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Du mouvement de révolution circulaire dans la pensée de Platon

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par Guillaume RIVET
UFR Poitiers - M1 sociologie et M1 philosophie 2008
  

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b. Les mouvements cosmiques

Il existe un mouvement propre au Tout composé du mouvement du Même et de celui de l'Autre. Le Même entraine dans sa rotation axiale la sphère du corps du monde « depuis le milieu jusqu'à la périphérie du ciel42 ». Le Même est le seul cercle qui tourne avec une uniformité et une régularité parfaite ; l'Autre n'entraine que les planètes en mouvant les sept cercles, c'est-à-dire les orbites des planètes43. Nous pouvons aussi détailler les mouvements des parties produits par les étoiles individuelles, les sept planètes et la Terre. La révolution diurne des étoiles ainsi que leur rotation axiale sont engendrées par le mouvement du Même44. Le mouvement général des sept planètes est communiqué par le Même, tandis que l'Autre engendre les trajectoires circulaires des sept cercles, de part son mouvement même45. La double rotation qui résulte de ces deux mouvements forme une torsion : « entraînant sur son axe l'ensemble des cercles que ces corps décrivent, le mouvement du Même leur donnait l'apparence d'une hélice, étant donné que, dans deux plans, ces corps devaient avancer en sens inverse simultanément46 ». L'expression de mouvement de révolution circulaire, qui semble redondante, exprime alors assez bien ce double mouvement, ainsi que l'inversion de la rotation lors de la grande année.

Il existe des différences de vitesse entre les planètes : « Il prescrivit que ces cercles aillent en sens inverse les uns des autres, trois avec des vitesses semblables, et les quatre autres avec des vitesses différentes les unes par rapport aux autres et différentes de celles des trois autres, mais suivant un mouvement réglé47 ». Il en découle que pour se faire une idée juste des huit révolutions, le démiurge est obligé d'éclaircir le problème de la mesure en allumant le Soleil, qui était déjà à sa place, mais sans émettre de rayons lumineux. Il est alors possible de constater que la Lune ( ) tourne plus rapidement que le cercle de l'Autre ; le Soleil ( ), Vénus ( ) et Mercure ( ) vont à la même vitesse que le cercle de l'Autre, en complétant leur révolution en une année, bien que seul le Soleil possède le mouvement du cercle de l'Autre sans modification ; Vénus et Mercure modifient le cercle de l'Autre parce qu'ils ont reçu une impulsion dans le sens contraire du cercle de l'Autre48. Mars ( ), Jupiter ( ) et Saturne ( ) ralentissent le mouvement du cercle de l'Autre car ces planètes tournent dans le

42 Ibid., p. 122 (Timée 34 a, b), p. 126-127 (Timée 36 c, e) et Annexe 4, p. 294.

43 Ibid., p. 122-129 (Timée 36 c-d, 37 b- 38 c).

44 Ibid., p. 131 (Timée 40 a, b).

45 Ibid., p. 122 (Timée 36 c), p. 129 (Timée 39 a) et p. 122 (Timée 36 c- d).

46 Ibid., p. 130 (Timée 39 a).

47 Ibid., p. 126 (Timée36 d).

48 Ibid., p. 129 (Timée 38 d).

sens inverse de celui du mouvement de l'Autre, à la manière de Vénus et de Mercure. Les variations de vitesse, les régressions intermittentes accélérées avant l'arrêt du mouvement principal et enfin le renversement temporaire de son sens ne changent en rien au fait que les planètes aient une trajectoire circulaire. Il n'y a donc pas d'errance d'une trajectoire à l'autre des planètes d'après Platon, bien que l'astronomie antique qui l'affirme se base sur la distinction entre les fixes, c'est-à-dire les étoiles, et les planètes, qui errent (planetes, ðåðéctãõãÞñ)49. La course des astres ne peut pas être déraisonnable, puisque ce sont des divinités purement intellectuelles qui garantissent son mouvement.

Outre sa participation au mouvement du Même, le mouvement propre de la Terre ( ) est celui d'une rotation axiale et centrale ; elle reste fixée au centre du monde et semble assimilée à la divinité du foyer, Hestia50. Cette astrologie est issue de l'observation et surtout du calcul, qui permet de prévoir les mouvements des astres, puisque ceux-ci sont réguliers. C'est pourquoi Platon n'en dit pas plus et renvoie pour les détails à « une représentation mécanique des mouvements considérés51 », ce qui est probablement une allusion à une sphère armillaire52.

Il est maintenant clairement établi que l'usage de modèles géométriques dans la l'astronomie et la cosmologie apparaît particulièrement important. Ils permettent de modéliser les corps célestes, leurs tailles et leurs positions, la régularité de leur révolution ainsi que leurs périodes. Cette application spéculative géographique et cosmologique est d'ailleurs pour Aristophane à l'origine de l'étymologie du mot géométrie (mesure de -- toute -- la terre)53 ; et en effet, cela semble bien correspondre à la philosophie naturelle et politique de la Grèce archaïque54.

49 Ibid., p. 122 (Timée 36 b-40d). B RI SSON L uc, PRAD EAU Jean-François, Platon Les Lois Livres VII à XII, Paris, GF Flammarion, 2006, p. 191 et 193 (Lois X 898 d-899 d), p. 70 (Lois VII821 b, c).

50 « Hestia est la déesse du « foyer », celle qui, au centre, est le point de référence universel. Voilà pourquoi elle a été associée à la terre privée de mouvement et qui se trouve au centre du cosmos ». Op. cit., p. 118 (Phèdre 246 c) et p. 210 (Notes 184). Op. cit., p. 133 (Timée 40 b-c).

51 Ibid., p. 132 (Timée 40 d).

52 Voir illustration 3, Annexe, p. 66.

53 « Le Disciple- De la géométrie.

Strepsiade- Et à quoi cela sert-il ?

Le Disciple- A mesurer la terre.

Strepsiade- Celle que l'on distribue par lots ?

Le Disciple- Non, mais la terre entière ».

COU LON Victor, Aristophane, les acharniens, les cavaliers, les nuées, Paris, Les Belles Lettres, Collection des universités de France, 1987, p. 172 (les nuées, v. 200).

54 Hérodote attribut quant à lui comme origine à la géométrie la mesure de la terre, c'est-à-dire l'arpentage, LEGRAND Ph. -E., Hérodote, Histoires, Livre II, Euterpe, Paris, Les Belles Lettres, Collection des universités de France, 1968 (Livre II, 109).

Le fait que la géométrie puisse servir à modéliser les mouvements physiques des astres amène à parler de mouvement d'un point sur un cercle de la même manière que si on parlait du mouvement d'une planète sur son orbite, par exemple. C'est en dotant la géométrie de mouvement qu'A rchytas de Tarente, Eudoxe et Ménédème d'Erétrie résolvent des problèmes difficiles55 et qu'est fondée la mécanique mathématique56. Mais il s'agit davantage de l'étude des machines et de l'usage des instruments, que du mouvement lui-même.

Rappelons que, pour Platon, les mathématiques sont des objets idéaux qui ne sont pas sensibles car aucun géomètre, astronome, arithméticien « ne crée les figures, mais ils découvrent celles qui existent57 ». Il est donc mal approprié de parler de géométrie comme s'il était possible de construire les figures, c'est même « ridicule »58 d'après lui : « Aussi bien dois-tu savoir qu'ils ont recours à des formes visibles et qu'ils construisent des raisonnements à leur sujet, sans se représenter ces figures particulières, mais les modèles auxquels elles ressemblent ; leurs raisonnements portent sur le carré en soi et sur la diagonale en soi, mais non pas sur cette diagonale dont ils font un tracé, et de même pour les autres figures. Toutes ces figures, en effet, ils les modèlent et les tracent, elles qui possèdent leurs ombres et leurs reflets sur l'eau, mais ils s'en servent comme autant d'images dans leur recherche pour contempler ces êtres en soi qu'il est impossible de contempler autrement que par la pensée59 ». Au-delà de ce principe, Platon fait des mathématiques l'intermédiaire entre l'intelligible et le sensible. En effet elles diffèrent des formes intelligibles par leur pluralité et diffèrent du sensible à cause de leurs formes éternelles et dépourvues de changement. Il découle de ces remarques que pour Platon les objets géométriques ne se meuvent pas. La géométrie des solides est bien distinguée du mouvement en astronomie dans La République60.

55 MUGLER Charles, Commentaires d'Eutocius et fragments, Paris, Les Belles Lettres, Collection des universités de France, 1972 (de la sphère et du cylindre, livre second).

56 Platon y fait allusion dans La République, Livre VII, 528 b, op. cit., p. 380. Archytas : « Il fut le premier, en se servant des principes propres à la mécanique, à traiter méthodiquement de la mécanique, et le premier il introduisit dans une figure géométrique un mouvement instrumental, en cherchant à obtenir, par la section du demi-cylindre, deux moyennes proportionnelles, en vue de la duplication du cube ». GOULET-CAZE Marie- Odile, Diogène Laece, vies et doctrines des philosophes illustres, Le Livre de Poche, Classiques modernes, Librairie Générale française, 1999, p. 1007, (Livre VIII, § 83) Eudoxe p. 1019 Livre VIII § 90. Ménédème d'Erétrie, p. 344, Livre II.

57 Op. cit., p. 130 (Euthydème 290 c).

58 Op. cit., p. 378 (La République, VII, 527 a).

59 Ibid., p. 356 (La République, VII, 510 d- 511 a).

60 « Après la surface plane, dis-je, nous avons pris le solide déjà en mouvement, avant de le considérer tel qu'il est en lui-même. Il serait correct de reprendre la troisième dimension à la suite de la deuxième. Il s'agit de cette dimension, bien sûr, qui concerne les cubes et qui participe de la profondeur ». Ibid., p. 379 (La République, VII, 528 a).

La géométrie plane ou solide est donc immobile61 (akinêtos, Üêßíççïñ) et sert à la connaissance de l'intelligible et de l'éternel62, tandis que l'astronomie et la mécanique participent du mouvement. Ainsi, si la géométrie fonde la structure ontologique de l'univers63, le mouvement de révolution qui l'anime est quant à lui essentiellement d'ordre mécanique.

Nous pouvons conclure de cet exposé que ce qui sous-tend l'idée de révolution circulaire a une origine mythique et est lié à un déterminisme géométrique. Platon reprend la mythologie traditionnelle en affectant à chaque planète un dieu olympien. À cette mythologie grecque, il entrelace des proportions, les médiétés, qui règlent la place des dieux dans le ciel et qui déterminent la vitesse des mouvements des planètes. De même, la symétrie, synonyme d'harmonie, est liée à la beauté et au bon, qui sont des valeurs morales. Le bien est d'ailleurs un facteur déterminant puisqu'il guide les actes du démiurge et qu'il devient par voie de conséquence le point de fuite de l'univers. Enfin, l'âme du monde désigne à la fois une âme, c'est-à-dire un principe spirituel, et l'ordre du monde, d'essence mathématique. Il s'agit donc d'une pensée complexe faite de complémentarité. Nous trouvons enfin dans la démiurgie la justification du choix par la divinité de la force circulaire, jugée la plus symétrique, la plus semblable à elle-même, celle qui rappelle le plus l'immobilité et la perfection des Formes. Le mouvement qui règne dans le ciel ne peut donc être que circulaire.

61 V ITRAC Bernard, Quelques remarques sur l'usage du mouvement en géométrie dans la tradition euclidienne : de Platon et Aristote à Omar Khayyâm, Centre Louis Gernet de recherche comparées sur les sociétés anciennes (CRCSA), Paris, France, CNRS, UMR 8567, document numérique BU Droit-Lettres UFR Poitiers, consulté le 08/02/2008.

62 « On étudie la géométrie en vue de la connaissance de ce qui est toujours, et non de ce qui se produit à un moment donné puis se corrompt ». Op. cit., p. 378 (La République, VII, 572 b).

63 Comme il a été vu Chapitre I, 1, b, p. 11.

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