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Faute et Châtiment. Essai sur le fondement du Droit pénal chez Friedrich Nietzsche

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par Rodrigue Ntungu Bamenga
Faculté de Philosophie saint Pierre Canisius Kimwenza, RDCongo - Bacchalauréat en Philosophie 2005
  

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II.3. CHATIMENT ET VENGEANCE

Nous en venons maintenant au dixième sens (but) du châtiment proposé par Nietzsche : « compromission avec l'état primitif de la vengeance, en tant que cet état primitif est encore maintenu en vigueur par des races puissantes qui le revendiquent comme un privilège. »73(*) Jusqu'ici, le Droit n'a nullement perçu dans le châtiment quelque indice de vengeance. A première vue, Nietzsche ne le pense pas non plus. Mais, à une dimension généalogique de ses analyses, il y a comme un fond de vengeance dans l'origine de la sanction pénale.

Cette vengeance ne se comprend que par l'expérience du ressentiment telle qu'elle est vécue par les races puissantes ou les aristocrates. En effet, l'aristocrate se reproche de ne rien valoir en lui-même, parce qu'il est méconnu dans sa toute-puissance par le faible. Sa souffrance est celle de ne pas être reconnu et craint comme un puissant. D'où ses conquêtes brutales qui n'en finissent pas, pour se faire reconnaître.74(*) Il est évident, à notre avis, que la sanction pénale lui offre l'occasion d'exercer une vengeance privée sous le couvert du châtiment, pour cette reconnaissance qui tarde à venir. Cependant, comment Nietzsche trouve-t-il dans le châtiment un moyen efficace de « compromission avec l'état primitif de la vengeance », c'est-à-dire un moyen d'éradiquer celle-ci ?

La question paraît plus claire, si nous la situons dans l'évolution du droit pénal. Nietzsche signale déjà que « la cruauté était une pratique courante à l'humanité primitive ». La pensée juridique l'atteste, en ajoutant que l'infraction était alors considérée comme « une atteinte à l'ordre privé, et la justice pénale [était] une justice privée ». Par conséquent, la faute commise à l'égard d'autrui était vengée en privé. Cette vengeance pouvait aller jusqu'à l'anéantissement du malfaiteur. L'institution de la loi du talion de 1700 a.c.n. paraît déjà un progrès considérable, parce qu'elle limite la vengeance privée à la proportion de l'attaque subie : « OEil pour oeil, dent pour dent ». Jusqu'aux siècles récents, c'est l'abandon noxal qui semblait plus juste que la loi du talion.75(*) L'exercice de la vengeance jadis collectif, devient de plus en plus l'affaire d'un petit cercle. C'est en vue de contrer les dégâts d'une telle vengeance primitive que l'Etat seul, non plus l'initiative privée, se charge actuellement d'exercer la répression et de maltraiter le criminel par des sanctions pénales.

On peut affirmer que le problème de Nietzsche se situe à ce niveau : la société (elle seule) doit châtier le malfaiteur, pour empêcher les races puissantes d'exercer une vengeance privée sous une apparence de justice. Il est d'ailleurs évident que Nietzsche ne dissocie pas la justice de la vengeance. Eugène DÜHRING qu'il cite l'exprime avec plus de clarté : « la doctrine de la vengeance traverse tous mes écrits, toutes mes aspirations, comme le fil rouge de la justice. » Jusqu'à un point de vue historique, le droit est le symbole d'une lutte permanente contre les instincts de vengeance. Cependant, la visée du châtiment examinée ci-dessus laisse persister une insatisfaction : en quoi le châtiment est-il réellement un bien pour l'homme, s'il porte toujours un fond de vengeance ? C'est que toute peine est un instrument juridique dont les méfaits restent à découvrir.

* 73 Ibidem

* 74 Interprétation dégagée de la lecture nietzschéenne de Martin Heidegger, dans Essais et Conférences, traduit de l'allemand par André Préau, Paris, Gallimard, 1958.

* 75 Nyabirungu, op. cit., pp. 15-16. La loi du talion (lex talionis) est consacrée dans le Code Hammourabi de Chaldée. Elle a été reprise dans la Loi de Moïse (d'où l'allusion de Jésus : « Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : "oeil pour oeil, dent pour dent." Eh bien, moi je vous dis... ») et dans la Loi romaine des Douze Tables évoquée plus haut dans ce chapitre. L'abandon noxal consistait à abandonner l'auteur d'une infraction entre les mains de la famille de la victime, qui était libre d'en faire ce qu'elle voulait : le vendre, en faire un esclave, le mettre à mort, etc.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams