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Conséquence de l'évolution du lien substantiel entre Etat du pavillon et navire au sein de la marine marchande Fr. et des équipages

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par Yann Collin
ESC Bretgane Brest - Master 2008
  

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C. La vie de marin aujourd'hui' conséquence des stratégies de l'armateur

1. Les facteurs sociaux

51Statistiquement, il apparaît que la majorité des accidents maritimes peut être expliquée par « le facteur humain ». La réalité cachée sous ce chiffre tient bien davantage à des erreurs de management du personnel et de l'accroissement de la tension de travail des navigants, qu'à l'incompétence des marins impliqués. Les études faites par Trompenaar, Hoefstede ou Halls, au regard du management interculturel en entreprise, sont pourtant claires, et leur résultats sans appel : « La Culture est plus souvent une source de conflit que de synergie. Les différences culturelles sont des nuisances dans le meilleur des cas et le plus souvent des désastres. »52 Voilà qui a le mérite d'être clair. Hofstede en énonçant cette hypothèse s'appuie sur une étude en profondeur des différences culturelles au sein d'une même entreprise présente dans 75 pays. Les compagnies maritimes modernes sont souvent, pour les plus grosses d'entre elles, présentes dans bien plus de pays. Car il ne s'agit pas seulement de gérer des marins mais, comme Maersk, de posséder des ports et leur main d'oeuvre, d'avoir des agents diffusés dans le monde, et éventuellement de monter des écoles.

51 Les paragraphes suivants sont tirés du document « officier de Marine Marchande, au delà du rêve », Yann Collin, ESC Bretagne Brest, 2006

52 Hoefstede, 1984

a. La discrimination à la nationalité

Il est trop aisé de se référer aux dimensions d'Hofstede, en particulier celle relative à la distance au pouvoir, ou reconnaissance et acceptation des inégalités par la population. Les Philippines, la Thaïlande, l'Inde sont tous trois des pays dont l'Index PDI (Power Distance) est supérieur à la moyenne mondiale. De là à dire que leur acceptation des inégalités sociales du bord est un fait acquis, il y a un fossé que les armements n'ont pourtant pas hésité à franchir.

Telle que définie par le statut légal du pavillon, la loi s'appliquant à bord de tout navire de commerce est la loi de l'État du Pavillon. Dans certains cas particulier, c'est la loi du pays côtier qui s'applique (norme de déballastage des ballasts d'eau de mer par exemple).

Rares sont les situations où les marins se voient appliquer des lois différentes selon leur nationalité. Néanmoins, si le contrat obéit aux règles communes du Pavillon, le recours quasi systématique aux entreprises de marchandages 53 permet aux armements de se désolidariser de leurs marins, leur permettant de fait d'appliquer une discrimination légale et sociale selon la Nationalité par l'établissement de contrat différent.

Ainsi, il n'est pas rare de voir sur des navires coexister des conventions collectives différentes pour application aux Français, Polonais, et Philippins, avec des durées d'embarquement et des salaires différents à fonction similaire.

53 Entreprise de marchandage : Les entreprises de marchands d'hommes sont des entreprises de « service » mettant à disposition de l'armateur des équipages. Le marchand d'hommes s'assure de la bonne certification des équipages proposés et de leur connaissance maritime. Mais nombreux sont parmi eux, ceux qui ont mis au point des moyens liberticides d'obtenir la docilité des marins. L'un de ceux-ci, très répandu, consiste à taxer le marin pour lui procurer un emploi, couramment d'un ou deux mois de salaire. N'ayant évidemment pas cette somme, le travailleur embarque endetté. La pratique de la « liste Noire » est elle aussi très courante.

A titre d'exemple, la disparité des périodes d'embarquements selon la nationalité d'origine est de : 3 mois pour les Français, 5 à 6 mois pour les officiers d'Europe de l'Est et d'Inde, 9 mois pour les Asiatiques.

Cette situation d'apartheid n'est pas sans créer des tensions, des jalousies, et alimenter les réflexes racistes. Le plus bel exemple de ce phénomène est la guerre larvée que se livrent sur les mers du globe les marins Philippins et Indiens. Le canal 16 (canal de sécurité international, sur lequel tous les navires gardent une veille auditive permanente) résonne de « Philipino monkey » et « Stinking Indians ». Et les conflits ouverts, s'ils sont plus rares, n'en sont pas moins fréquents et souvent violents.

Il est à noter qu'à ce titre le code disciplinaire s'appliquant est celui de l'État du Pavillon. En France, le code est clair, le conflit ouvert est sévèrement réprimé, souvent par un débarquement à la première escale. Là encore, le marin coupable risque non seulement la perte de son salaire, mais éventuellement d'être black lister par les marchands d'hommes comme élément perturbateur.

Par convention sociale fortement ancrée, le marin ne fera pas ouvertement état de ces disparités à bord du navire. La profonde compréhension de la vie en communauté, d'autant plus importante que le navire peut être considéré comme un micro univers clos, oblige le marin à faire preuve d'une équanimité permanente. Le conflit est absolument prohibé.

Cependant, ces disparités peuvent avoir des conséquences néfastes dans le cas de situation dangereuse. En effet, il est nécessaire d'avoir à bord un minimum de solidarité entre tous les marins d'un même navire. Cette solidarité est inexistante lorsque le traitement est différent selon la nationalité.

Le concept d'équité de traitement est bien connu dans le monde de l'entreprise. Et, de fait, officiers et Commandants assurent autant que faire ce peu une équité dans la manière dont l'équipage est géré. Cependant, comment espérer pouvoir correctement gérer une équipe quand le seul point commun partagé est le métier de marin et la conscience de se battre dans un environnement hostile dans des conditions physiquement éprouvantes.

A ce titre, le RIF semble avoir créé un dangereux précédent. Le texte accorde, en effet, aux « manning agencies » internationales, rebaptisées « entreprises de main d'oeuvre maritime », un statut légalisant la pratique de marchandage de main d'oeuvre dont nous avons parlé ci- dessus. C'est le seul point sur lequel on trouve une référence précise à une convention de

l'OIT54, en l'occurrence la convention #179 sur le recrutement et le placement des gens de mer. Cependant, cette référence est détournée de son but originel car « recrutement et placement » signifient que le marin obtient un contrat de travail maritime avec l'armateur, ce qui n'est pas le cas d'un recrutement par une manning agency, ou comme pour le RIF « embauche et mise a disposition ». Cette interprétation risque, je le crains, de faire école dans un environnement international toujours prompt à saisir de telles opportunités, créant ainsi une brèche sérieuse dans un domaine du droit international manquant encore d'une solide jurisprudence.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci