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Faute et Châtiment. Essai sur le fondement du Droit pénal chez Friedrich Nietzsche

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par Rodrigue Ntungu Bamenga
Faculté de Philosophie saint Pierre Canisius Kimwenza, RDCongo - Bacchalauréat en Philosophie 2005
  

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II.2. LA MATIERE DE LA FAUTE

Une action a valeur de faute lorsque, définie par la loi, elle révèle suffisamment une intention de nuire. Mais la faute non consommée atténue toujours la responsabilité du sujet, et donc l'ampleur du châtiment. L'élément matériel de la faute est ainsi la faute proprement dite. Celle-ci suppose non seulement le mal pleinement commis, mais aussi les tentatives, la complicité du sujet et la pluralité des fautes liées à l'acte condamné. Cette logique ne se présente pas autrement chez Nietzsche. L'élément matériel sur lequel il fonde le sentiment de culpabilité - nous l'avons déjà signalé - est la notion de dette impayée. Dette qui ne frustre pas seulement le créancier, mais aussi la communauté tout entière, qui se la fera payer de son mieux.

La faute est ici entendue comme l'art de semer des troubles, une violation de traité ou un manque de parole envers la communauté. La colère des créanciers et de la communauté lésée, précipite le coupable à l'état sauvage et le met hors la loi. Le châtiment devient alors nécessaire ; « il est la conduite normale »46(*). Mais, dans l'oeuvre de Nietzsche, il serait insuffisant de saisir cette faute sous un rapport unique. Champromis entrevoit la possibilité d'une faute à trois dimensions : la faute civile, criminelle et morale.47(*)

II.2.1. Triple dimension de la faute

Nous le constatons, la faute nietzschéenne gravite jusqu'ici sur deux notions phares : l'idée d'une communauté protectrice de sujets du droit (créancier et débiteur) et celle matérielle de dette impayée étant à la source d'un litige. L'entrée en jeu de ces concepts montre qu'il n'est nullement question d'une faute au sens moral. Elle a plutôt un fondement juridique. C'est que, en réalité, il n'est pas de droit sans litige (dette) potentiel, ce dernier étant un conflit qui oppose deux ou plusieurs partis. Le conflit suppose une atteinte réelle des droits subjectifs nécessitant l'arbitrage d'un tiers, l'autorité.48(*) Nietzsche aura donc constaté avec raison que la société est, à elle seule, une entité conflictuelle, litigieuse, où les intérêts des uns et des autres sont constamment mis en danger. C'est pourquoi, selon une compréhension plus poussée, elle ressemble à une association de créanciers et débiteurs, de maîtres et esclaves en opposition perpétuelle. La notion de dette revêt ainsi chez Nietzsche une pluralité de sens.

II.2.1.1. La faute civile

Elle n'a pas le sens d'un délit civil, d'un comportement volontairement fautif, causant un dommage à autrui. La faute civile chez Nietzsche est le sens primaire de la dette dont nous avons fait une brève mention dans le chapitre précédent. Elle repose entièrement sur l'agir du débiteur, qui ne peut s'acquitter de sa dette envers son créancier. En revanche, ce dernier obtient sur lui une contre-jouissance (le droit de faire souffrir), en compensation des désagréments subis.49(*)

En effet, si cette cruauté semblait une pratique courante de l'humanité primitive, Nietzsche a raison de faire remarquer l'étrangeté du décret « si plus minusve secuerunt, ne fraude esto (si c'est peu qu'ils soient mutilés, cela peut se faire légitimement)» de la loi romaine des Douze Tables (ca. 451 a.c.n.). La logique de ce décret voudrait souligner qu'« en lieu et place d'un avantage, qui compense directement le dommage causé (donc au lieu d'une compensation en argent, en biens fonds, en possession d'une chose quelconque) il est accordé au créancier une sorte de satisfaction en matière de remboursement et de compensation, - la satisfaction d'exercer en toute sécurité sa puissance sur un être réduit à l'impuissance, la volupté "de faire le mal pour le plaisir de le faire" ».

L'entrée de ces principes en Droit ne scandalise pas. A l'échelle communautaire, ils attribuent plusieurs fois au créancier son droit de maître. Droit anoblissant de pouvoir mépriser et maltraiter un être comme quelque chose de plus bas. Par contre, « dans le cas où le vrai pouvoir exécutif et l'application de la peine ont déjà été délégués à "l'autorité" »50(*), le plaisir du créancier se limite à voir faire souffrir cet être. De la faute civile, Nietzsche en vient à la faute criminelle, qui élargit sa notion de dette.

* 46 GM, pp. 112-113.

* 47 P. Champromis, « La Généalogie de la Morale », in André Jacob (dir.), Encyclopédie philosophique universelle III. Les oeuvres philosophiques, Paris, PUF, 1992, p. 2007.

* 48 Simon Decloux, Cours de philosophie du Droit, saint Pierre Canisius Kimwenza, Inédit, 2004-2005, p. 3.

* 49 GM, p. 101.

* 50 Ibid., p. 100. Cette autorité est habituellement l'Etat. Car en matière de pénalité, selon Georges Brière de L'Isle, c'est l'Etat qui prend en charge l'exercice de la répression, le droit de maltraiter le coupable au nom de la victime et le pouvoir de fixer la peine. La justice privée (Cfr. notre chapitre précédent) est donc interdite. L'intervention judiciaire remplace l'initiative privée dans l'exercice de la répression.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon