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Conséquence de l'évolution du lien substantiel entre Etat du pavillon et navire au sein de la marine marchande Fr. et des équipages

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par Yann Collin
ESC Bretgane Brest - Master 2008
  

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ANNEXE III

Retour d'expériences
Officier de marine marchande
Ship manager

Situation actuelle de la marine marchande Française :

110 entreprises

Plus de 1 000 navires sont opérés par des compagnies françaises dont 240 navires sous pavillon français

Les entreprises maritimes françaises emploient 12 500 navigants et 15 500 personnels sédentaires dans le monde entier (pour la seule France, cela représente 11 000 navigants et 8 500 sédentaires1).

102 millions de tonnes de marchandises transportées par an

72 % des importations et exportations de la France s'effectuent par le mode maritime

Retour d'expériences

A. Officier de Marine Marchande

Après avoir navigué pendant un an pour la compagnie Service et Transport à la croisière sur le Club Med 2, je dus quitter cette compagnie, le nombre de navires et de postes à pourvoir ayant diminué en l'espace de quelques mois de façon drastique. Je postulais pour un poste d'officier chez Maersk France en juillet 2003, 3 mois après mon dernier embarquement d'élève officier. J'effectuais un total de 6 embarquements, réparti entre des fonctions d'officier mécanicien (2 contrats) et passerelle entre août 2003 et juillet 2005, par période allant de 4.5 mois à 2 mois, chacune d'elle donnant droit à une durée à peu près équivalente de congé. Afin de clarifier mon propos, j'aborderai le récit de mon expérience suivant 4 axes, j'exposerai dans un premier temps le rôle de l'officier, puis j'évoquerai les deux types d'embarquement que je fus amené à effectuer dans le cadre de mes contrats, en commençant par la fonction mécanicien avant d'aborder la passerelle. Enfin, je me pencherai brièvement sur la fonction d'officier telle que je l'ai perçue durant ces 2 ans de navigation.

/. Officier de Marine Marchande, responsabilité, devoir

L'officier de Marine Marchande (OMM) est à la fois responsable, devant le Commandant, son Armement et la Loi de la bonne marche du navire, de la sécurité du navire et de son équipage, du respect des réglementations maritimes nationales et internationales, de la bonne gestion des ressources matérielles et humaines, de la sûreté du navire et de l'équipage et de la gestion et résolution des éventuelles détresses. Outre les aspects réglementaires, l'OMM est aussi responsable, selon sa fonction, de la bonne tenue et continuité de son service, des opérations commerciales, du quart à la mer, etc....

De part sa fonction, l'OMM est amené à prendre des décisions visant à assurer outre la « Sauvegarde de la vie humaine en Mer », la bonne marche d'une structure physique et financière. A valeur d'exemple, un conteneur de 20 pieds sec sera transporté entre l'Arabie Saoudite et la France, soit environ 4000Km, pour une somme moyenne de 14000€2 dans le cas d'un conteneur dit « Super Freezer », les sommes mis en jeux sont beaucoup plus importantes. De nos jours, les plus gros porte-conteneurs ont une capacité de transport

1 Ces chiffres représentent principalement les navigants au cabotage et navires de servitude. La flotte au long cours seule donne un nombre inférieur à 300 marins pour les quelques 100 navires concernés.

2 http://www.resotainer.com/

officielle de plus de 12000 conteneurs. Ce chiffre étant bien souvent inférieur à la capacité réelle de transport du navire.

Afin d'assumer au mieux ses responsabilités, l'OMM effectue une formation théorique initiale de trois ans : recrutement sur concours post-bac, que vient compléter une dernière année théorique à l'Ecole Nationale de Marine Marchande après qu'il ait navigué un minimum de 12 mois comme élève officier puis 12 mois supplémentaires comme officier. Outre la scolarité, l'OMM est amené à effectuer un certain nombre de stages visant à lui permettre de répondre aux situations d'urgences avec la plus grande efficacité et célérité possible. Ainsi, l'OMM est à la fois pompier, manager, mécanicien, navigateur, opérateur radio, responsable anti-pollution, responsable de la sûreté, et, en liaison avec le Centre de Consultations Médicales Maritimes PURPAN (Toulouse), peut effectuer des actes médicaux et chirurgicaux.

L'ensemble des brevets lui ayant été attribués durant sa scolarité ou l'exercice de ses fonctions doivent être revalidés à intervalles réguliers, ainsi le Certificat Général d'Opérateur Radio n'est valable que 5 ans.

2. Officier mécanicien

En tant que 4ème officier mécanicien, il m'appartenait de prendre soin du traitement des 4500 tonnes de fuel nécessaires à la propulsion et production d'électricité, du traitement de l'eau de boisson (normes d'hygiène et traitement chimique), de la production de l'air comprimé, du traitement et de la gestion des huiles utilisées et/ou en stock.

Le rythme de travail était usuellement de 08001200 puis 13001800, les manoeuvres portuaires ou en eaux resserrées nécessitant également la présence de l'officier d'astreinte à la machine. Ce même officier voyait les alarmes machines renvoyées dans sa cabine pendant ses pauses, nuits comprises.

Sur un navire de commerce, l'espace machine est une concentration d'apparaux assurant à la fois la propulsion du navire et sa sécurité, mais également l'ensemble des équipements nécessaire à la vie de l'équipage. C'est dans la machine que l'on produit le froid nécessaire au fonctionnement des frigos vivres et de la climatisation. C'est dans la machine également que se fait le traitement de l'eau de mer en eau potable. De même, l'alimentation électrique nécessaire non seulement au confort des marins, mais également et surtout, au bon fonctionnement des radars, radios à la passerelle, et des séparateurs, etc., à la machine. C'est enfin dans l'espace machine que se gère l'ensemble des pompes et vannes de ballastages, des

pompes du système incendie, etc... Qu'un seul point de la cascade d'apparaux nécessaires vienne à manquer, et l'accident peut survenir. Sur un navire, la négligence est le premier facteur d'erreur, le premier facteur d'accident. Mais peut-on réellement parler de négligence quand la fatigue du personnel s'accumulant, le risque lié au facteur humain va en s'aggravant?

Au delà d'un espace purement industriel dont la température moyenne atteint les 40 à 55°C sous les latitudes tropicales, la machine est un espace humain dans lequel le personnel de service est amené à faire face à des difficultés d'ordre physique, morale et mentale très particulières. Loin de la marine de commerce de nos grands parents, où l'équipage était constitué de natifs du même pays, la marine de commerce, profitant de l'ultra libéralisme du marché mondial, a su attirer en son sein une population hétéroclite de travailleurs internationaux. Recherchant le moindre coût, à la fois dans les processus de construction des navires (il est fini le temps où les chantiers de St Nazaire s'enorgueillissaient de liste d'attente, de nos jours, les chantiers navals les plus importants du monde sont en Asie, entre la Chine et la Corée), et dans la gestion des opérations de maintenance comme d'équipages, seules quelques compagnies, telles MAERSK Danemark, privilégient-elles encore la qualité de leurs personnels et de leurs navires en recrutant et construisant sur le territoire National. Mais ces compagnies sont rares, et les raisons qui les poussent à construire et recruter dans ces conditions sont plus souvent liées à des impératifs politiques qu'à des raisons économiques.

Mais pour expliciter mon propos, il me faut, je pense, donner une courte explication du processus de construction d'un navire, et les contraintes rencontrées par un équipage moderne. Un navire marchand se construit en tranche, et pour le temps du chantier, ressemble davantage à l'assemblage d'un sandwich d'acier qu'à la cathédrale de métal qu'il est appelé à devenir. Chaque portion de ce sandwich est construite en même temps, en respectant les cotes données sur les plans.

Néanmoins, si sur le papier le principe reste simple, il faut rappeler les faits suivants. Les délais de fabrications des navires sont de plus en plus courts. Les chantiers navals utilisent de plus en plus une main d'oeuvre sous qualifiée afin d'effectuer un certain nombre d'opérations en sous-traitance, augmentant ainsi leurs marges. Les compagnies maritimes cherchent à réduire au maximum la durée de construction de manière à pouvoir rentabiliser l'immobilisation massive que constitue un navire. A titre d'exemple, le navire Maersk Garonne sur lequel je fis mon premier embarquement d'officier mécanicien, fut livré avec 2 mois d'avance sur le programme initialement prévu.

Mais ce type d'attitude n'est pas sans avoir de lourdes conséquences sur l'équipage. Car un navire vide est un navire qui perd de l'argent, à ce titre les compagnies maritimes n'attendent souvent même plus la fin des essais à la mer et le ravitaillement du navire pour entamer les premières opérations commerciales au mépris de la dangerosité de la navigation effectuée par un équipage épuisé travaillant sur un navire sur ballast seulement3 et dont les coursives sont envahies par l'ensemble du matériel nécessaire au maintien de la vie humaine à bord comme à sa sécurité.

Une autre conséquence de ce type de construction tient à un aspect purement mécanique des choses. Construits à l'emporte pièce, les navires modernes ont souvent la particularité de faire leur premier appareillage avec la plupart des apparaux non fonctionnels. Certains tuyaux ont encore leurs bouchons plastiques bien que tous assemblés. Des vannes de non retour sont montées à l'envers, les cosses électriques sont mal serties, et certains tuyaux s'avèrent impossibles à reconnecter au passage d'une tranche, un jeu de plusieurs centimètres existant parfois. Et si le chantier maritime a les outils permettant de jouer sur l'élasticité naturelle de l'acier afin de régler le problème, ce n'est pas le cas à bord. Ces erreurs de constructions se traduisent pour l'équipage embarqué par un surcroît important de travail et un raccourcissement notable des nuits à cause d'alarmes intempestives. Il m'est personnellement arrivé à plusieurs reprises, lors de mon premier embarquement, de dormir au poste de contrôle machine, afin de pouvoir gérer plus rapidement les alarmes, et aller resserrer des cosses au milieu de la nuit. Il va sans dire qu'avec la quantité de travail à faire dans la journée, il ne saurait être question de faire la sieste.

La chaîne hiérarchique sur un navire de commerce, que ce soit à la machine comme à la passerelle, obéit à un ordre strict apparenté à la hiérarchie militaire. Du Chef mécanicien au soudeurs/tourneurs et nettoyeurs, la chaîne de commandement est connue de tous et respectée. Il s'agit ici, comme à la passerelle, de préserver la sécurité du personnel embarqué et de faciliter la gestion des situations de crises. La hiérarchie dans l'espace machine reste cependant empreinte d'une ambiance bon enfant, se démarquant, de fait, de l'ambiance de la passerelle. La difficulté du travail physique, le partage d'efforts et de dangers en commun, le travail en équipe quasi permanent, sont à l'origine de la création d'une communauté à part sur le navire. Cette communauté presque autonome, souvent confrontée à des impératifs

3 Ce qui entraîne une forte diminution de la stabilité du navire, une diminution du « ñ - a », se traduisant par un couple de rappel faible, mais un mouvement angulaire de grande ampleur (plus de 80° bord sur bord)

mécaniques que semble ignorer la passerelle, est souvent amenée à se serrer les coudes devant l'ingérence des «gens du pont ».

La chaîne hiérarchique prend également toute son importance dans la gestion du personnel international, dans un environnement de travail où le hurlement à travers le bruit et le casque antibruit est la norme, et le langage des signes le seul moyen de se faire comprendre à plus de 2 mètres de distances. Le respect de la chaîne hiérarchique permet ainsi de limiter les discussions nuisant à l'efficacité du travail, de gérer avec certitude des situations à haut indice de dangerosité, de manipuler et faire manipuler des pièces de plusieurs tonnes. Parce que l'officier donne l'ordre, le travail sera fait avec promptitude. Parce que l'officier donne l'ordre, il prend toute la responsabilité.

Car, au coeur de l'espace navire, que ce soit à la passerelle comme à la machine, l'officier est responsable de la vie et de la santé des hommes qui travaillent sous ses ordres. Cette responsabilité est le coeur du métier d'officier, et augmente avec le grade, jusqu'au pinacle du Commandement, assumant la responsabilité pour l'ensemble du navire et de son équipage. C'est cette responsabilité qui pousse certains Commandants à dégazer le long des côtes Bretonnes pour éviter le risque d'incendie dans l'espace machine.

3. Officier pont

Il appartient à l'officier pont d'assurer une «Veille permanente, visuelle et auditive »4, de manière à assurer la sécurité du navire et de l'équipage ainsi que celle des navires et équipages pouvant être amenés à croiser sa route.

Au cours de mes divers embarquements Passerelle, deux services me furent affectés. Le premier d'entre eux fut le service Navigation.

Outre la veille, s'effectuant par période de Quart (en l'occurrence 00000400 & 1200 1600 à la mer, et 0000 - 06000 & 1200 - 1800 en opérations commerciale), j'étais directement responsable devant le Commandant de la bonne tenue des documents nautiques et de leur corrections hebdomadaires, du traçage des routes à suivre sur les cartes papiers, électroniques et GPS, du respect des réglementations internationales, nationales et régionales concernant la navigation et de leurs mises à jour, et de l'entretien courant des apparaux de navigation.

4COLREG 72

En opération commerciale, il m'appartenait de surveiller le bon déroulement des opérations de chargements et déchargements des conteneurs, la bonne application de la réglementation Internationale quant au chargement/déchargement de conteneur IMDG5 (International Maritime Dangerous Goods) et de leur marquage, de la stabilité du navire par mouvement de ballast en appliquant les réglementations locales de non contamination des eaux, de la sûreté du navire en application du code ISPS (the International Ship and Port Facility Security Code), et d'assister le Second Capitaine quant à la tenue de l'escale.

Le deuxième service auquel je fus affecté fut la Sécurité.

Travaillant par période de quarts (08001200 & 20002400), j'étais responsable, outre la veille, de la formation permanente des membres d'équipage à la sécurité du bord. Cela comprenait sans être exhaustif, leur parfaite connaissance de leur rôle Incendie, Abandon, Pollution6, ainsi que des formations de base à l'exercice des premiers secours, à l'abandon du navire, à la survie en immersion ou en radeau, à la lutte contre l'incendie. D'autre part, en tant que pompier, il m'appartenait d'assurer l'entretien et la surveillance de tout les systèmes d'extinction incendie, de lutte contre la pollution par hydrocarbure et/ou chimique, de la bonne signalisation des échappées (sortie de secours), du renouvellement des périssables à poste dans les embarcations de sauvetages, etc... De même que lors de mon précédent contrat, j'assurais le quart en opérations commerciales.

La fonction d'officier passerelle repose sur une appréciation de son rôle totalement différente. Il ne s'agit plus seulement d'être responsable de l'équipe avec laquelle on travaille. Il s'agit d'accepter la responsabilité d'un navire, d'un équipage, et de tout autre navire et équipage croisant dans les mêmes eaux. Car l'officier pont travaille principalement en solitaire et ce n'est pas l'éventuelle présence nocturne du matelot philippin qui change la situation. Responsable de la vie des membres de l'équipage, de la conduite du navire et de sa sécurité, l'officier pont a pour premier devoir, d'être capable de reconnaître sa propre faiblesse. Car, afin de préserver la vie humaine, et éventuellement les cormorans Bretons, l'officier doit être capable d'appeler le Commandant, lui remettant alors toute la responsabilité qui pesait alors sur lui. Cette pratique, très courante, et systématiquement appliquée lors des manoeuvres en

5 IMDG: Conteneur obéissant à une réglementation particulière tant au niveau du marquage que du positionnement sur le navire par la nature du/des produit qu'il contient. Ceux-ci peuvent être de nature chimique, radioactif, militaire, etc. Ils sont l'objet d'une veille attentive tout au long de leur transport de part leur dangerosité potentielle.

6 Rôle : Chaque membre d'équipage à une fonction attribuée selon son niveau de compétences et de responsabilité afin d'assurer la sauvegarde du navire ou des hommes en situation d'incendie, pollution,

eaux resserrées7, est attendue de la part du Commandant chez ses officiers. Les ordres permanents affichés à la passerelle et signés par tout officier embarquant sont clairs: « En cas de doute, de visibilité réduite, de situation rapprochée, appelez le Commandant ». On ne saurait être plus clair. Mais il s'agit alors de s'interroger sur le sens de « doute », « visibilité réduite » et « situation rapprochée ». C'est là que le rôle de l'officier prend toute sa dimension. En plus de ses différents rôles, l'officier pont, au contraire des collègues mécaniciens, doit faire face à une situation de profonde solitude. Ainsi l'officier de 0 à 4, dormira t'il quand les autres se réveilleront pour commencer leur journée de travail, montera au quart quand le stimulus social du déjeuner commencera, quittera le quart quand tout le monde sera en train de travailler, ira dîner rapidement afin de faire une sieste avant son quart de minuit à 4 heure de façon à pouvoir assurer son quart dans de bonnes conditions. Cette situation est poussée à son extrême dans le cas de cet officier mais reste néanmoins vrai dans le cas des autres officiers. D'autre part, la gestion des situations de stress se fait également seul. Car, appeler le Commandant dès que le danger est présent, relèverait de l'aberration. De nos jours, poussés par les impératifs commerciaux, les porte-conteneurs naviguent le plus vite possible dans la mer de Chine, zone dont la concentration de navire de pêche comme de commerce est la plus haute au monde, après Malacca et la Manche. On atteint déjà une situation où l'officier n'appelle plus le Commandant en situation de doute, mais d'extrême doute, de situation extrêmement rapprochée. Et déjà s'opère, au sein même d'un équipage compétent, la dérive vers l'accident pour tenter de préserver le sommeil du Commandant qui a aussi peu, si ce n'est moins, dormi que n'importe quelle autre personne du bord.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire