacques ROGER est nommé gouverneur de Saint Louis ; il était depuis trois ans intendant du jardin d'essai de l'habitation royale créée par son prédécesseur. Sorte de gentleman farmer, idéaliste mais plein d'entregent, il réussira à se faire nommer baron rapidement, en vantant ses « succès » au gouvernement lointain.

Il ambitionne pour le Sénégal de remplacer la place qu'occupaient auparavant les colonies perdues des Caraïbes, pour approvisionner la France, et il a été choisi pour son option pacifiste (coloniser par les outils agraires plutôt que par les canons).

En réalité, quelques colons seulement répondirent à l'appel : quarante deux exactement, qui mirent en valeur 1200 hectares sur les dix mille qui leur furent concédés. La main d'oeuvre attendue fit cruellement défaut, les sénégalais libres préférant travailler leurs propres champs, en s'opposant à la spoliation foncière.

L'instauration d'un système incitatif coûteux de primes à la plantation (ricin, coton, café et indigo) n'y changera rien : en repiquant à tout va des branches de leurs plantations, qui se dessèchent un peu plus tard, les rusés colons (dont une bonne partie sont des Saint louisiens) s'emparèrent des primes et permirent au baron Roger de claironner SA réussite : 4,5 millions de plants de cotonnier recensés.

Sur les trois années qui suivirent, on ne récolta en tout et pour tout que 50 tonnes de coton, et pas d'indigo !

Les rapports flatteurs sur son bilan que Roger adresse régulièrement au gouvernement finiront par être rattrapés par la brutalité des chiffres : les recettes d'exportation ne couvriront qu'un huitième des dépenses consenties...

Les inspections qui seront diligentées par un gouvernement de plus en plus suspicieux aboutiront à la conclusion que les conditions particulières du « Sénégal » (sols, climat, facteur humain) sont peu compatibles avec sa mise en valeur agricole, et qu'il convient de favoriser à nouveau et au plus tôt le commerce, moins risqué. En 1829, ces évaluations du bilan du baron Roger proposaient donc d'en revenir à la simple exploitation des comptoirs.

Comme le remarque très justement P. DEBOUVRY, cette longue litanie d'erreurs, seulement esquissée ici, n'empêchera pas le modèle de se reproduire pendant les cent cinquante années suivantes. « il annonçait, contre toute logique, la série des futurs projets de mise en valeur fondés sur l'imposition autoritaire de structures et de formes d'exploitation de l'espace, en s'appuyant sur l'injection massive de capitaux et d'expertise, sans soucis des us et coutumes des populations locales ».

Dès 1850, une approche différente, plus inductive, à l'initiative du gouverneur PROTET allait assurer l'essor fulgurant de l'arachide, sans intervention directe sur la production mais en sécurisant son environnement et son écoulement. La pistache de terre, comme on l'appelait à l'époque, originaire du Brésil correspondait à une nouvelle demande européenne (huile de table, savon) et sa production (expérimentale au départ, par des maisons de négoce bordelaises) allait passer de 1000 à 20 000 tonnes entre 1840 et 1870, pour atteindre un million de tonnes en 1970.

Ainsi naîtra le bassin arachidier, caractérisé par sa monoculture, au centre du pays...bien loin de la Vallée du Fleuve Sénégal qui restera à l'écart de cette dynamique.

* 13 Ce chapitre s'inspire largement d'une série de recueil de fiches de lecture de P. Debouvry, dont notamment : « Du commerce illicite au commerce licite : abolition de l'esclavage et de la traite négrière », et « La saga des Bordelais, ou l'émergence de l'arachide sénégalaise ». (disponible chez l'auteur)

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