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Conséquence de l'évolution du lien substantiel entre Etat du pavillon et navire au sein de la marine marchande Fr. et des équipages

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par Yann Collin
ESC Bretgane Brest - Master 2008
  

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3. Les facteurs professionnels

a. Les exemples d'une tournée Chinoise et du canal de Panama

Dans l'une des zones les plus densément peuplées au monde, où 333,8 millions d'habitants vivent quasi-exclusivement par la pêche (source Quid 2001), où les fonds ne dépassent pas 40 mètres le long des côtes, la navigation en approche de Hong Kong, principal pôle économique local, à 25 noeuds s'apparente à la manoeuvre d'un éléphant dans un magasin de porcelaines. Éprouvante par nature, l'approche d'un port chinois s'avère rapidement épuisante lorsque la météo se dégrade. Le radar ayant la jaunisse57 sur une échelle de 1.5 mille, la brume s'en mêlant, il est surprenant que davantage de pécheurs locaux ne disparaissent corps et biens, renversés par des tankers, porte-conteneurs, vraquiers et méthaniers croisant dans la zone.

Un navire n'est considéré productif par un armateur et/ou un affréteur58 que lorsqu'il est en opération de chargement ou déchargement. La multiplication des escales dans la zone Asiatique, liée à l'accroissement exponentiel de l'économie locale, implique pour le marin une période de plusieurs jours où son principal souci est de ne pas s'endormir. En application de la convention C180, convention sur la durée du travail des gens de mer et les effectifs des

57 Sur un radar, en réglage de jour, les échos apparaissent usuellement en jaune sur l'écran. Un radar réglé à 1.5 mille soit environ 3.5 Km d'échelle ayant la jaunisse donne une idée de la concentration de navires sur zone.

58 L'armateur est propriétaire du navire, l'affréteur loue les services de l'armateur afin de transporter des biens.

navires (disponible en annexe), il est demandé aux navigants de remplir une « REST TIME HOURS SHEET »(RTHS). Outil de contrôle par les autorités portuaires, celles-ci peuvent être amenées à stopper un navire dont l'équipage présente un taux de dépassement d'horaires trop important. Malheureusement, ces contrôles ne sont pas systématiques, et nombreux sont les armements qui tirent sur la corde, quand ils ne demandent pas à leurs navigants de fausser les feuilles d'horaires.

Ainsi qu'il est indiqué sur la RTHS en annexe, un officier de quart pourra être amené à n'avoir que 28 heures de pause en 72 heures ; pauses entrecoupées par les manoeuvres, le quart, les opérations commerciales et les éventuelles formalités douanières.

De plus, le quart passerelle se fait en général dans des conditions de stress permanent de part la concentration de pêcheurs apparaissant faiblement au radar, les autres navires manoeuvrant souvent en dépit des réglementations internationales (COLREG), la présence de haut fond et l'accumulation de fatigue.

De la même manière, dans le cas du passage du Canal de Panama (voir RTHS), l'officier « Zérac » et son matelot feront une journée de presque 24 heures, l'officier ayant eu la possibilité de dormir deux à trois heures avant de reprendre le quart. D'autre part, le stress durant toute la remontée du canal de Panama est à son maximum. Outre la navigation en eau resserrée, un navire Panamax est réellement limitéquant à son entrée dans l'écluse.

Enfin, comme il existe une visibilité OMI59, en deçà de laquelle un navire n'a pas le droit d'appareiller, Panama a fixé une limitation de visibilité plus sévère. Néanmoins, la plupart des compagnies préfèrent payer l'amende afin de passer avec un navire rentabilisé au maximum. Là encore, la tension nerveuse du Commandant et des officiers est à son comble lors du passage des écluses, ce à quoi, il faut rajouter la fatigue physique due à une trans-pacifique toujours éprouvante pour l'organisme (changements de fuseaux horaires quasi journaliers, météo médiocre à déplorable).

Seules quelques compagnies, telle MAERSK Danemark, pratiquent la doublure dans ces
zones à très forte tension de travail. La plupart des armements, préférant jouer sur une
alternance semaine épuisante/semaine plus reposante. Néanmoins, l'organisme est incapable

59 La visibilité OMI (Organisation Maritime Internationale) est l'angle mort maximum acceptable au-delà duquel un navire ne peut être autorisé à appareiller. Cf. annexe

d'anticiper sur le manque de sommeil à venir, les conditions de navigation, de part les impératifs économiques, qui se dégradent alors très vite.

b. La préparation de la crise, les exercices

Le domaine maritime n'autorise pas, en cas d'avarie, un soutien logistique facile d'accès. Ainsi, les équipages sont-ils rodés ou tout au moins supposés l'être aux notions de bases de lutte contre l'incendie, la pollution, l'accident du travail, etc. La fréquence des exercices, telle que déterminée par la SOLAS, est malheureusement loin d'être suffisante pour assurer un niveau de maîtrise convenable du matériel. Ainsi, il appartient souvent aux officiers d'apprendre à l'équipage l'utilisation correcte des équipements disponibles.

A valeur d'exemple, il m'est arrivé de conduire des exercices avec un matelot Philippin si effrayé à l'idée d'étouffer dans son masque à air que sa bouteille ne parvenait à lui fournir que 5 à 6 minutes d'air (hyperventilation). De la même manière, un exercice incendie non prévu, vit la quasi-totalité de la Maistrance réfugiée dans les embarcations de sauvetage.

Nous abordions plus haut (les nationalités à bord -- la discrimination à la nationalité) le problème de la confiance et de la solidarité au sein même de l'équipage. Il apparaît clairement que suite à un manque de formation cet esprit ne peut être atteint. Ainsi, la certification internationale délivrée, la majeure partie des équipages et Maistrance étant maintenant recrutée via les marchands d'hommes, quand est-il de la traçabilité et la validité de ces certifications ?

Ce manque de maîtrise du matériel, la répétition des exercices (en moyenne 1 à 2 par semaine), ajoutés à la tension de travail nécessaire à la vie courante du navire entraînent une usure physique et psychologique prématurées des hommes. La vie en milieu marin se caractérise par une tension de survie permanente, la notion de sécurité des hommes et du navire étant au premier plan des préoccupations de chacun. Sur un bateau de près de 300 mètres de long, et dont l'équipage ne compte qu'une vingtaine de personnes, chacun sait que l'espérance de survie en cas de chute par-dessus bord est presque nulle, la plupart des hommes ne se croisant que pendant les repas ou à la relève de quart.

c. La piraterie, le terrorisme et l'ISPS

Loin des histoires de boucaniers, la piraterie est encore de nos jours d'actualité. La recrudescence des actes de piraterie aux approches du détroit de Malacca, des côtes Somaliennes et en mer de Chine, ajoute une ultime dimension stressante à une situation qui

Message journalier reçu par satellite

l'est déjà bien suffisamment. Les navires de Marine Marchande étant désarmés, les consignes de sécurité telles qu'énoncées par l'OMI sont les suivantes : doublement du quart passerelle (de 1 on passe à 2 personnes également fatiguées), disposition de lances à incendie de part et d'autre du navire en position ouvertes..., ronde régulière sur le pont afin de s'assurer de l'absence de pirates..., préparation de manoeuvres évasives en cas d'approche d'un vecteur suspect, etc. La réalité est que, confronté à une attaque pirate, l'équipage ne peut souvent rien faire si ce n'est tenter de fuir l'abordage. Une fois celui-ci effectué, il ne reste plus qu'à prier.

Carte représentant les lieux reconnus pour les risques de Piraterie en fonction du niveau de dangerosité :

De plus, les attentats du 11 septembre 2001 ont clairement démontré la possibilité d'une attaque terroriste par détournement d'un appareil de fret civil, la possibilité de l'utilisation d'un navire de commerce, nettement plus facile à arraisonner, est alors clairement apparue comme existante.

Différents facteurs favorisant cette hypothèse peuvent être énoncés :

- La distance d'arrêt d'un navire ne déplaçant que 61 000 tonnes est d'environ 4 à 5 Km en fonction de l'état de la mer, cette distance s'accroissant avec le tonnage (jusqu'à 10

Km).

- Le niveau technique mis en oeuvre pour effectuer un atterrissage avec un navire est nettement plus simple à acquérir que celui d'un pilote.

- Un méthanier explosant engendrera une boule de froid intense sur un rayon de 800 mètres, puis une explosion, dévastatrice par l'effet de souffle.

- A titre d'exemple le port de New York se trouve en plein centre-ville.

Conscientes de ce risque, les autorités Américaines appuyèrent la mise en place du code ISPS, relatif à la sûreté des navires et espaces portuaires. Obligation était alors faite à tous les navires d'assurer la veille anti-terroriste en opérations commerciales. Malheureusement, rares sont les ports à fournir des équipes de gardiens, encore moins nombreux sont les armements ayant engagé de la main d'oeuvre supplémentaire afin de pallier convenablement à cette nouvelle astreinte, tout en respectant le droit du travail maritime.

Ainsi, en escale, depuis la mise en place du code ISPS, les matelots sont-ils contraints d'effectuer en plus du quart normal en Opération Commerciale, une veille ISPS, rendue d'autant plus inutile que ces derniers ne possèdent aucun moyen de prévenir la montée à bord de terroristes armés.

Tous ces facteurs sont autant d'accidents maritimes en gestation, aucun d'entre eux ne pouvant jamais être considéré comme mineur. Car qu'est-ce qu'un accident ? La définition telle qu'elle nous est donnée dans les cours de l'école nationale de marine marchande indique que l'accident n'est que la résultante de la dégradation d'un certain nombre de détails/facteurs isolés ou dépendants. Considérer le facteur humain est une chose, mais comme nous le savons bien, nul employé n'est responsable des contraintes organisationnelles et structurelles de l'entreprise pour laquelle il travaille. Si à terre, la réponse à l'accident est trop souvent le stage de formation, en mer, elle se traduit par un recours en justice. Les conséquences de la fortune de mer ne sont jamais anodines :

Ainsi, le cargo "FENES" chargé de blé qui s'est éventré sur la côte Corse, créant une pollution significative par la fermentation du blé répandu sur le fond.

De même, le porte-conteneurs "MELBRIDGE BILBAO" venu s'échouer sur les rochers de l'île de MOLENE, comme ses frères "KINI KERSTEN" sur une plage du Cotentin ou "COASTAL BAY" à l'entrée de LIVERPOOL, parce que l'officier de quart s'était endormi.

Et ces accidents ne sont pas encore à la hauteur de ce qui pourrait arriver : le gigantisme des navires, l'absence totale d'implication des marins dans le processus de conception de ces derniers au profit d'ingénieurs maritimes savants, certes, mais théoriciens avant tout, peuvent permettre de prévoir certains accidents susceptible d'arriver dans un avenir plus ou moins proche.

Imaginons le porte-conteneurs de 14 000 boîtes, tel l'Emma Maêrsk, conteneurs chargés pour certains d'entre eux évidemment d'une énorme quantité de produits dangereux ou polluants. Imaginons à la place d' "AMOCO CADIZ" un LPG de 75.000 m3 chargé de propane ! Que seraient devenues la population et toute la vie côtière ? Le propane se vaporisant et restant particulièrement froid aurait recouvert la côte asphyxiant tout, à moins de ne rencontrer une étincelle créant une énorme explosion !

Imaginons un transport de GNL de 125.000 m3 victime d'un abordage à proximité d'un port ! Le méthane (à -164°C) se déversant à la mer, créant un iceberg qui, en se désintégrant progressivement, bombarderait de glaçons les environs tout en créant des ondes de choc et un risque pour la navigation aérienne.

Imaginons le désastre qu'aurait pu présenter l'abordage du "VASCO da GAMA", éthylénier, devant TERNEUZEN, qui n'a heureusement pas eu de cuve touchée... Certains spécialistes disent que si une cuve s'était déversée brutalement dans l'estuaire, l'explosion se serait fait sentir jusqu'à Anvers où plus aucune vitre ne serait restée en place.

Imaginons l'abordage d'un navire à passagers, loin de côtes équipées, par un transport de gaz (certains constructeurs "géniaux" imaginent déjà des paquebots avec 10.000 passagers !). Le feu, l'explosion, la tempête etc. rendant le sauvetage immensément difficile.

Mesure-t-on les conséquences d'une brèche dans une cuve d'un chimiquier transportant du "VCM" ou tout autre produit hautement cancérigène à l'abord d'un port ?

La course au gigantisme dont sont les victimes consentantes les armateurs, à tort ou à raison, la réduction permanente des équipages et l'accroissement de la tension de travail inhérente, le recours à des solutions technologiques à moindre coût plutôt qu'à une main d'oeuvre qualifiée, le jeu fait sur les règlementations internationales quant au code du travail maritime ou de l'ISM, la pression que certains gros transporteurs sont capables d'infliger aux

États si ceux-ci se montrent trop pointilleux ou pas assez accommodant (la compagnie Maersk fait plier le gouvernement Panaméen quant à la définition des navires Panamax, fait également plier le gouvernement Danois quand celui-ci désire durcir les règles de son pavillonnement), sont autant de critères montrant bien le peu de cas qui est fait du marin face aux besoins du capital navire. C'est oublier bien vite que, malgré une tentative peu convaincante au Japon de navires sans marin, celui-ci reste le seul à même de faire circuler le navire et d'assurer sa rentabilité et son entretien tout au long de sa vie. Le marin « donne une main au navire, et en garde une pour lui, mais si le bateau souffre, il donne encore trois doigts au navire. »

Bien évidemment, les conditions de vie des marins sont bien loin de celles qui prévalaient du XIVe au XIXe siècle. Les nuits de sommeil dans l'entrepont, les hamacs si serrés que le nez de l'un touche le dos de l'autre, la pluie ou l'eau de mer dégoûtant du pont mal jointé, les vêtements toujours humides d'eau de mer et l'eau douce, denrée rare, n'autorisant ni douche ni même un semblant d'hygiène, tout cela a disparu. Mais tandis qu'à l'époque, les marins, en avance sur leur temps, bénéficiaient d'une sécurité sociale, d'une retraite et nombreux autres avantages comparativement à la population terrestre, le marin d'aujourd'hui, s'il est à la pointe du capitalisme, fer de lance d'une société de consommation et d'échange nécessitant un apport de matières, produits et denrées sans cesse grandissant, a néanmoins perdu les avancées qui lui étaient propres. Le lien entre le marin et son armateur, s'il n'a jamais été particulièrement fort, était représenté néanmoins en la personne du Commandant. Mais le rôle de celui-ci, ayant été lui aussi soumis à une très forte évolution, n'est plus représentatif de ce dernier.

Que reste-t-il alors du lien entre armateur et marin ? Le contrat de travail maritime. Encore celui-ci ne s'applique-t-il que pour une faible portion des navigants. Nous l'avons vu, les matelots sont plus souvent recrutés par l'intermédiaire de marchands d'hommes que par un armement, celui-ci se dégageant alors du maximum de responsabilités.

On le voit, la situation de la marine marchande, soumise à une évolution extrêmement rapide de l'environnement commercial mondial et à la massification des flux de marchandises, a été amenée à relâcher et distendre les relations que les États pouvaient normalement entretenir avec elle. Conscients des conséquences du dépavillonnement, les pays traditionnellement maritimes ont créé les pavillons bis, pauvres succédanés aux pavillons de complaisance et peu satisfaisants à la fois dans la détermination du lien substantiel comme dans les avantages et certitudes qu'ils pouvaient procurer aux armements maritimes. Ainsi, le TAAF, tant décrié par le flou juridique dans lequel il évoluait, n'avait pas su convaincre les armements français et étrangers de pavillonner tricolore.

La tentative du RIF, reconnu pavillon de complaisance par l'ITF, obéit à une logique purement économique dans laquelle la situation de la France d'un point de vue commercial et stratégique ne permet plus de protéger les emplois des nationaux. Le report des responsabilités de l'engagement de main d'oeuvre française sur les affréteurs, loin des considérations normales de la responsabilité des Commandants comme de celle des armateurs est l'une des nombreuses marques de la distanciation de l'État quant au lien substantiel qu'il exerce sur le navire.

Alors que la communautarisation du droit français et l'alignement du droit maritime sur le droit terrestre ont eu des conséquences importantes sur les particularismes de la vie maritime et de celle des marins, il est intéressant de noter que le fer de lance des capacités d'export et d'import d'un pays passe par une dérégulation sensible et néanmoins ordonnée de son fonctionnement.

La licence donnée aux armements de faire appel aux agences de manning pour le recrutement d'une main d'oeuvre étrangère aux conditions du pays d'origine est une marque forte, à mon sens, de la volonté de l'État français d'aborder de façon pragmatique le problème de la marine marchande française et son manque de compétitivité. Loin des considérations sociales et de la responsabilité envers ses ressortissants navigants, la France prend lentement la voie derrière de nombreux pays pour rejoindre une complaisance totale et affranchie de tout scrupule pusillanime.

Il est de bon ton chez les navigants de critiquer ouvertement toutes les avancées effectuées par l'État comme par les armements concernant leurs statuts propres, et cela semble justifié dans la mesure où le métier se réduit comme peau de chagrin autour de quelques navires dont les équipages n'auront de français que le pavillon au cul du navire flottant au dessus du nom d'une ville dont ils ignoreront jusqu'à la localisation.

Du Commandant français, officier d'État Civil, représentant de la France en déplacement, nous arriverons sous peu à un Commandant de navire français dont les prérogatives déjà bien mises à mal par l'évolution du monde maritime feront face aux énormes responsabilités qu'engendrent la loi Perben.

Néanmoins, force est de reconnaître que l'importance de la marine marchande pour un État n'est pas négligeable et loin s'en faut. C'est la force de leur flotte et l'attractivité de leur pavillon qui ont permis à certains pays tels le Liberia, les Bahamas ou Malte et Chypre, plus proches de chez nous, d'éviter une banqueroute dans le pire des cas, une situation économique difficile dans le meilleur des cas. D'autres pays tels que les philippines voient dans la manne de la marine marchande internationale le moyen d'importer des devises fortes en encourageant leur population à embrasser le métier de marin60.

60 La plupart des marins du monde sont payés en Dollars américains.

Un certain nombre de solutions existe néanmoins afin de sauvegarder un semblant d'ordonnancement sur les mers du monde. La convention de Montego Bay stipule que l'État du port peut effectuer des contrôles sur les navires en relâche ou de passage dans les eaux territoriales. Cette tache qui permettrait un assainissement notable des mers n'est malheureusement pas systématisée. En effet, alors que la majorité de la flotte mondiale navigue sous pavillon de complaisance, imaginons les conséquences d'un boycott de la flotte panaméenne sur les côtes française. Ne nous faisons pas d'illusion, la France s'enorgueillit d'influer sur les orientations politiques maritimes. Force est de reconnaître que ni sa petite flotte, ni la productivité de ces terminaux, ni même sa capacité d'import-export et sa situation géographique en retrait par rapport aux lignes de flux logistiques ne permettent de tenir bon face à la foule compacte des pavillons de complaisance.

A mon sens, le renforcement du contrôle par l'État du port ne passera que par une volonté européenne commune d'assainir les mers du monde des pavillons poubelles.

Une autre solution envisageable serait le renforcement des contrôles de compétences et une réévaluation de la STCW 95 fixant les standards de formation des marins marchands. Car le danger sur la mer ne vient pas du pavillon à proprement parler puisqu'il n'est que l'extension d'un besoin économique et commercial de la part d'un État,, mais des marins qui sont amenés à naviguer sous ces pavillons. Cela étant, le peu de contrôle effectué sur les navires et l'état déplorable de certains dus à la mauvaise volonté évidente d'armateurs-affréteurs, plus concernés par la rentabilité immédiate et à court terme du navire que par son entretien, montrent bien que le renforcement des normes pesant sur les seuls marins ne sera pas suffisant.

S'il est vrai que ce dernier point mériterait d'être soulevé comme symptôme conséquent à la dérive de l'ensemble des pavillons mondiaux, il n'en reste pas moins que le principal problème de l'exercice réel du lien substantiel réside d'abord dans le flou juridique qui entoure le concept et dans la latitude qui fut laissée aux pays à organiser le mode d'immatriculation et de pavillonnement.

Il est important de souligner une fois encore que si le flou juridique a su profiter aux États du pavillon, ses précisions dans le domaine de l'enregistrement des sociétés a permis à nombre d'armateurs de limiter leurs responsabilités, de fait, bien au-delà du cadre initialement prévu par la loi (confère la limitation légale de responsabilité, chapitre précédent).

Enfin, un effort important reste à faire auprès des États-Unis dont l'intégralité de la flotte marchande (ou presque) est pavillonnée sous complaisance principalement aux Bahamas. Sans l'appui de ce pays important représentant une part de marché non négligeable dans le commerce mondial, il ne saurait être question de convaincre les pays émergents dans le monde maritime, comme la Chine, de renoncer aux facilités et aux dangers des pavillons de complaisance.

Addenda : Article paru le 24 janvier 2008 sur le site armateurs de France.

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu, ce jour, sa décision dans l'affaire de l'Erika.

En écartant la convention sur les pollutions maritimes, le tribunal a réussi à éviter le conflit entre le droit international et le droit français. L'armateur, son gérant technique et la société de classification ne pouvaient ignorer le problème grave de structure du navire et que celui-ci n'était pas aux normes. Dans ces conditions, on ne peut que se réjouir de leur condamnation. Elle est exemplaire pour améliorer notre métier.

Un armateur dont la légèreté jette l'opprobre sur l'ensemble de sa profession doit être sanctionné. Toutefois, la question du respect de la hiérarchie des normes reste entière et il serait souhaitable que les conventions internationales puissent servir leur véritable objet : poser les fondements du droit de la mer pour éviter désormais toute interprétation.

Le grand absent de ce procès est l'État du pavillon. A quoi sert en effet de créer des obligations pour les États qui accordent leurs pavillons, s'ils ne peuvent être tenus responsables lorsqu'ils n'exercent pas les contrôles nécessaires ? Pourquoi la France n'a-t- elle pas poursuivi sa logique et engagé devant une juridiction internationale la responsabilité de l'État de Malte ? Au nom de la réciprocité ? En matière de contrôle par l'État du pavillon, l'administration française est exemplaire.

Le bon fonctionnement du Fipol (fonds créé spécialement pour compenser les conséquences de ce type de catastrophe) avait permis d'indemniser le préjudice économique des victimes. Le tribunal a décidé de compléter ce fonds conventionnel. Introduire une notion de « préjudice environnemental », pourquoi pas ? Mais cette notion ne devrait-elle pas dans son principe et ses modalités être définie par le législateur (au niveau international) plutôt que par un tribunal ?

Fin de citation.

On le voit, le problème reste entier, le contrôle par l'État du port en France est convenablement fait, sans s'accorder les envolées lyriques du texte ci-dessus, mais comment faire face convenablement à la dégradation générale des conditions de navigation et de flux commerciaux quand il est manifeste que certains États se refusent à assumer toute responsabilité quant à la situation des navires immatriculés sous leurs pavillons. Il est regrettable que le droit International ne se penche pas de façon plus approfondie sur le problème, comme il est regrettable que la taille de la flotte pavillonnée préside à la valeur du vote de l'État du pavillon. Que dire du fait que l'État du pavillon incriminé dans cette affaire soit un pays européen, Malte ?

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius