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Le Réseau Formation Fleuve au Sénégal : pour une régulation participative de l'offre de formation agricole et rurale

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par Xavier MALON
Université Toulouse 1 Sciences sociales - Diplôme d'Université - Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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II.6- DEVELOPPEMENT LOCAL

La paternité du concept de développement semble pouvoir être attribuée au père Joseph LEBRET ; devant la détresse des petits pêcheurs bretons durant la crise des années 30, cet ancien officier de marine devenu frère prêcheur dominicain s'attachera à les aider. Ce faisant, il développera une théorie humaniste, dans laquelle l'économie se mettrait enfin au service de l'Homme.

Fondateur d'Economie et Humanisme, le père LEBRET influencera de nombreux chrétiens et intellectuels engagés, en Europe mais aussi en Amérique latine et au sud du Sahara. Avant sa mort en 1966, il accédera au rang de conseiller du pape Paul VI, et inspirera largement l'Encyclique papale publiée en 1967 et consacrée au développement : « Populorum Progressio ». Celle-ci affirmait entre autres que la question sociale était devenue mondiale, avec l'émergence du Tiers-Monde44(*).

L'expression « mondialisation » n'était pas encore connue à l'époque, pourtant certains passages de l'Encyclique pressentaient les interdépendances croissantes des économies nationales, et entre les continents ; celles-ci justifiaient désormais d'appréhender la justice sociale et la solidarité à l'échelle mondiale, toutes deux garantes d'une paix durable sans laquelle « le développement de tout l'Homme et de tous les hommes »45(*) ne peut accompagner, pour l'humaniser, la croissance économique.

L'Indépendance fraîchement acquise, le jeune Etat sénégalais46(*) invitera le père LEBRET, en tant qu'économiste, pour conseiller le gouvernement dans l'élaboration du premier Plan, dont la prise en compte du développement économique et social du pays se voulait une rupture pour tourner la page de l'administration coloniale.

Sa contribution sera à l'origine de la Loi 66-64 du 30 juin 1966 d'abord, portant Code de l'administration communale, puis de celle du 19 avril 1972 ; cette dernière crée les Communautés rurales, qui constituent le premier maillage de la décentralisation à l'échelon du pays tout entier.

Les Communautés Rurales peuvent être comparées (par soucis de simplification) aux communes françaises, bien que leur emprise géographique soit beaucoup plus importante : 320 Communautés rurales se partagent en effet un territoire national équivalent à la moitié de la France métropolitaine.

Ce processus de décentralisation se poursuivra par la suite avec les deux lois de 1996, portant transfert de compétences aux régions, aux communes (urbaines) et aux communautés rurales, dont le fonctionnement sera régi par le nouveau Code des Collectivités Locales.

Il convient de noter à ce stade une particularité « sénégalaise » : en effet, dès 1872 la décentralisation y était à l'honneur, à la suite de la décision de la puissante occupante d'ériger Saint-Louis et Gorée en communes (conférant la nationalité française à leurs ressortissants) ; celles-ci seront rejointes en 1880 et 1887 respectivement par Rufisque (banlieue de Dakar, et ancien port commercial) et Dakar.

Ce rappel historique de la popularisation du terme « développement », depuis la France jusqu'au Sénégal, nous conduit à mieux distinguer croissance et développement.

Si la première fait expressément référence aux lois de l'économie, en exprimant l'augmentation quantitative de la richesse d'un pays, le développement quant à lui procède davantage du qualitatif ; c'est un processus au long cours, qui vise à une transformation en profondeur de la société pour faire évoluer les comportements et les mentalités, dans une optique humaniste par opposition au matérialisme qu'induit la croissance économique.

Les progrès engendrés par un développement raisonné et volontaire se traduisent par des transformations structurelles majeures. Education et démocratie, démographie, assistance aux plus démunis et mutualisation des risques de la vie, etc. : tous ces domaines participent de la qualité de vie des hommes.

Lorsque le développement s'intéresse à un territoire particulier, une commune, une région ou une petite région naturelle, on parle alors de développement local.

En France, le développement local est un concept relativement jeune ; est-il besoin de rappeler que notre pays « jouit », au moins depuis Colbert, d'une solide réputation internationale de centralisme politico-administratif, c'est à dire où les orientations et les financements « descendent » depuis la capitale jusqu'aux administrés.

Dans un article paru sous le titre « Découpages administratifs et territoires vivants : le cas français », Paul Houé retrace avec une grande clarté les principales étapes de l'évolution du mode de gouvernance de notre pays : depuis la Révolution jusqu'aux lois DEFERRE de 1982, qui induisent par la décentralisation un nouvel équilibre dans les rapports entre l'Etat central et les collectivités territoriales, en passant par la Vème République (déconcentration de l'Etat, avec les préfets de départements puis de Région) et la crise économique provoquée par les chocs pétroliers, qui fera rentrer dans le rang la Délégation à l'Aménagement du Territoire (DATAR) créée en 1963.

Le cas français s'apparente à un paradoxe : raillée pour son centralisme étatique omnipotent dans la conduite « de la vie de la Cité », la France compte pourtant depuis près de deux siècles 36 550 communes !

Le paradoxe n'est cependant qu'apparent, un Etat fort se satisfait pleinement de l'atomisation des pouvoirs locaux.

Mais ce n'est pas la seule justification ; en effet, les Français (comme leurs 500 000 élus municipaux) sont très attachés à leur identité locale. La suppression régulièrement envisagée de milliers de communes à peine viables et dépeuplées soulève invariablement une levée de boucliers, tandis que leur regroupement sous la forme de communautés de communes fait généralement grincer les dents.

S'il en existait déjà 95 en 1972, leur nombre ne dépassait pas 1241 en 1998. Par comparaison, il existe 17 523 syndicats intercommunaux, dont l'attrait est considérable : ils permettent de développer une coopération technique intercommunale, sans perte identitaire.

Sans prendre parti, nous nous contenterons d'évoquer le rapport de la Commission MAUROY, « Refonder l'action publique locale », qui évoque une « richesse démocratique irremplaçable et unique en Europe ».

Cette affirmation semble donner raison à Paul HOUE, pour qui « si rien ne naît sans les hommes, rien ne dure sans les institutions » : celles de l'Etat, et celles relevant de territoires vivants, qui permettent de dépasser les approches exclusivement sectorielles ; de leur capacité à coopérer naît la démocratie participative, où chacun apporte sa contribution et son implication au service d'un développement ascendant.

Dans son analyse des expériences françaises, Jacqueline MENGIN met en exergue plusieurs éléments qui structurent les dynamiques de développement local47(*) :

  • n C'est un processus, avant de devenir une procédure ;
  • n Il repose sur des réseaux, des forces endogènes, dont l'implication compte plus que la représentativité ;
  • n Le caractère holistique, ou systémique de la territorialité, qui relie tous les aspects sectoriels ;
  • n Un espace de négociation, indispensable pour que puissent s'articuler les actions imaginées ;
  • n Une motivation forte et partagée pour sortir d'une situation subie d'isolement (à la campagne ou dans certains quartiers périphériques).

Au Sénégal, comme dans d'autres pays sub-sahariens et ex colonies françaises, la nécessité de démarches d'appui au développement local a été mise en évidence par les projets de gestion de terroirs villageois de la coopération française ; ces terroirs dépassant généralement l'emprise foncière du village, le besoin d'impliquer les acteurs locaux, via des mécanismes de décision et de suivi inter-villageois, ouvrait ainsi la voie à leur plus grande responsabilisation.

Sans argent_ »nerf de la guerre »_, la responsabilisation des acteurs locaux, c'est à dire leur capacité à décider ou influer sur les décisions, n'est que virtuelle, tout comme leur responsabilité devant leurs concitoyens.

C'est la raison pour laquelle, dans un contexte de relative pauvreté au plan individuel et de difficultés récurrentes pour collecter les taxes locales à un niveau significatif, le principal instrument imaginé pour servir de déclencheur aux projets de développement locaux revêt généralement la forme de fonds d'investissements locaux.

Ces financements exogènes, sans lesquels rien ou presque n'est possible au plan opérationnel, sont constitués d'argent « froid », c'est à dire dont la valeur est toute relative pour les bénéficiaires qui n'ont pas eu à « transpirer » pour l'obtenir.

Aussi, pour éviter d'éventuelles dérives, des mécanismes bien rôdés ont été mis en place, pour intégrer la contribution financière (obligatoire) de ces bénéficiaires. Cet apport, variable selon les actions envisagées entre 5 et 25 % du coût total des investissements, et intégré dans une enveloppe globale, responsabilise pécuniairement les acteurs locaux, en leur permettant d'apparaître comme les commanditaires des actions de développement à l'échelle locale.

Tout n'est pas parfait cependant, au vu du triple constat suivant :

  • n De tels montages sont plus complexes et plus onéreux que le classique schéma institutionnel Maîtrise d'ouvrage - maîtrise d'oeuvre.
  • n Faute des compétences nécessaires, souvent, mais aussi en raison de la conjonction d'un certain clientélisme politique et d'une transparence toute relative dans les procédures d'éligibilité48(*) à ces fonds locaux, des problèmes de légitimité se posent, hypothéquant la pérennité des investissements collectifs réalisés.
  • n La complexité des montages imaginés, et le flou juridique des cadres de concertation, contribuent assez souvent à la confusion des rôles et à la dilution des responsabilités de maîtrise d'ouvrage.

Ces inconvénients sont également prégnants au Sénégal. Sa souveraineté récente, la jeunesse de sa démocratie, combinées aux responsabilités nouvelles des collectivités locales (issues des lois de 1996), augmentées d'un taux élevé d'analphabétisme en milieu rural, peinent à rendre comptable de leurs décisions les élus locaux devant leurs administrés.

La pauvreté occupe également une place importante dans ce tableau, en limitant les ressources fiscales de collectivités auxquelles l'Etat du Sénégal a transféré d'un coup neuf domaines de compétences, sans que la dotation globale qu'il leur consent n'atteigne un niveau suffisant pour leur exercice.

Dès lors, il ne nous paraît pas surprenant que la Région manifeste peu d'empressement pour s'impliquer réellement dans la « feuille de route » du RESOF, tant l'écart semble important entre les moyens disponibles et les missions à assumer.

Peut être faudrait-il également pointer du doigt la difficulté, pour les élus du Conseil Régional, à concilier la satisfaction de la population urbaine de la capitale régionale, et les attentes d'un territoire essentiellement rural.

* 44 Moins de quinze ans après que SAUVY eut employé pour la première fois l'expression « troisième monde ».

* 45 Formule extraite de l'Encyclique de 1967.

* 46 A l'instigation de Mamadou DIA, Président du Conseil.

* 47 Ce paragraphe emprunte, une fois encore, à Pierre DEBOUVRY et sa fiche-méthode « développement local ».

* 48 Ne dit-on pas que toute procédure mise en place éclaire les voies qui permettront de la contourner.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille